Jeanne et Christian fêtent leur quinzième anniversaire de mariage, (ce sont de tous jeunes mariés). Ils ont choisi de venir chez nous, et nous nous devons d’épater Jeanne, qui est une grande érudite, et requiert le maximum de nourritures spirituelles, avant de s’adonner aux plaisirs de la table. Rien à dire : on fonctionne pareil !
Comme nous avons prévu de nous rendre à Bossost (c’est une fois de plus dans le val d’Aran, et nous sommes en Catalogne, province de Lleida), nous nous rendons directement à l’église. Ca c’est pour l’âme, et aussi l’esprit. C’est une église romane, dédiée à la Mair de Diu dera purificacion ou en catalan : Glèisa dera Assompcion de Maria. Il y a un clocher de style roman lombard superbe, et surtout le tympan en marbre gris presque noir, porté par un linteau orné d'un chrisme et d'une frise en damier, qui représente le Christ en gloire entouré par le tétramorphe, le symbole des quatre évangélistes. Exactement ce qui fait kiffer Jeanne.
Le tympan nord (XII° siècle), est donc orné d'un christ pantocrator (en gloire, sans mandorle). Les trois doigts de la main droite levés (pour désigner la Sainte Trinité ). La main gauche désigne l'assemblée pour laquelle il intercède. Il est entouré du tétramorphe : représentation symbolique des quatre évangélistes où seul Mathieu (à la gauche du Christ) est représenté par un homme. Marc en bas à droite par un lion, Luc en bas à gauche par un bœuf, et Jean en haut à gauche par un aigle. Au-dessus, tout petits, le soleil et la lune !
Comme devoir à la maison, il va nous falloir déchiffrer l’autre chrisme surmontant la porte Sud, normalement il devrait y avoir l’alpha et l’oméga, mais nous avons du mal à les reconnaitre car on les dirait inversés !
A l’intérieur, après avoir franchi les portes ornées des symboles pontificaux et de la croix de Malte, trois nefs majestueuses, un beau Saint Christophe, et un superbe Christ souffrant sous la croix. Surprise : en catalan, on dit : roda d'escallins, rottle de campanetes, roda dels esquellins, rolitg, tous termes qui désignent le rottlier : une roue à clochettes. On en trouve encore dans le Roussillon dans les églises d'Arles-sur-Tech, Mosset, Souanyas et Terrats. Voici la roue de Bossòst. Et naturellement, la Vierge , qui n’est pas sans rappeler les vierges noires.
L’âme satisfaite, l’esprit réveillé, il est midi et demie, le corps se manifeste par des bâillements de plus impossibles à masquer : nous avons heureusement pris nos précautions, et quatre places nous attendent dans la cantine habituelle. C’est dur : après les crues pourtant passées depuis deux mois, les esturgeons (qui ont baigné dans l'eau salie) sont toujours en quarantaine, rayés de la carte. Nous devons nous rabattre sur d’autres merveilles, et (toujours modeste) je prends la morue entourée de ses petites asperges. Exquis ! Le contraste terre-mer fait toujours son effet, et nos amis se régalement des pieds de porc entourés de coquilles Saint-Jacques, on avait bien besoin de ce Saint là pour nous faire penser à Compostelle !
Nous saluons le patron, grand cuisinier devant l’Univers, pour le féliciter de son association terre-mer. Pour lui, c’est le repas catalan traditionnel, et il n'y a que les Français pour s'étonner ! Il a d’autres idées qu’il nous suggère : le mélange : mer-montagne. C’est vrai, je n’y avais pas pensé ! exemple : pieds de porc, (on connaît)- homard ! Flute alors, ce doit être extraordinaire ! Je lui fais observer qu’en crise (comme nous sommes dans nos pays respectifs), ce n’est peut-être pas très opportun ! Son épouse nous écoute, et lance fort à propos : -« pas difficile, nous pouvons vous faire : boules de viande (la terre) et seiche (la mer ») ! Bonne idée ! –« Pourquoi pas (ajoute-t-elle) poulet plus crevettes » ? Pourquoi pas en effet ! Comme on ne peut imaginer dévorer ces trois plats en une seule fois, ça fait trois fois à revenir : septembre ; octobre et novembre, pourquoi pas en effet, il suffit de spécifier ses désirs trois jours en avance (par email) pour les voir réalisés !
La sainte mère de Dieu protège définitivement ce village béni (de Dieu),
il faut en profiter :
on va revenir !
voici le pain perdu avec sa crème glacée...il ne faut rien perdre ! |