Je n'aurais jamais osé ce titre, j'ai plus modestement proposé "le bordelais fauve" : il résume tout ce que j'aime dans la peinture, et après Guillaumin qui n'est allé ni à Arcachon, ni Saint Jean de Luz, Albert lui a peint ces sujets qui m'enchantent.
Pour vous attirer, j'avais deux solutions : vous montrer des remorqueurs à vapeur, et vous montrer ses nus. Vous allez être surpris, j'ai mis les vapeurs en premier !
à Rotterdam |
à Hamburg, c'est presque l'Otto Lauffer ! |
peut-être est-il au milieu ? |
qu'il est mignon celui-là avec son canot en remorque dans Paris |
ne parlons pas de Venise
je n'ai pas oublié les nus
ce serait idiot de choisir :
on peut aimer et les bateaux à vapeur, et les nus de Marquet !
en pratique je voulais vous montrer Yvonne Ernestine Bazin, la modèle... et plus ... si affinités...
il faut que je redevienne sérieux, voilà que je trouve ce "soliloque" au musée de Bordeaux
.... "On s'entendait bien tous les deux. Je peux même vous confier un secret. Nous avons été amants pendant plus de 10 ans, avant qu'il ne rencontre sa future femme Marcelle tout là-bas à Alger...
Mais vous savez, la vie d'un modèle n'est pas toujours une sinécure ! Un métier mal payé et peu reconnu, des séances de pose souvent inconfortables et interminables où il est défendu de bouger et de parler..
Comme vous pouvez le voir, je posais toujours nue pour Mr. Marquet, comme l'exigeait à ce qu'on m'disait la tradition académique. Elle a bon dos la tradition ! Je pense qu'Albert aimait aussi contempler ma nudité. On le connait surtout aujourd'hui pour ses vues de ports et de Paris mais il a peint et dessiné aussi de nombreux nus ! À ce qu'on m'a dit il aurait fait toute une série de dessins érotiques qui circulaient alors sous le manteau ! D'ailleurs j'ai posé pour d'autres scènes du "Repos du modèle ", un sujet qu'aimait bien Mr. Marquet, dans des poses bien plus alanguies et suggestives...
L'atelier était très mal chauffé - toujours sans le sou et économes ces artistes ! - et j'peux vous dire que je grelottais dans le simple appareil où je me trouvais !
J'étais bien contente de faire des pauses et de me dégourdir
les jambes de temps en temps mais tu parles d'un repos ! Assise, nue, sur un
tabouret tout vermoulu ! Et quel ennui ! Ça se voit d'ailleurs à ma moue
boudeuse ! Quel observateur quand même ce Marquet qui, d'un seul trait de
pinceau ou de plume, parvient à saisir l'expression fugitive d'une physionomie
! Mais lors de ma pause, il était si concentré sur son ouvrage que je n'osais
le déranger et l'amuser de mes babillages. Quel ennui ! Et tout ce temps passé
pour mettre si peu de détails dans son dessin ! Aucun décor et quant à moi je
suis réduite à cette silhouette dans laquelle j'ai bien du mal à me reconnaître
! Encore quelques minutes avant de reprendre la pose et de me plier à toutes
les exigences du Maître : la tête plus à droite ou plus penchée, le pied plus
avancé etc..."
j'ai tout présenté à l'envers, je ne vous ai même pas dit qu'Albert était né à Bordeaux ...
... le
27 mars 1875 et mort le 14 juin 1947 à Paris.
Je ne vous raconte pas sa vie, mais une fois encore, je découvre aux Beaux Arts de Paris où sa mère l'aide à monter les copains et relations d' Albert : Matisse (qui a cinq ans de plus) et lui ne se quittent pas ! Ils suivent l'enseignement sans contraintes de Gustave Moreau. Le vieux symboliste, vénéré par ses élèves, se définit comme un « passeur » : il cherche à faire écore leur personnalité tout en les incitant à travailler la technique, et leur conseille d'observer le spectacle de la rue — méthode du croquis sur le vif alors en vogue — comme de se frotter aux grands maîtres. Marquet se rend régulièrement au Louvre pour y copier des tableaux de Titien, Poussin, Véronèse, le Lorrain, Chardin.
À l'atelier de Moreau, lui et Matisse se lient avec Henri
Manguin et surtout Charles Camoin : ils resteront soudés jusqu'à la fin de leur
vie. La camaraderie durera moins avec les autres (Jules Flandrin, Louis
Valtat, Henri Evenepoel, Simon Bussy ou Georges Rouault), même s'ils ont
passé des soirées à refaire le monde au Café Procope. Après un bref passage
au cours de Fernand Cormon puis à l'Académie Julian, Marquet et Matisse
fréquentent l'académie privée Camillo, rue de Rennes, où ils reçoivent les
conseils d'Eugène Carrière, un des penseurs de l'Art social, qui cherche à
populariser l'enseignement artistique en l'ouvrant sur la rue ; ils y
croisent André Derain, Pierre Laprade, Jean Puy, Maurice de Vlaminck.
"Entre 1894 et 1897, Albert Marquet et Henri Matisse, suivent donc à l’École des beaux-arts, l’enseignement du professeur Gustave Moreau, « grand
éducateur respectueux de chaque individu » qui leur conseille avant tout d’être
eux-mêmes et de prendre modèle sur les anciens.
La vie est « dure et gaie » : le jour, modèles d’atelier et copies au
Louvre, le soir réunions entre amis dans les cafés. En 1898, ils font la connaissance d’André
Derain et de Jean Puy et travaillent d’après les modèles ; ils exécutent une
série de nus d’école. Le musée des Beaux-Arts de Bordeaux possède Le Nu, dit Nu
fauve de Marquet qui est le pendant de celui de Matisse conservé à Tokyo (Musée
Bridgestone)."
Marquet à Bordeaux |
Matisse à Tokyo |
"Marquet pratique le dessin comme un exercice en soi. Son regard aigu et précis le mène à croquer sur le vif des scènes de rue, de façon elliptique et sans concession, au crayon noir, au fusain, au pastel ou à l’encre de Chine appliquée à la plume plus ou moins large, au pinceau ou avec un roseau. L’artiste excelle dans l’art d’abréger avec un trait ferme et incisif, de découper et de simplifier les formes. Il conjugue avec brio, la mémoire immédiate, la spontanéité du geste et l’humour.
En quelques coups de pinceau, il représente un homme poussant sa charrette, une femme mettant ses bas, un homme heureux, des danseurs (dessins conservés au musée des Beaux-Arts de Bordeaux). Ses autoportraits et ses passants exécutés avec une écriture synthétique, expressive restituent la vie et le mouvement.
En 1911, Albert
Marquet entreprend une série de nus qu’il peint en atelier. Entourés de
nombreux jeunes modèles, les artistes célibataires comme Marquet et Camoin
aimant tout autant s’amuser que peindre s’attachent souvent à l’une d’entre
elles. Marquet pendant de longues années,
jusqu’à sa rencontre avec Marcelle Martinet en 1920, sort et voyage avec
différentes amies mais l’une d’entre elles, Yvonne – en réalité Ernestine Bazin
– va lui servir de modèle dans la plupart de ses tableaux de nus et
l’accompagne souvent en voyage, à travers la France. En juin 1911, il reçoit
une lettre d’Eugène Montfort, à Morgat pour quelques semaines, lui donnant des
nouvelles : « J’ai rencontré avant mon départ Ernestine qui m’a montré toutes
vos cartes postales ». Le 10 juillet 1914, Camoin écrit à Marquet à l’hôtel du
Chalet Bellevue : « On fait des parties
de boules avec le père Manguin et les copains […] tu devrais bien venir en
emmenant Ernestine pour compléter la fête. »
la Rhune |
Albert visite l'estaque ; Marseille et la Côte
Agay |
cela ne l'empêche pas de peindre le Havre, le 14 juillet
Fécamp |
et quand on passe au Havre, on finit par Rouen
Barge à la Bouille |
Canteleu, un (rare) après-midi de soleil |
fondation Bemberg à Toulouse |
et l'on peint, depuis le balcon
la Rochelle |
les Sables d'Olonne |
Collioure |