Je vais vous entrainer dans une histoire compliquée, de celles qui m’amusent, comme détective d’Art à la recherche des belles choses, dont les vestiges d’architecture Art Nouveau catalan.
Je ne me lasse pas de découvrir l’œuvre de Lluis Doménech i Montaner dont je vous ai parlé cent fois, et qui me fascine toujours depuis que j’ai découvert la Casa Navas à Réus, cela fait déjà un bout de temps. En fait, ce qui m’amuse c’est son association avec le sculpteur Eusebi Arnau i Mascot, celui qui place ses statues sur les balcons : quand les propriétaires sortent la tête de leur intérieur, ils ne sont pas seuls grâce à leur reproduction en pierre, grandeur nature, qui fait vivre leur façade. Les Catalans disent « fachada ». A l’extérieur, notamment la nuit, les visiteurs (indélicats) ont l’impression que les propriétaires les observent sur leur balcon, et ils filent (principe de précaution).
Revoici la Casa Navas "à l’époque", avec son flot d’ornementation florale. A l’époque c’était avant la démolition de la coupole. Voici également la vieille carte postale représentant la Casa Lléo Mora de Barcelone, avant que Loewe détruise (on espère en réalité qu’il les a enlevées soigneusement et conservées en lieu sûr) les statues du rez-de-chaussée.
Je me désolais en regrettant cette beauté disparue, jusqu’à ce que je me remette à chercher : mon ami Lluis a été particulièrement prodigue en immeubles, à Barcelone certes, à Reus aussi, mais pas que là.
Voilà que je tombe sur la Garrotxa , province de Gerone, ville d’Olot, 24000 habitants. Une ville riche de maisons « modernistes », comme la villa Gaieta Vila sympathique par ses couleurs vives.
Figurez vous que la casa Sola Morales date de 1781. Son propriétaire fatigué de sa façade appelle Lluis, et lui demande (nous sommes en 1913) de la refaire à neuf. Lluis a dans ses cartons un style qu’il répète systématiquement : de grands balcons protégés par des ferronneries art-nouveau. Un oriel sculpté. Des sculptures grandeur nature. Il appelle son copain Eusebi, et lui demande si (par hasard), il ne pourrait pas lui refaire deux statues, dans le style habituel. Peut-être même la seconde ... pour « une peseta de plus » ?
Eusebi s’exécute avec sa gentillesse habituelle, et se méfiant de Loewe, se dit qu’il pourrait répéter la déco du balcon de Barcelone, au cas où. Et il sculpte ce que certains nomment les cariatides d’Olot : ce ne sont pas du tout des cariatides, mais de vraies et belles femmes.
la fachada avec le balcon |
La conclusion est qu’il ne faut jamais désespérer,
et qu’on finit souvent par trouver ce qu’on cherche !