C’est devenu toute une aventure
pour se rendre à Toulouse … (si on n’est pas Toulousain) ! Car, d’où qu’on
parte, il va falloir franchir … les bouchons !
Contrairement à Shangaï, il n’existe
pas de gratte-ciels à Toulouse, ni dans la périphérie : chacun ici
pratique le gaspillage … de l’espace naturel. Chacun veut une « toulousaine »
(c’est une maison de briques roses au moins XVIIIè), avec autour dans l’ordre :
une piscine (bleue). Une pelouse irriguée (verte) pour pratiquer le barbecue et
le golf, enfin un potager-bio pour disposer de tomates plein-champ (goûteuses
ayant le goût vrai des tomates de mère-grand).
les files de gauche des abonnés |
Alors, on est prêt à habiter
loin, pour se rendre le matin en Ville en voiture. On prendrait bien le train,
le TER par exemple, mais ou bien il est en grève ; on bien en retard (pour
cause d’incident technique par exemple le vol des fils cuivre qui commandent
les passages à niveau). Ou bien il n’y a pas de trains.
motards signalés : danger ! |
Alors on fait (chaque matin) un
calcul arithmétique : pour arriver mettons à 9 heures (arriver avant
relèverait de l’auto-mutilation), il faut arriver au péage de Muret (pour ceux
qui habitent au-delà) à 7 heures. Donc on part avant, à 6 heures 30. Trente pas
trente-cinq car alors, on perd-direct une heure. De bouchons. Ils sont récurents (comme on dit à la télé). Leur
durée peut-être … indéterminée. Vous allez me rétorquer : -« arrivés à 8 heures, vous allez la
reperdre, l’heure de bouchons gagnée ». Réflexion typique de
Toulousain-malin ! Sauf que notre voiture, à nous, est garée. Nous sommes
assis à la Brioche Dorée (ça rime). Au chaud, on peut re-petit-déjeuner.
Croissant-café. On peut méditer ; rêver ; écrire ce papier ;
certains d’être à l’heure : 9 heures.
au retour nez au Sud, les attardés vers Toulouse s'engouffrent dans les bouchons sans issue de secours |
Comme on est organisés, on sait
qu’on devra repartir, (de ce lieu idyllique). En principe 8 heures après, 17
heures. Bouchons garantis. On va donc transiger pour 16 heures. Dernier carat !
(ce serait mieux 15 heures). Le véhicule est place Jeanne-d’Arc, le nez au
Nord. (Pour se garer, on a pris un billet). Comme 3000 agriculteurs sur leurs
gros-tracteurs bloquent toutes les issues périphériques, (donc le centre-Ville
où ils déversent des remorques de fumier), les véhicules de CRS les entourent
sirènes hurlantes. Ne pas rester dans le coin, vite filer ! Vous aurez
remarqué : il fallait absolument libérer hier soir les CRS occupant le
barrage de Sivens, pour leur permettre de libérer Toulouse. Pauvres CRS, n’ont
pas le temps de souffler ! Nous, va falloir contourner les barrages !
Nous vivons la métamorphose d’un
monde. Du monde. Notre monde. On ne peut se contenter de nos anciens sens, de
nos traditionnels pouvoirs, conçus pour chasser le mammouth laineux, pas pour
se sortir du double barrage des CRS contenant les agriculteurs.
Nous devons être supermen. Nous devons être connectés !
Emmanuel a pigé la métamorphose
du Monde. Il a équipé sa maison de plaques photovoltaïques, pour être autonome
en électricité. Il a acheté (dans les premiers) l’iphone (le dernier). Relié à
la 4G, il est informé 24H/24, on lit les messages d’alerte de la Dépêche en
voiture in live. Je lis car je suis
le passager, mais dans sa voiture connectée, il a le plan de GoogleMaps sous
les yeux dans un cadran exprès. Le passager dispose d’un écran plus grand, pour
regarder le Monde (au lieu de la télé). Il est connecté, sa voiture est connectée.
Ce matin, elle l’a réveillé à 6 heures pile, le café (connecté) était chaud quand il fallait (ça rime) le toaster (connecté) a craché un premier croissant.
Il m’a pris à l’heure dite, le même
dispositif avait fonctionné pareil pour moi. En route, le premier péage passé
(file de gauche, celle des mecs connectés
qui passent le péage sans s’arrêter (ils paient après), vitesse 132Km/H
compteur, 129,9 au GPS. On est suivi par des satellites, tout est enregistré.
Pilote automatique, la voiture sait où elle doit aller. Le GPS veille, le radar
avant contrôle la distance de sécurité derrière le véhicule devant (vous suivez ?).
Un radar latéral nous guide en se calant sur la bande blanche. On peut papoter
(en toute sécurité…ça rime). Pilote enclenché. Alerte ! un signal s’allume !
Incident devant : ACCIDENT ! Second signal : 2 motards veillent
sur le trafic depuis le pont au-dessus. Ils ne sont pas armés. Ouf !
Danger passé ! Radio : « les
agriculteurs bloquent les rocades » ! Dépêche (je tiens l’iphone) :
tous les bouchons sont géolocalisés ! Plein trafic, en dents de scie. Ca
démarre. Ca s’arrête.
Nous envoyons le drone (arme
secrète, nous sommes connectés). Visio
avec le drone. Il filme le tracteur. Rocade barrée ! Fumier. Itinéraire bis. Voiture propre, pas
question de la … saloper ! Tous warnings allumés ! On sort. Alerte !
Danger imminent ! Deux motards (sur le bas-côté) fument leur clope
(Danger). Ils ne sont pas armés : Danger passé. Le conducteur presse le
bouton (adapté) : danger confirmé. La centrale comptabilise la
confirmation : un nouveau « veilleur » va être confirmé. Le
compteur donne le nombre : devant nous, 118 ; 125 ; 150 « veilleurs
confirmés » veillent. Ils confirment les risques : radars fixes ;
mobiles ; motards désarmés. Motards armés. Tracteurs. Fumier. CRS armés.
Grenades dégoupillées. Le système alerte ceusses-qui-sont- connectés. Eux, ils
renseignent le système.
les CRS traversent, tous phares allumés..danger ! |
Tracteur-fumier...contourné |
C’est le printemps arabe . . . des routiers.
On ne risque pas de s’ennuyer :
c’est tout un système social en veille, qui est connecté. Le jeu (est-ce un jeu ?) : contourner le
système. Vivre quand-même, malgré les bouchons. Arriver (quand-même) à l’heure.
Repartir (quand-même) de même. Réussir à vivre, à travailler. Malgré les
dangers.
Quelle société !
On s’arrête chez Mac Do :
borne digitale : commander… à manger. Carte-bleue enregistrée. Facture payée.
Les serveurs, oreillettes (pour écouter). Blue tooth (pour parler) ont suivi la
commande électronique sans jamais s’arrêter ! Quelques secondes après (pour rimer) arrive la
serveuse (connectée). L’ordi a foiré…
Manque la sauce des potatoes. On râle (un peu). L’ordi crache la sauce. Des
détails à perfectionner ? Rien n’est
jamais… parfait ! Nuggets (poulet). Potatoes (patates françaises). Et Coca…à
volonté. In fine, on a (bien) déjeuné !
Le système D, le must du modèle français
désormais … connecté !
Se rendre à Toulouse, bloqué par les agriculteurs, un matin de semaine
ordinaire
requiert de super-pouvoirs
Pas de souci :
on est connecté
Inutile de préciser que les mecs non connectés sont … de l’autre
côté
… de la fracture numérique
Nous ne vivons pas qu’une crise économique
mais la métamorphose d’un monde
Jeunes, ou pire : vieux
y-a intérêt
à bien s’accrocher : ça va secouer !
(ça secoue déjà grave)
au retour, 10 veilleurs veillent dans un rayon de 7Km : nous sommes sortis de la zone dense urbaine, mais nous ne sommes pas seuls ! |
Zone danger : on est connecté |
PS : que de changements en trois ans :
http://babone5go.blogspot.fr/2011/11/une-heure-de-toulouse.html