Le Mépris est au centre du livre de Sébastien le Fol dont je vais reparler plus bas. C'est à l'origine le film réalisé par Jean-Luc Godard, sorti en 1963. J’avais 20 ans ! Mettant en
scène Michel Piccoli et Brigitte Bardot, c'était une adaptation du roman Le Mépris d'Alberto Moravia. Le synopsis ?
Le scénariste (pourtant) parisien Paul (c'est Piccoli) et son épouse Camille (à l'époque, Brigitte Bardot rayonne sur la planète entière) rejoignent le
réalisateur Fritz Lang en tournage pour le compte du producteur de cinéma
américain Jeremy Prokosch, sur le plateau du film Ulysse (une adaptation de
l’Odyssée) en chantier à la villa Malaparte à Capri en Italie.
Il est proposé à Paul Javal de
reprendre et de terminer le scénario du film, ce qu'il accepte, pour des
raisons économiques. Durant le séjour, Paul Javal laisse le riche producteur
seul avec Camille (Camille c'est Brigitte… ! ) et
encourage celle-ci à demeurer avec lui, alors qu'elle, intimidée, insiste pour
rester auprès de Paul. Camille pense que son mari la laisse à la merci de
Prokosch par faiblesse et lâcheté, pour ne pas froisser ce puissant employeur.
De là naissent des malentendus, la déchirure, Camille ressent du mépris pour
Paul…, et le couple se désagrège.
Mépriser un lâche, à la
limite on peut comprendre ! Ce n’est pas tout à fait le mépris du « premier de cordée », pour
autant que ce personnage macronien ne soit pas le guide de montagne que l’on
admire, puisqu’il est charismatique, mais le Chef d’une pyramide hiérarchique,
qui pour exercer son pouvoir-d'en-haut, exerce sa suffisance sur son équipe. Son arrogance. Voici le mot lâché !
C’est ce mépris de classe dont on parle : il existe
bien comme une sorte de pyramide. IL est au sommet. Qui ? le Dirigeant ;
le Riche ; le Puissant ; le Politique…je l'écris avec des majuscules. C'était jusqu'à maintenant un Mec au Masculin. Il est à la tête d’un Réseau de Relations, c’est un Notable, au sens où il peut tout, et ce pouvoir inclut la possibilité
de considérer l’autre comme indigne d’attention, pire, indigne d’estime : alors
s’exerce la condescendance qui s’exprime
par l’arrogance, la suffisance, la
capacité d’humiliation. Les femmes peuvent être les victimes de ce mépris,
qui s’exerce naturellement au détriment des plus faibles ! Tout un tas de monde, puisque le mépris s'exerce en cascade du haut en bas d'une échelle de Jacob inversée !
le mépris, au centre de la société française !
Sébastien Le Fol,
journaliste affirme : « notre
pays est stratifié par le mépris » !
« Reste à ta place » ! entend-on !
Tapie, Pinault, Onfray, Sarkozy,
Hidalgo, Luchini et bien d'autres... Tous ont un point commun : à un moment ou
à un autre, ils ont été confrontés à cette épreuve dont ils ont fait une force.
Avec une liberté de ton à laquelle nous ne sommes pas habitués, ils se sont
confiés à Sébastien Le Fol.
Tous ont souffert un jour de ne
pas avoir les bons codes, les bonnes manières, les bons diplômes, les bons
réseaux. D'où cette terrible phrase souvent entendue : « Reste à ta place... ! ».
C’est ce que les autres pays du
monde que la France, où tout est toujours différent puisque nous sommes la France-à-part,
décrivent comme notre « arrogance »
symptomatique, les basques sont fiers, et peuvent manifester contre le mépris en gilets bleus |
Ce livre inclassable mêle
l'histoire et l'enquête. Je cite Le Fol, mais en Postscriptum je vous montrerai d'autres livres traitant du mépris (1) On passe de l'Ancien Régime à la Ve République, de
Louis XIV à Macron. Macron est-il arrogant ?
Oui quand, sûr de lui (quand il sait qu’il possède 3 millions sur son compte en
banque gagnés grâce aux informations d’initiés que l’on glane auprès des
copains dans le monde de la Banque), il demande au chômeur lambda : -« traverse la rue et je t’en trouve,
du travail » ! Moi jeune Ingénieur sorti du Génie rural rencontrant un vieil Inspecteur des Finances à Bercy je ne sais plus pourquoi
ni comment, je m’entends dire après lui avoir appris que j’appartenais au
Ministère de l’Agriculture : -« oui,
ce n’est pas un Ministère de premier plan où sont nommés les majors de promotion » !
Assurément, être assimilé au monde-rural était la meilleure façon pour un
Parisien appartenant aux Finances de manifester le fossé existant entre Lui, et
le petit peuple vivotant en province ... pire que le rural... la forêt ! Ce mépris géographique est toujours bien vivant, alors que le covid a montré les limites de la vie urbaine dans les mégapoles !
Quelle surprise des ténors
parisiens cette explosion des gilets jaunes, de ces petits Français ayant peine
à vivre dignement du salaire de leur SMIC, peinant à payer leur carburant
puisque obligés de prendre leur véhicule faute de transports en commun, privés de maternités, d'écoles, et de médecins ! Cette condescendance des "cols-blancs" pour les artisans... pour les manuels... pour le travail manuel... pour l'apprentissage... pire... pour l'enseignement technique ! ... oui il y a pire : l'enseignement agricole !
Quelle surprise des Dirigeants de Sociétés (S majuscule) de constater la difficulté à pourvoir des emplois pourtant disponibles, quand les
conditions matérielles sont en réalité dures ; les salaires faibles ;
les exigences de déplacements, de
logement, rigides ... méprisantes : que les salariés se remuent un peu, ils devraient
pourtant être bien heureux de travailler pour ces premiers de cordée !
Quelle ingratitude, celle des humiliés…! quelle arrogance, celle des condescendants !
L’article de Sébastien Le Fol au
Figaro ne dit pas toutes ces choses là : pardon pour ce regard sans fioritures, j'ai peur que le mépris et l'arrogance française soient bien pires qu'il le dit ! Il ne définit pas le mépris
français, même s’il aborde de front : un
décryptage iconoclaste du malaise de la société française. De l'école aux coulisses
de la réussite, on découvre un monde fermé, obéissant à des règles connues
des seuls initiés.
Il a identifié ceux
qui ont réussi en relevant le défi de la place qui leur était assignée
les autres, ceux qui
exécutent, sont la majorité
ceux qui se sentent
en effet méprisés
En effet, il s’agit bien d’un enjeu politique
à la veille d'une élection capitale.
PS (1) il existe un livre de Guillaume Villemot, avec un sous-titre terriblement corse : "la clanisation" !
j'ai évoqué Ville et rural
évidemment reste prégnant : Ville et banlieue
dans l'archipel français, le mépris de classe....est donc aussi géographique !