…ou machina neronis
MAC AUG machina Augustus (1)
ou encore :
la salle de banquet tournante !
Une base circulaire
de 16 m de diamètre !
(un petit 200 m2)
On décrit Néron comme fou, pour
avoir mis le feu à Rome, en 64, la plus vaste opération immobilière de tous les
temps : sur les cendres, il pouvait reconstruire une villa à sa démesure,
la «Domus Aurea», palais impérial bâti
au 1er s. ap. J.-C. sur le Mont Palatin. Comme il adorait la mécanique, il
avait mandaté deux Ingénieurs (machinator en latin) de l’époque (on connait leurs noms par l’historien
Tacite : Severus et Celer), pour
leur faire inventer une salle à manger tournant jour et nuit, imitant ainsi le
mouvement de la terre, et permettant de contempler de son lit sur 360° le panorama impressionnant
de Rome, le parc et l’atrium du palais, et au-delà, la plus grande partie de la
ville : Capitole, Forum, Caelius, Palatin... !
De nombreux historiens pensent
que cet espace avait probablement un plancher de bois rotatif qui se déplaçait par rapport à un plafond fixe peint d’étoiles. Le
mécanisme de rotation était vraisemblablement animé par une roue semblable à
celle d’un moulin, alimenté par un aqueduc pour tourner en permanence.
La maison dorée a été décrite par
l’historien romain Suétone dans la Vita dei Cesari. Pour nos amis latinistes, voici le texte complet :
Palatio Esquilias usque fecit, quam primo Transitoriam, mox incendio absumptam
restitutamque Auream nominauit. De cuius spatio atque cultu suffecerit haec
rettulisse. Uestibulum eius fuit, in quo colosse CXX pedum staret ipsius
effigie (il est fait ici allusion au colosse de 120 pieds représentant Néron
lui-même, sachant que 120 pieds font environ 36 mètres) ; tanta laxitas, ut
porticus triplices miliarias haberet; item stagnum maris instar, circumsaeptum
aedificiis ad urbium speciem; rura insuper aruis atque uinetis et pascuis
siluisque uaria, cum multitudine omnis generis pecudum ac ferarum.....cuncta auro lita, distincta gemmis unionumque conchis erant;
cenationes laqueatae tabulis eburneis uersatilibus, ut flores, fistulatis, ut
unguenta desuper spargerentur; praecipua cenationum rotunda, quae perpetuo
diebus ac noctibus uice mundi circumageretur; balineae marinis et albulis
fluentes aquis. Eius modi domum cum absolutam dédicaret, hactenus comprobauit,
ut se diceret quasi hominem tandem habitare coepisse.(1)
Quant à la salle à manger, c’est : praecipua cenationum rotunda, quae perpetuo
diebus ac noctibus vice mundi circumageretur. SVET., Nero, XXXI, 2).
L’histoire de la découverte est
déjà ancienne : 2009 ! Maria-Antonietta Tomei, responsable du Palatin
au sein de la Soprintendenza archeologica, confie la direction de cette fouille
d’une partie remblayée du Palatin à la française Françoise Villedieu (D.R.
CNRS, Centre C. Jullian, Aix-en-Provence) lorsque, dans le cadre d’un programme
de préservation des vestiges antiques, s’est imposée la nécessité de mener une
enquête complémentaire sur le système adopté au Ier siècle pour créer la grande
terrasse artificielle de la Vigna Barberini. Les résultats recueillis au cours
des fouilles dépassent l’attente des intervenants : en sous-sol, un
édifice étonnant a été préservé, et ne s’explique que par les restes de la
fameuse salle à manger, et surtout du mécanisme impressionnant du pivot.
Les fouilles mettent en effet au
jour un court tronçon du mur qui circonscrit la rotonde, un mur de 2,10 m
d’épaisseur, qui dessine un cercle mesurant 16 m de diamètre. Voilà le sous-sol
du sol de la salle à manger située au-dessus et aujourd’hui disparu.
Au centre se dresse, sur plus de
10 m de hauteur, un pilier en briques de 4 m de diamètre dans lequel se loge un escalier. Le pilier et le mur
sont reliés par deux séries d’arcs placés en position radiale, qui couvrent
l’un le rez-de-chaussée, en cours de fouille, l’autre le premier étage. Sept
arcs ont déjà été vus : quatre au niveau supérieur - parmi lesquels un seul est
intact – et trois au niveau inférieur.
Les murs, bien que réalisés avec
le plus grand soin, sont dépourvus de revêtements décoratifs, un détail qui
nous apprend que les salles concernées étaient des espaces de service. L’étage
noble devait donc nécessairement se trouver au-dessus, à un niveau où l’on
observe que le sommet des maçonneries ne conserve aucune trace de l’arrachement
d’une couverture ou de murs.
A ce stade, il faut faire un
détour… par le lac de Némi, région réputée pour ses fraises des bois, et les
confitures que l’on en fait. Aucun rapport ! Sauf que les spécialistes
savent que le lac de Némi abritait à l’origine les galères de Caligula, que Mussolini
se prenant pour un empereur romain a voulu extraire de leur vase en 1927,
découvrant avec stupéfaction la base de deux bateaux immenses, puis faisant construire le musée sur mesure destiné à les préserver. Les Allemands mettent le feu le 31 mai 1944 détruisant à jamais les
vestiges, et le Muséo delle navi actuel ne rassemble plus que quelques restes dont les
photos de l’époque…sauf… des billes de bronze traversées par un axe, dont on
pense que comme un plateau à fromages immense, elles permettaient de faire
tourner on ne sait quel socle supportant une statue d’Aphrodite pourquoi pas ?
(un temple existait à proximité et l’assèchement du lac a permis d’en retrouver
et sauvegarder le chemin d’accès).
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construisez votre propre coenatio rotunda ! |
Or, nous revenons dans la Domus
aurea, on trouve des traces de demi-sphères dans le pavage supérieur, sous la
forme de trois cavités hémisphérique mesurant 23 cm de diamètre, qui devraient
avoir servi de logement à des sphères en bronze ou en basalte. Les cavités, qui
évoquent nos roulements à billes, la forme circulaire de l’édifice et les
dimensions du pilier central suggèrent d’identifier dans cet édifice la coenatio
rotunda.
On a tous envie de comprendre le
fonctionnement, de voir : une maquette fonctionnelle serait bienvenue !
Ou encore, un modèle 3D nous faciliterait la reconstitution ! Qu’à cela ne
tienne, Françoise Villedieu n’a pas les deux pieds dans le même sabot !
Elle fait appel à des copains, Nathalie André (architecte, Institut de
Recherche sur l’Architecture Antique, Aix Marseille) et Florent Laroche
(chercheur en archéologie industrielle, IRCCyN).
Après avoir réalisé de nombreuses
fouilles archéologiques, un premier modèle 3D de la salle à manger de Néron est
produit pour restituer la batimétrie. Cependant, afin de comprendre comment
fonctionnait ce mécanisme extraordinaire qui permettait à la salle à manger de
tourner sur elle-même à 360°, des simulations virtuelles sont réalisées par
l’Ecole Centrale de Nantes.
L’amélioration du modèle virtuel est permanent et évolue en
fonction des fouilles et des hypothèses formulées régulièrement.
En parallèle, le Musée
d’Archéologie de Marseille organise du 2 décembre 2016 au 21 juin 2017 une
exposition sur le thème « le banquet, de Marseille à Rome, Plaisirs et jeux de
pouvoir ». Bénéficiant du prestigieux partenariat de la surintendance de Rome
et de l’École française de Rome, organisme responsable des fouilles
archéologiques sur le Palatin à Rome, il est décidé de proposer au public, une
maquette physique en 3D de la « machina néronis » et de son mécanisme. Cette
maquette est une première mondiale dans le monde archéologique : elle permet de
représenter ce bâtiment emblématique tout en soulignant les hypothèses des
fouilles et est associée à un réel mécanisme simulable.
dommage que Plus
belle la vie ne nous ai pas emmené voir sur place !
Une belle occasion de
monter un voyage Marseille – Rome,
on nous promet une reconstitution sur place en 2019 ?
PS (1) : je vous livre la
traduction : Une immense statue de Néron, haute de 120 pieds, se trouvait
dans le hall d’entrée; et l'arcade à colonnes courait sur un mille de long. Une
énorme piscine, plus une mer qu'une piscine, était entourée de bâtiments conçus
pour ressembler à des villes et à un jardin paysager composé de champs
labourés, de vignobles, de pâturages et de bois. Ici, toutes les variétés
d'animaux domestiques et sauvages se promenaient. Des parties de la maison
étaient recouvertes d'or et parsemées de pierres précieuses et de nacre. Toutes
les salles à manger avaient des plafonds en ivoire fretté, dont les panneaux
pouvaient glisser et laisser tomber sur ses invités une pluie de fleurs ou de
parfums d'extincteurs cachés. La salle à manger principale était circulaire et
son toit tournait lentement, jour et nuit, au rythme du ciel. L'eau de mer ou
de soufre était toujours dans les bains.
« Les yeux de l’esprit ne commencent à être perçants ...
... que
quand ceux du corps commencent à baisser »
On peut aussi boire sans modération ! Le Banquet, Platon.
PS 1 : Visiter le musée de Marseille :