...virtuel
Comme l’aurait dit
Gide parlant de sa fameuse porte : « un musée doit être ouvert ou fermé ». Il est évident
qu’un Musée fermé entraîne beaucoup plus de facilités qu’un Musée ouvert :
il n’y a plus besoin de faire le ménage. Plus besoin d’accueillir les
visiteurs, si dérangeants avec leurs questions insidieuses. Pas à se poser la
question de l’ouverture du dimanche puisque le musée est fermé toute la
semaine. Pas davantage de souci de recevoir les enfants des écoles, toujours
bruyants, que ça n’intéresse évidemment pas : ils ont beaucoup mieux à
voir sur leur écran de télé ou sur leur tablette. Quant aux employés, si le
Musée est fermé, ils jouissent d’une espèce de trêve s’apparentant à un chômage
technique : comment pourrait-on poursuivre l’animation d’un Musée fermé …puisqu’il
n’est pas ouvert au public ?
Nous sommes coincés.
Il pourrait cependant y avoir des
dérogations : la nuit des Musées
par exemple, ou pourrait ouvrir ? Ecoutez, le Musée est fermé, il est fermé.
Il y a déjà de bonnes raisons le jour, on ne va pas l’ouvrir la nuit, (où tous
les chats sont gris), et où on ne pourrait rien voir puisque c’est justement
l’ouverture de la lumière électrique qui pose question. Vous me
rétorquez : vous allez bien ouvrir durant le week-end dit ailleurs en
France « journées du patrimoine »
à savoir cette année les samedi 20 et dimanche 21 septembre 2014 ?
il n'est pas interdit de photographier au travers des grilles : il suffirait d'ouvrir... ...pour pouvoir entrer ! |
Je dois vous dire que le risque
est énorme : notre musée contient des vitrines, qui sont là non seulement
pour mettre les objets en valeur, mais surtout pour empêcher les voleurs (qui
sommeillent en chaque visiteur) de s’adonner au péché de kleptomanie. Vous
allez vous demander ce qu’ils feraient des porcelaines qu’on leur montre :
« les prendre bien évidemment, pour
les exposer chez eux ». Prenons cet argument en compte : donc on
protège les objets dans des vitrines. Elles sont éclairées à la lumière
artificielle (électrique) pour que l’on voie bien, même si le musée serait ouvert (s’il était ouvert)
pendant la partie ensoleillée de la journée, disons de 10 heures à midi. Puis
de 14 heures à 17 heures. Ni avant, pour permettre aux fonctionnaires de ranger
le Musée et surtout de passer l’aspirateur. Ni après, car un Musée comme une
Ecole nécessitent un temps de préparation énorme, qui suppose une ouverture au
public restreinte ?
En tous cas, on ouvrirait la
lumière avec des interrupteurs, ceux-ci reliés à une prise électrique murale, placée sous la cimaise. Comme chez tout un chacun me direz-vous.
Oui mais ici on n’est pas dans une
HLM de banlieue, on est dans un établissement-recevant-du-public. Le public, il
peut faire n’importe quoi : c’est l’histoire de la chauve-souris de
Bigard : un gosse (qui n’a rien à faire du contenu des vitrines) débranche
la prise, et met exprès les doigts dedans. Il s’électrocute. D’autant que la
prise n’est pas à la terre. Eh bien, c’est le Maire (qui a autorisé l’ouverture
du Musée) qui est responsable. Un musée n’est quand même pas là pour électrocuter les
gosses !
Vous allez me
dire : alors appelez l’électricien du coin, et faites lui tirer un fil de
terre.
Vous rigolez ? Si on tire un
fil de terre, on doit l’encastrer ! Si on encastre celui-ci, on encastre
celui-là. Ce qu’on croyait une petite affaire en devient une grande ! Car
l’encastrement, il va falloir le cacher. Sans doute repeindre des pièces qui
font quatre mètres
de haut. Si on repeint les murs, les plafonds vont détonner. Il faut tout
repeindre alors ?
YES.
Ce qui était un épiphénomène devient une aventure, technique et financière. Car un obstacle supplémentaire survient : notre musée est équipé d’escaliers, permettant aux bien-portants de se rendre au rez-de-chaussée, puis au premier étage.
Vous êtes d’un
égoïsme fou : et nos camarades handicapés ?
Il serait injuste que vous et moi
visitions le Musée (en étant protégé des risques d’électrocution), et que nos
amis handicapés ne puissent se rendre aux étages sans ascenseur ! Je parle
des handicapés moteurs naturellement,
mais je n’oublie pas les malentendants et les non-voyants : aux uns il
faut des guides pratiquant le langage des signes. Aux autres des notices en
braille. Ou bien des appareils individuels leur dictant les légendes. Il faut
recruter du personnel, et s’équiper. Ce qui commence par un projet confine à l’aventure.
Commençons par l’ascenseur ?
Je crains que pour laisser passer
une cage d’ascenseur il faille casser l’escalier, on ne fait pas d’omelette
sans casser des œufs. Il faut appeler un homme de l’art, dresser des plans.
Demander des subventions, les demander aujourd’hui pour les avoir demain, il
faut au moins un an. Tranquille, on ne va pas ouvrir avant un an. Peut-être
deux ? On aura un ascenseur. Avec un gros câble électrique bien sécurisé. Un petit escalier tout neuf autour. Auparavant, il faut ranger les
collections, les protéger de la poussière. La tentation est évidemment de tout
mettre en caisses. Et les caisses de les mettre en entrepôt.
Le mieux est sans doute de
laisser le Musée fermé. Les handicapés comprennent qu’ils ne peuvent pas
entrer, puisque même les bien-portants ne le peuvent pas non plus. Eux après
tout s’habituent à ne pas entrer dans un musée qui ne leur sert à rien. Les
enfants des écoles jouent avec leurs tablettes, et préfèreraient qu’on leur
crée un booling ; ou bien qu’on rénove la piscine. Pour se rendre au
Musée, ils vont à Toulouse, ou mieux au Louvre. Ca se sont de vrais Musées. Le
nôtre est bien petit. D’ailleurs, il est fermé.
Je me convaincs moi aussi.
Qu’est-ce que ça peut bien faire à notre époque, qu’un Musée soit ouvert ou
fermé, si c’est plus de soucis ouvert que fermé ?
Et puis, c’était au XIXè que l’on
se rendait physiquement dans les Musées pour apprendre l’Histoire ;
l’Histoire naturelle ; les Arts ; la peinture ; la
sculpture ; les traditions populaires. Qui nous sommes. Notre identité.
Tout ça on s’en fiche un peu aujourd’hui. On est des citoyens du monde. On
communie dans le foot…pas dans l’art, même contemporain. C’est des idées de
bobos d’ouvrir un musée (fermé !). Ou alors de touristes ? Il y en a
peu de touristes ici, ils vont à la montagne ; ou alors à la mer. Il
parait que les musées qui les intéressent sont des aquariums ; mais on
n’est pas à la mer. Ou des parcs d’attraction, mais on est à cinq heures de
l’Espagne, à Port Aventura : on s’y rend en une matinée.
Je finis par me
convaincre moi aussi. Il et fermé, ça change quoi au juste ?
D’autant que les
collections ont toutes été inventoriées, avec
des photos parfaites… !
Euréka !
On ouvre un musée
virtuel. On crée un blog.
Gratuit.
Sûr que les gosses
vont tous aller au Musée…
…sur leur smartphone !
miraculeusement, on a conservé (jusqu'ici) les anciens candélabres Montmartre |
PS : quand je pense aux risques encourus, en admirant la Garonne de J.O Maes ; ou la maquette de Saint-Gaudens, (fermement tenue par la Guide), présentant sa tête devant la balustrade de la fenêtre centrale donnant sur la montagne ! ...je vous offre ces anciens compte-rendus virtuels (quand c'était ouvert) :
http://babone5go2.blogspot.fr/2012/09/valentine-pas-que-du-bleu.html