mardi 25 février 2014

Dernières heures




Promenade iodée en vélo dans Cancale : forcément, on se rapproche de la mer, il y a toujours quelque chose à voir. C’est dimanche, c’est plein de bretons (sans doute parisiens ?) qui marchent en famille pour aspirer l’iode, et digérer le poulet roti avec les patates du marché. Ils nous regardent glisser sur le chemin en vélo, véhicule du passé, véhicule du futur : on se croirait en Irlande, avec ces bovins chevelus !





La mer est plate, pleine de reflets irisés. C’est beau la mer devant les criques désertes.



Au loin il est en Normandie : le Mont, visible de partout dans son cocon de brume.



Il est l’heure de partir vers le sud,

Au revoir la Normandie


Au revoir le pays breton !

dimanche 23 février 2014

Old school electric bicycle

Vincent vient de m'apprendre à capturer les écrans de street
view (Maps) pour trouver n'importe où in the word n'importe
quel marchand. Ici Christophe is closed


Il faut emprunter la (grande) route de Rennes. Aller près de Pleugueneuc : Saint Domineuc exactement. Et là, au coin du canal qui est vide en cette saison, il y a Christophe. Qui bavarde avec Wolfgang (Amadeus), un informaticien du genre costaud, dont le loisir consiste à fabriquer des vélos (ça le délasse de l’ordinateur).

Il faut dire que Christophe tient une boutique consacrée au vélo, avec d’adorables petites pièces comme des jantes extra larges ; des selles en panthère ; et des sonnettes laiton made in Japan.
 


La spécialité de Christophe, est l’importation de Wattitud bicycles conçues in USA, revendues en Belgique, et donc importées au centre de l’Ille et Vilaine. Les plus beaux vélos sont les vintage Old School, avec leur design vintage (incomparable) et leur faux réservoir à essence qui cache la batterie.

La selle est en cuir forcément, mais il en existe d’autres plus confortables encore. Une fourche télescopique avant. Freins à disque à l’avant. Et vitesse garantie 35Km/H parfait pour le chemin de halage longeant le canal.



















J’ai le droit d’essayer le modèle violet, et c’est franchement cool de faire semblant de pédaler pendant que le gros moteur électrique (chinois) caché dans le pignon arrière développe sa puissance. Les côtes sont effacées, et on revient frais et dispos d'une ballade qui sinon vous enverrait directement au lit !




la version bleue

derrière Wolfgang à gauche, son tricycle dont le coffre cache une HiFi
. Christophe est à droite, derrière ses vélos. Je me suis acheté une sonnette
laiton japonaise pour mon Brompton

Merci Christophe,

Roulons électrique

In U S Armorique


Sean Mac Leod (de passage incognito) s'intéresse de près au Old School !

samedi 22 février 2014

Traversée normande



De Rouen, traversée normande vers Cancale, il y en a pour trois heures pile avant d’arriver baie du Mont Saint-Michel. Arrêt à Basseneuville, est-ce à cause d’anciennes villa romaines que toutes les communes, ici, ont un suffixe en  « ville » ? Les colombages règnent en maître, et la proximité de Bavent orne les tourelles d’imposants épis de faîtage. Une côte de Normande (la vache) sur braises (de pommier) s’impose et nous change des darnes de Lieu, notre habituel menu marin.


Impossible de ne pas faire un tour de Caen, de ses églises et abbayes somptueuses, dans l’atmosphère blanche de la pierre (de Caen). Les plages du débarquement sont bien attirantes, à quelques jours du soixante-dixième anniversaire. Nous nous dirigeons vers Bénouville, en face de Ranville : traversée du canal latéral à l’Orne sur le nouveau Pegasus Bridge, nom qu'a reçu après les opérations du 6 juin 1944, pendant la Seconde Guerre mondiale, le pont de Bénouville en l'honneur des parachutistes britanniques dont le cheval Pégase était l'emblème.



Il s'agit d'un pont basculant du type Scherzer. Initialement construit en 1935, l'original a été remplacé par un nouveau pont similaire mais plus long en 1994 (afin d'accroitre la largeur praticable du canal et inauguré lors du cinquantième anniversaire du débarquement de Normandie). La longueur de la travée basculante est de 45,70 m. Le vrai pont est à côté et fait l’ornement du Mémorial.
 















  




Sa prise de contrôle par des commandos britanniques arrivés de nuit par planeurs est un des hauts-faits du débarquement de Normandie le 6 juin 1944. Une pensée pour eux, nous sommes au milieu des cimetières militaires et des bustes de Héros écossais, morts pour nous.

Deux heures de plus vers l’Ouest, nous entrons en Ille et Vilaine par la Porte de Dol. Salut au Mont et ses mammouths, et virée vers la Baie, le ciel est tout noir sur les terres. Le Mont apparaît à droite comme une ombre chinoise.
 


 













 















Un rayon de soleil illumine Cancale sur sa falaise.

Retour en Bretagne !






je vous ai parlé d'une côte de Normande

dimanche 16 février 2014

énervés de Jumièges

Fils de Clovis

…énervés… !

Il y a un tableau au Musée des Beaux arts que je vous ai réservé pour la fin : au cas où vous auriez des problèmes avec vos parents (je m’adresse aux enfants) croyez que le pire a déjà eu lieu ! Quand on s’inquiète de voir certains gamins brutalisés aujourd’hui, on est loin des sévices des siècles passés ! Fils de prolo, passe encore. Mais fils de Roi, bonjour les dégâts ! Je vais vous raconter la punition survenue aux fils de Clovis, pire qu’une simple taloche ! Même qu’une fessée ! Carrément, on bascule dans la maltraitance !

L’histoire nous est racontée (en peinture) par Evariste-Vital Luminais,  né à Nantes, le 13 octobre 1821 et mort le 15 mai 1896. Je parie que vous n’en aviez jamais entendu parler. Rassurez-vous : moi non plus, il a fallu que je tombe sur son tableau pour m’épouvanter d’horreur.

Je vous passe la biographie de l’artiste que vous trouverez sur Wiki, toujours est-il qu’il manifeste des dons certains pour la peinture, et que ses parents (qui ne lui ont jamais fait de mal) l’envoient à Paris auprès du peintre et sculpteur Auguste Debay (1804-1865). Il n’a alors que 18 ans et suit les cours de Léon Cogniet ( 1794-1865), peintre d’Histoire et portraitiste qui comptera parmi ses élèves Léon Bonnat (1883-1922). Enfin, il fréquente l’atelier de Constant Troyon (1810-1865), peintre de paysage et d’animaux, qui sera son véritable maître.
 


Comment tombe-t-il sur l’histoire des fils de Clovis ? Attendez : Clovis II, pas le numéro 1, le vase de Soisson etc…Je dis bien Clovis II ! Clovis II accède au trône à la mort de son père Dagobert Ier, en 639. Il a quatre ans, et sa mère Nantilde assure la régence jusqu'à sa mort, en 642. La suite du règne de Clovis II se déroule sous l'influence des maires du palais de Neustrie Ega et Erchinoald (ou Archambaud). La résidence royale est alors à Clichy.



En 649, Clovis II prend pour épouse une esclave anglo-saxonne nommée Bathilde (626-680). Achetée à York par le maire du palais Erchinoald, elle est emmenée dans le royaume des Francs pour l’épouser. Mariage d’amour comme vous voyez, trois fils naitront de cette union :




Clotaire III (652-673), qui succède à son père comme roi de Neustrie et de Bourgogne (657-673) ;
Childéric II (653-675), qui devient roi d'Austrasie à la mort de Childebert l'Adopté (662-673), puis roi de tous les Francs à la mort de son frère aîné Clotaire III (673-675) ;
Thierry III (654-691), qui devient roi de Neustrie et de Bourgogne à la mort de son frère

Dans ces conditions, pourquoi la légende des énervés de Jumièges ?
 



Selon la légende, deux fils de Clovis II se seraient révoltés contre leur père durant un pèlerinage de ce dernier en Terre sainte. À son retour, Clovis II les aurait arrêtés et aurait fait (sur la sympathique suggestion de leur mère) brûler les nerfs de leurs jambes. D’où le terme : « énervés » : privés de nerfs. De nerfs ou de tendons des jarrets ? Je cite le manuscrit : « qu’ils seroient coupez aux bras et ainsi rendus impotents ». Ouf, seulement les bras, les privant du port d’armes. Les deux frères auraient été abandonnés sur un radeau, sans gouvernail ou aviron, assistez seulement d’un serviteur pour leurs  nécessitez, au fil de l’eau de la Seine, remettant le tout à la providence et miséricorde de Dieu.. « Sous la conduite duquel ce bateau dévalla tant sur la rivière de Seine qu’il parvint en Neustrie (Normandie).et s’arresta au rivage d’un monastère appellé des anciens Gemièges » (à l'abbaye bénédictine de Jumièges). Ils y sont soignés (sans CHU inexistant à l’époque) et ensuite, guéris ( ?), ils sont « instruits dans la discipline monastique et vie spirituelle ». L’abbaye aurait été pour cette raison richement dotée par Clovis et Bathilde, sans doute émus de leur forfait, et de l’intervention divine y mettant fin. Tout s’arrange et les parents se réconcilient avec les enfants. (et réciproquement). Du coup, l’abbaye prend le nom pour la postérité de l’abbaye des énervés !

Cette légende n'a aucun fondement historique : Clovis II n'est jamais parti en Terre Sainte et est mort à un âge où ses fils étaient trop jeunes pour se dresser contre lui.

Je reviens à notre Evariste Luminais qui gobe cette histoire, et en peint plusieurs huiles, qui décorent notre musée :

« Première pensée pour les énervés de Jumièges, vers 1880, huile sur toile, 41 x 32 cm ». « Etude pour les énervés de Jumièges ; figure au revers, vers 1880, huile sur carton, 36,5 x 48,5 m ». les deux au Musée des Beaux-Arts de Rouen.



Le must étant la grande huile « Les fils de Clovis II, vers 1880, huile sur toile, 190,7 x 275,8 cm ». qui est accrochée à la Galerie d’art de la Nouvelle-Galles du Sud, Sydney. Je me demande ce que font les visiteurs australiens de cette peinture énervante, très normande ? Je vous montre celle du Musée de Rouen : « Les Énervés de Jumièges, 1880. Huile sur toile, 197 x 176 cm ». C’est un gros morceau. La barque rase l’eau froide (et humide) de la Seine, on ne voudrait pas être à la place des fils de Clovis, les jambes bandées ! Et puis, finir moine…le chant grégorien à haute dose… !


Cette peinture est considérée comme le chef-d’œuvre de Luminais

 et fait sensation au salon de Paris de 1880 :

il nous arrive à tous…d’être énervés,

véner

mais…à ce point… !

jeudi 13 février 2014

Retour au bercail


Ca a fonctionné comme prévu : aujourd’hui jeudi 13 les ambulanciers s’annoncent au portail. Entrent. Spectaculaire ouverture des portes et extraction de Roger de son brancard articulé. Un comité d’accueil se trouve opportunément présent et fait une ola au ressuscité. Souriant, hilare, il nous récite un poème, et nous cite le onzième commandement qu’il vient d’ inventer :

Au CHU ne monteras
si veux mourir paisiblement

La grande difficulté se situe à 22 heures : l’équipe de nuit relaie l’équipe de jour. Pour bien énerver le malade, l’équipe de jour ne lui a pas donné le somnifère, pour être certaine de le mettre en tension. Il s’énerve donc jusqu’à ce que l’équipe de nuit ouvre la porte à grand bruit, pile au moment où il s’apprêtait à somnoler, et lui remette la précieuse petite pilule. Evidemment après tout ce bazar il ne s’endormira qu’après. Enfin c’est fini, après une convalescence remarquablement rapide.

On fêtera le retour de Roger avec quelques doigts de porto, après l’eau de Seine sans goût, ça le change forcément !

Il y a un personnage éminent dans toute cette histoire, c’est la Vierge, celle vers qui on se tourne quand tout va mal. J’en ai vu des Vierges au Musée des Antiquités, et je n’avais pas eu le loisir de vous les montrer : en calcaire, d’une finesse remarquable. En ivoire, qui rappelle la tradition des ivoires de Dieppe.
  

La plus belle est la Vierge de l’abbaye de Valmont en ivoire sculpté, patinée avec de minuscules fentes, dont le Musée vend une reproduction pas mal du tout.

La Vierge (elle mesure 41cm) est debout, le visage penché vers son fils qu'elle tient allongé dans ses deux bras. Elle est vêtue d'une longue robe ajustée, au décolleté arrondi. Elle porte sur les épaules une cape retenue par deux cordonnets terminés par des glands, qu'elle ramène sous le bras gauche et qui se casse doucement en lourds plis volumineux. Ses cheveux longs ondulent de part et d'autre de la figure et descendent dans le dos. L'enfant potelé, les cheveux bouclés, est enveloppé dans un lange d'où émerge son torse nu.

Elle a décidemment remis Roger très en forme : il nous cite quelques vers du poème de Théophile Gautier (1811-1872) : Ce que disent les hirondelles, en espagnol : Lo que dicen las golondrinas. Il adore l’expression : les métopes du Parthénon : tout le monde ne sait pas de quoi il s’agit ? Je vous le cite en entier, comme une incitation à une croisière en Méditerranée :




















Déjà plus d’une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis;
Soir et matin, la brise est fraîche,
Hélas! les beaux jours sont finis!

On voit s’ouvrir les fleurs que garde
Le jardin, pour dernier trésor;
Le dahlia met sa cocarde
Et le souci sa toque d’or
 

La pluie au bassin fait des bulles,
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules:
Voici l’hiver, voici le froid!

Elles s’assemblent par centaines,
Se concertant pour le départ.
L’une dit: « Oh! que dans Athènes
Il fait bon sur le vieux rempart!

Tous les ans j’y vais et je niche
Aux métopes du Parthénon.
Mon nid bouche dans la corniche
Le trou d’un boulet de canon. »

L’autre: « J’ai ma petite chambre
A Smyrne, au plafond d’un café.
Les Hadjis comptent leurs grains d’ambre
Sur le seuil, d’un rayon chauffé.

J’entre et je sors, accoutumée
Aux blondes vapeurs des chibouchs,
Et parmi des flots de fumée
Je rase turbans et tarbouchs. »

Celle-ci: « J’habite un triglyphe
Au fronton d’un temple, à Balbeck.
Je m’y suspens avec ma griffe
Sur mes petits au large bec. »

Celle-là: « Voici mon adresse:
Rhodes, palais des Chevaliers;
Chaque hiver, ma tente s’y dresse
Au chapiteau des noirs piliers. »

La cinquième: « Je ferai halte,
Car l’âge m’alourdit un peu,
Aux blanches terrasses de Malte
Entre l’eau bleue et le ciel bleu. »

La sixième: « Qu’on est à l’aise
Au Caire, en haut des minarets!
J’empâte un ornement de glaise,
Et mes quartiers d’hiver sont prêts. »
  

« A la seconde cataracte,
Fait la dernière, j’ai mon nid;
J’en ai noté la place exacte,
Dans le pschent d’un roi de granit. »

Toutes: « Demain combien de lieues
Auront filé sous notre essaim,
Plaines brunes, pics blancs, mers bleues
Brodant d’écume leur bassin! »

Avec cris et battements d’ailes,
Sur la moulure aux bords étroits,
Ainsi jasent les hirondelles,
Voyant venir la rouille aux bois.

Je comprends tout ce qu’elles disent,
Car le poète est un oiseau;
Mais, captif, ses élans se brisent
Contre un invisible réseau!

Des ailes! des ailes! des ailes!
Comme dans le chant de Rückert,
Pour voler là-bas avec elles
Au soleil d’or, au printemps vert !

lundi 10 février 2014

Ca marche au CHU

vers Bois Guillaume, la route de Neufchâtel

On est venu pour ça, naturellement on passe nos après-midi au CHU. A la longue, ça fait une immersion assez considérable : je calcule 4 heures (quatre heures, c’est une moyenne) l’après-midi multiplié par 31 jours (je dis trente-et-un) font quelque 120 heures (cent vingt). Un beau stage professionnel ! Normalement, je devrais avoir un diplôme. Validation des acquis professionnels ! J’écris les chiffres et les lettres comment font les Notaires pour bien auto-censurer mes propos, connaissant ma propension naturelle à raconter des blagues.

Ici, on ne fait pas des blagues, l’atmosphère ne prête pas à rire. Comme on arrive à 3 heures (je devrais dire quinze heures), on n’a pas le droit d’entrer dans le parking qui n’est ouvert aux familles qu’à 17 heures (dix sept heures). Bien légitimement, le personnel soignant a priorité pendant les heures ouvrables. Vous allez me dire que je n’ai qu’à venir plus tard, après 17 heures, et que je pourrais garer mon véhicule sur la place réservée à un Médecin, jubilation garantie. Oui mais le malade que je visite dort après son repas, aucun intérêt à le déranger pendant sa sieste. Par contre, il commence à s’éveiller entre 3, 4 heures (seize heures), et c’est là que j’espère le faire marcher, quitte à commencer un peu plus tôt. Plus tard il va être fatigué de son exercice physique, mais au moins, il aura marché.
  
Quand mon papa (qui a un âge assez avancé pour être centenaire au début du second mandat de notre Président) s’est cassé le col du fémur le jour de Noël (pas de chance alors qu’il était resté chez lui par précaution), j’ai demandé conseil à mon kiné. Mon kiné est devenu comme moi un Homme de la Montagne, sans excès de fioritures. Quoique né en Bretagne ce qui nous rapproche. Plus précisément à Matignon, Côtes d’Armor, où vivent sa mère et son frère. Il connaît le Cap Fréhel ; la pêche à pied ; les galettes saucisses, c’est donc un Homme bien né allant droit au but. Il pratique la méthode Mackenzie, qu’il m’a imposée alors que je me croyais disciple de Mademoiselle Mézières. Ma foi, il avait raison et je me porte beaucoup mieux, grâce à des mouvements que je croyais brutaux, avant que je comprenne que c’était pour mon bien.

Donc je lui demande :

-« comment remet-on un vieux monsieur debout, après rupture du col du fémur ? « 
-« il suffit de le faire marcher » !
-« alors si je le fais venir, vous le faites marcher » ?
-« pas de problème, ma dernière patiente avait cent ans, je l’ai menée à 106 ans sans difficultés »


Je me mets à la recherche d’une ambulance, pas très sûr de mon idée, un peu farfelue j’en ai conscience : pensez : faire venir mon père de quasiment mille kilomètres, ça fait une drôle de trotte, (et doit coûter un max) !

Je la trouve facilement, l'ambulance, et me faisant tout humble, pose le problème.

-« aucune difficulté Cher Monsieur, nous avons trente ambulances, des Mercédès, et soixante chauffeurs ! Vous n’imaginez pas le nombre de skieurs qui se cassent la jambe dans les Pyrénées et demandent à être rapatriés à Paris ! Alors Rouen, c’est à une heure» ! Il suffit de me donner un certificat médical, et l’accord de votre mutuelle ». Je ne vous donne pas le prix, c’est confidentiel.

Vous devinez que ça n’a pas marché : papa était intransportable : la cicatrice. Il fallait donc le laisser sur place, dans un établissement de rééducation. Laisser cicatriser. Et donc rééduquer. Au CHU de Boisguillaume. C’est nous qui nous sommes déplacés.
je recommande cet engin, solide, léger,
en ABS, très roulant, je l'utilise comme
précaution !

Notre cher pays possède une avancée sociale indéniable. Ainsi que professionnelle. Vous n’imaginez pas que la rééducation soit laissée dans les mains d’amateurs comme moi. Pour rééduquer, il faut être rééducateur. Diplômé (d’Etat) naturellement. Les meilleurs, sont les kinés. Dans une maison de rééducation, il faut donc des kinés, j’ai bien dit plusieurs, car d’abord il y a beaucoup de malades qui se sont cassés le col du fémur. Ici, il en est prévu 3 (trois kinés). En pratique un poste n’est pas pourvu, et il n’y en a donc que deux en état de marche (si l’on peut dire). Ensuite, ceux qui restent doivent faire face à des aléas multiples :  il y a les RTT. Le vendredi est par exemple un jour très exposé, puisqu’il précède les deux jours du week-end (les kinés vont au lavomatic aussi). Et puis le lundi est un jour exposé (aussi), Dieu sait ce qui a pu se passer durant le week-end, comme activités physiques à risques, en plus de repasser le linge. Le risque, il est permanent dans ce métier physique, typique de ce qu’on nomme chez nous  la « pénibilité ». Tout cela pour vous dire que la rééducation ne s’exerçant, dans l’emploi du temps journalier du CHU, que le matin, il faut bien (et croyez que c’est vraiment à regret) sacrifier la rééducation, heureux les malades qui flemmardent au lit toute la journée.


Réfléchissant au fait que marcher n’exige pas des compétences titanesques, car même un bébé réussit l’exercice d’une part. Et que depuis l’énigme du Sphinx une personne du troisième âge s’aide d’une cane, aujourd’hui suppléée par l’appareil dénommé déambulateur d’autre part, je fais l’hypothèse que marcher peut se faire dans le couloir, d’autant que la salle de kiné est tout le temps fermée, pour ne pas en abimer les tapis et autres accessoires, en l’absence des kinés (et de leurs clés).

Je fais donc marcher papa dans le couloir de l’étage, et depuis qu’il a compris qu’il ne sortirait pas tant que les autorités médicales ne seraient pas assurées de son autonomie, il devient autonome. Nous marchons, et devant les personnels (non kiné) qui pourraient contester mes capacités, je me trimbale ostensiblement avec un fauteuil roulant derrière pour respecter le principe de précaution. Ca amuse tout le couloir, ce mec qui fait marcher son père, au lieu de flemmarder.
  

J’ai des loisirs ici, je me promène dans les chambres, visite les malades, me fais des copines. Voici une dame qui marchait toute seule avec un déambulateur, celui du second type : à roulettes à pneus : d’où une démarche huilée qui faisait mon admiration ! Jusqu’à ce que j’apprenne qu’elle ne s’était pas cassée la jambe, mais le bras ! On voit bien quel amateur je suis !

Repassant le lendemain, je la vois affalée dans son lit, recroquevillée, gisante, le nez appareillé de ces tubes que je connais bien qui lui inhalent (me dit-elle) des aérosols.

Aujourd’hui, c’est pire, son lit est vide, en position haute, pour que personne ne monte dedans (c’est vrai les visiteurs pourraient jouer avec). Alors je demande à une Dame dans le bureau-interdit-des-infirmières –« où est passée ma nouvelle amie » ? –« secret médical , je n’ai pas le droit de vous répondre » ! –« alors, si elle n’est pas morte, dites moi qu’elle est vivante, qu’elle a été transférée ? » -« je ne puis répondre qu’à la famille, vous en êtes » ?

Cassé le mec, j’ai honte, j’ai été intrusif, je stresse pour ma copine !

C’est un gros stage : j’apprends. J’apprends les grades. En bas (dans la caste d’en bas), un liseré violet marque la blouse blanche : c’est le (petit) personnel chargé du ménage : apporter les repas, desservir les enveloppes de plastique qui les enferment. Faire la vaisselle. Au-dessus, le liseré devient jaune : c’est une assistante médicale. Elle vous fait sortir, pour les soins du corps. Mieux vaut ne pas voir ! Au-dessus encore, le liseré devient vert : c’est presque le top : l’infirmière. Elle distribue sentencieusement les médicaments, assistée d’un ordi-pliable disposé dans le couloir. Difficile pour le malade de comprendre ce qu’il prend et pour quelle affection. Difficile d’obtenir à temps avant le service de nuit le cachet prévu pour dormir : le patient est l’objet, sommé d’obéir. Il faut reconnaitre qu’on l’appelle : « Monsieur », quel progrès ! De temps en temps je vois des mecs, je veux dire du sexe masculin comme moi : combinaison noire genre CRS (sans cocarde), des bandes réfléchissantes aux chevilles : ce sont des-gros-bras, ils poussent les civières : on devine un métier pénible destiné aux mecs-du-genre-physiques, des mecs quoi !

Au-dessus encore, pas de liseré du tout : c’est la docteur. Elle est surchargée. -« Oui, vous l’aurez votre ordonnance de sortie pour un déambulateur ! Attendez, je n’en suis pas à ma première sortie ! Vous verrez, vous l’aurez à temps » !

Et l’infirmière d’ajouter : -« vous vous rendez pas compte : elle a quarante malades ! comme si elle avait le temps (un vendredi soir) de vous signer votre ordonnance. Nous n’en sommes pas à notre première sortie ! vous l’aurez votre ordonnance ». Devant mon air ahuri, elle ajoute : « vous  vous rendez pas compte : un déambulateur est un appareil médical, adapté aux soins : je n’ai pas le droit de vous le prescrire. C’est la médecin. Elle est surchargée » !

Je me rends chez Bastide, un des rares magasins ouverts le lundi matin, jour de deuil à Rouen. Je suis connu ici, lits médicaux, accessoires divers, et j'en passe. Un déambulateur ? Pas de souci : on me montre un modèle superbe, hauteur réglable, fibre de carbone, modèle para-olympique, et en sus, il se replie ! S'il fallait l'acheter ? 53,81 Euros TTC nouvelle TVA incluse. Je le réserve ! Ca marche !

Etre tranquille,

seul, pouvoir méditer…

Vivre l’instant présent, réfléchir sur sa vie

chez soi

marcher… chez soi

Pouvoir mourir… chez soi…

…paisible…


PS : comme je suis un mec honnête, je dois bien reconnaitre que je l'ai eue, mon ordonnance. Je l'ai eue à temps, et même j'en ai eu 3 (trois). Une pour les médicaments. Une pour le déambulateur que je vais pouvoir me faire rembourser. Et la troisième est pleine d'humour : elle prescrit le recours...vous devinez à qui ? un kiné...! Dix séances...on va marcher dans l'appart'

dimanche 9 février 2014

Lavomatic


…dimanche matin ....normal…

Notre époque est formidable : supposez que votre machine à laver soit bouchée, en panne. Très embêtant, car le linge, il faut bien le laver. Ici, il ne sèchera jamais tout seul : il faut donc le sécher (artificiellement), ce qui implique une seconde machine (ça s’appelle un sèche-linge). Enfin, il faudra le repasser, troisième opération, troisième machine (ça s’appelle un fer à repasser, il en existe d’extra à vapeur, c’est une centrale vapeur). Voilà tout le trafic des gens normaux, qui y passent une partie du dimanche matin, (ce qui explique qu’ils aillent moins à la messe). Aussi bien, il n’y a plus de messe, faute de prêtres. Alors… !


Heureusement, des investisseurs (malins) ont investi dans un magasin extraordinaire : Lavomatic. On y entre 7 jours sur 7, le dimanche compris. Le patron contrôle, il en a le droit, puisqu’un patron a le droit chez nous de travailler le Dimanche. Tant qu’à s’embêter dans son magasin, il s’occupe en réparant le pressing à côté, (car on pourrait également mettre ses vêtements à repasser au pressing : je vous dis, c’est un magasin extra). Des machines différentes (fabriquées en Angleterre, il y a écrit speed et Queen dessus) lavent le linge, pour peu qu’on ait prémédité l’opération en apportant la lessive...et les pièces. Un robot permet de programmer les opérations. Et par exemple le robot vous dit que 60 minutes après l’ingurgitation de 3,90 Euros en pièces, vous pourrez revenir. On a le droit d’acheter une carte 30 Euros au lieu de 33 Euros, pour peu qu’on ait l’intention de venir passer tous ses dimanches sur place. Il faut faire le calcul. Ca dépend. Je vous donne un exemple plus bas.

une belle black qui lave ses tee-shirts : quel spectacle !
 
Pendant que le robot lave, vous faites vos courses, puisqu’un marché a été exprès ouvert Place Saint-Marc pour vous offrir les plats du dimanche tout cuits. C’est bien fait, on peut aussi acheter un pull pour dix Euros, pour se couvrir tellement il fait froid. Des fruits. Des fleurs. Le seul problème est que pour acheter le pain, il faut faire la queue. Et puis au « Cochon qui dore » dont je vous ai déjà parlé, les bobos se sont jetés sur la terrine de langouste pour fêter le début du week-end hier samedi soir : il n’y en a plus ! Pas la peine de faire la queue !

Il faut regarder sa montre car à 11 heures 55, le lavage est terminé. Il faut donc revenir sur place pour surveiller son linge (de peur qu’on vous le pique) ; le sortir pour le mettre dans la seconde machine (qui sèche). L’investisseur a fait Polytechnique, car après le temps programmé de 11 minutes pour 1 Euro vingt, le linge n’est pas sec. Il a bridé le chauffage ! Vous auriez pu réfléchir et utiliser le gros sèche linge dont la durée est de 16 minutes au lieu de onze. Prix 2,2 Euros : vous êtes totalement niké puisque le calcul proportionnel aurait du donner 22 minutes pour 2,4 Euros. Pour obtenir cette performance, il faut donc remettre le linge dans le même appareil et le programmer un second tour. Onze minutes plus onze minutes font vingt-deux minutes à regarder le linge tourner. Il ne faut pas être si fort en calcul pour calculer le prix annuel de 327,6 Euros. Chiffre intéressant car c’est un peu plus que le prix d’une machine bas de gamme. Certes une telle machine n’a pas de filtre. Pas de filtre, elle se bouche. Il faudra investir un peu plus si vous voulez éviter le Lavomatic !


Comme vous n’êtes pas seul, vous bavardez avec vos confrères et consoeurs, privés également de machine à laver perso, et vous pouvez ainsi échanger sur la vanité des choses. Sur la difficulté de se munir de monnaie. Et la duplicité du Patron qui bride ses sèche-linges pour qu’ils ne sèchent pas. On ne peut éviter une certaine admiration pour sa duplicité ! Sûr, si on était investisseur, on ferait pareil !

Une fois terminé ce qui est en fait trois opérations, vous allez pouvoir rentrer à la maison, pour le repassage final. Je vous ai dit que ce rite avait lieu le dimanche. En réalité, ça dépend : si vous avez beaucoup de linge à laver, il faudra peut-être revenir en semaine. Le pire n’est jamais sûr. Si vous venez deux fois par semaine, vous dépenserez 655,2 Euros dans l'année : le prix d’une belle machine à laver qui s’amortit sur trois ans voire davantage : vous pouvez même vous payer une machine allemande, une Bosch. Dessus, vous construisez une tour en posant un sèche-linge de la même marque. Enfin une centrale à vapeur italienne Polti pour repasser…presque comme si vous aviez votre lavomatic perso !

Là vous êtes paré !

Comme c’est dimanche, vous allez faire un tour chez les antiquaires qui, prévenus, ont opportunément ouvert pour tenter de vous tenter avec leurs jolies sculptures. Il ne faut absolument pas se laisser faire.

certains se font des calins...
...pendant que le linge sèche au lavomatic !

A midi, vous vous régalerez d’escargots

cuits dans leur feuilleté

pas besoin de les extraire de leurs coquilles

il faut gagner du temps

                                                              y a le linge à r'passer !