Je suis en ce moment attentivement les mouvements des trains : j'aime le train, j'adore voyager en train, je n'ai jamais pu m'accoutumer autant aux voyages en avion, pourtant nous avons séjourné trois ans en Corse où l'avion remplaçait l'autobus .Autrefois les voyages de nuit étaient une aventure, on arrivait à Paris aux matines à Austerlitz après une nuit de péripéties, bloqué dans la couchette du haut, coupés du bas par l'échelle repliée interdisant la descente. C'était avant, ces trains ont disparu. Tous les trains vont disparaitre... du 5 au 8 décembre !
tous les trains sont à l'heure : la Direction pavoise, cela va-t-il durer ? |
Ce matin, le train vers Toulouse était à l'heure, les panneaux commentaient l'événement, quelques jours avant la bataille : la grande Machine de l'Entreprise Nationale était en marche, parfaitement huilée, un chauffeur couvert par le statut de l'Entreprise nationalisée, avait eu à coeur d'être lui-même à l'heure (pourtant il faisait frais, il avait du se lever tôt, et la menace de perdre son statut obtenu à force de grèves antérieures ne l'avait pas dissuadé de faire valoir son droit de retrait) : il était monté dans le compartiment avant, avait lancé la machine, et avait respecté l'horaire imposé par la Direction....Sa binôme Receveuse-poinçonneuse-des-billets dans son joli uniforme était à l'heure aussi...souriante... cool !
L'ordinateur avait comptabilisé le nombre de passagers, la Direction avait choisi un convoi légèrement plus petit que le nombre de passagers, afin de les mettre en tension et de les préparer au pire pourtant programmé : plus de train du tout, à partir du 5 décembre prochain, et ce pour une durée illimitée. La presse émoustillée d'espoir de violences à sensation appelle cela :
le mur du 5 décembre !
ce matin l'Entreprise ne vend plus de billets pour la période du 5 au 8 décembre !
En voyageant debout, on pouvait ce jour là espérer arriver à Toulouse en une heure, une moyenne de 96 Km/H, l'exploit d'un Train Express Régional à moyenne vitesse, notre Métro à nous ! Les travaux sur la voie étaient bien engagés, et dans quelques mois, le train serait ressuscité, du moins on l'espérait, la Région l'espérait, la SNCF l'espérait... quant à Sud-Rail conduisant les trains .... c'est lui qui décidait...!ce matin l'Entreprise ne vend plus de billets pour la période du 5 au 8 décembre !
le train intercités vers Bayonne croise en gare le train intercités vers Toulouse : vitesse limitée 110 Km/H ! |
Dommage de vivre au XXIèS cette politique de l'otage, consistant à bloquer dans leurs banlieues les travailleurs modestes ! On imagine que l'Etat-providence va entériner vos revendications, pour faire revenir le calme, en re-faisant fonctionner le service-public, lui concédant de nouveaux avantages, promis à être ensuite acquis : drôle de système pour une Nation prétendant vivre selon les principes de liberté-égalité-fraternité.
mais quelle est donc cette Nation ?
PS 1 : vous avez compris que bon Français, je m'exprime au second degré ! Voici par la Fondation Jean-Jaurès un texte édifiant sur l'amour des Français pour leurs services publics : chacun d'entre nous ayant un fonctionnaire dans le Public souhaite que cela dure bien entend ! N'ayant pas trop réfléchi, il n'a jamais pensé que son ravitaillement primordial en carburant était le fait du privé, que les Autoroutes étaient privées...et que cela fonctionnait plutôt bien... sauf quand les raffineries étaient bloquées... bien entendu !
LES FRANÇAIS ET LEURS SERVICES PUBLICS
21/05/2018
Chloé Morin, Marie Gariazzo
"À la veille de la manifestation
de la fonction publique, Chloé Morin, directrice de l’Observatoire de l’opinion
de la Fondation, et Marie Gariazzo, directrice des études qualitatives du
département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’Ifop, font le point sur
le rapport des Français à leurs services publics.
"Les sondages permettant
d’analyser le rapport que les Français entretiennent avec leurs services
publics abondent. Ainsi, un sondage Odoxa réalisé en octobre 2017 indiquait que
64 % des Français ont une bonne opinion du secteur public. Ils pensent même que
la France est le pays européen disposant du meilleur service public. Selon un
sondage Ifop réalisé début 2017, 70 % des Français se disent attachés aux
services publics de proximité – notamment aux services de propreté, de
sécurité, préservant l’environnement ou encore aux établissements scolaires.
"Derrière cette abondance de
données, se trouvent parfois d’apparentes contradictions : ainsi, la rhétorique
« anti-fonctionnaires », dont la droite a abondamment usé sous Nicolas Sarkozy
et François Fillon, trouve un écho certain auprès d’une bonne partie de
l’électorat. Pourtant, selon Odoxa, 63 % des Français auraient une « bonne
image » des agents du secteur public (lesquels s’imaginent au contraire mal
aimés de leurs concitoyens, à 65 %). Autre paradoxe : alors qu’ils se disent
attachés aux services publics, peu de Français font de l’accès aux services
publics une priorité. Ainsi, dans l’enquête « Conditions de vie et aspirations
des Français » réalisée par le Credoc, la lutte contre les « inégalités d’accès
aux services courants » apparaît en dernière position des priorités assignées
par les Français aux pouvoirs publics, loin derrière la lutte contre les
inégalités d’accès à l’emploi, le combat contre les inégalités de niveau de
vie, ou encore contre les inégalités d’accès aux soins médicaux ou au logement.
De la même manière, selon Kantar Sofres, « l’inégalité d’accès aux services
publics » fait partie des inégalités jugées les moins « graves » par les
Français – loin derrière les inégalités d’accès au logement, à l’emploi, à
l’éducation ou encore à une alimentation saine.
"Ces données interrogent sur le
rapport qu’entretiennent réellement les Français avec leurs services publics,
et sur ce qu’ils mettent derrière la notion de « service public ». Ces
interrogations sont d’autant plus importantes que le gouvernement entend revoir
les missions assignées aux services publics, dans une perspective de
modernisation. Des réformes qui pourraient réveiller la crainte d’un
démantèlement des protections acquises.
"Afin de pousser un peu plus loin
l’analyse, l’Ifop a posé pour la Fondation Jean-Jaurès à un panel national
représentatif de Français les questions suivantes : « lorsque vous pensez aux
services publics, qu’est-ce que cela vous évoque ? Et, quand vous pensez à
l’avenir du service public, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste ? ».
"Les réponses recueillies auprès
des Français sur ces questions frappent par différents aspects. Elles sont
évidemment à replacer dans un contexte de délitement du « collectif »,
d’individualisation des comportements – notons, ici, que l’immense majorité des
Français considère contribuer plus qu’il ne reçoit du système, et juge que ses
semblables en bénéficient plus que lui – et, de façon plus globale, de
fragmentation du salariat. Autant d’éléments qui concourent à une lecture de
plus en plus autocentrée et elle-même très fragmentée des différents sujets
politiques qui animent notre société. Les problèmes constatés à l’échelle
individuelle sont de plus en plus rarement associés, de manière spontanée, à
des causes globales, méritant des réponses collectives. Il n’est donc pas si
troublant que cela de constater les contradictions persistantes et toute
l’ambivalence qui traversent les Français sur la thématique des services
publics. Les premiers à élever les services publics au rang de « patrimoine
commun », à témoigner un fort attachement à leur préservation, à les considérer
comme une « exception française » et à se montrer inquiets du spectre de
futures privatisations, sont souvent les mêmes à pointer du doigt de façon très
critique (voire haineuse) les fonctionnaires, ou à considérer payer trop
d’impôts. Les agents publics, souvent appréhendés dans leur globalité, comme un
seul « corps », déshumanisés par les références constantes à leur coût
financier et leur nombre, sont alors taxés de tous les maux, élevés au rang de
privilégiés, dont les apanages n’ont plus lieu d’être aujourd’hui pour de
nombreux Français – ici, la « passion de l’égalité » que l’on prête aux
Français amène à la tentation de niveler, au nom même de la justice, tout le
monde au même niveau d’insécurité économique… « Pas de raison qu’il y ait des
plus protégés que moi ! ».
"Et, pourtant, l’avenir des services publics véhicule son lot
d’angoisses, face au manque d’effectif d’ores et déjà ressenti ou au déficit de
compétence repéré dans certains secteurs, au premier rang desquels la santé et
l’éducation. Rappelons à ce titre que, dans le baromètre annuel réalisé par
Kantar Public et l’institut Paul Delouvrier, la santé publique atteint un
niveau de préoccupation sans précédent, dépassant pour la première fois
l’Éducation nationale (à 42 % contre 37 % de citations). L’émoi suscité par la
tragédie consécutive à la mort de la jeune Naomi, morte après avoir vainement
appelé à l’aide le 15, illustre à quel point les Français sont préoccupés par
les questions de santé.
"Cette tension entre attachement
au service public et remise en cause du fonctionnariat est fortement
perceptible dans les propos recueillis par l’Ifop, comme s’il n’y avait plus de
lien de causalité entre le service rendu et ses conditions de réalisation. La
question de la défense des services publics est alors rendue extrêmement
compliquée en matière d’opinion, comme le montre d’ailleurs le mouvement des
cheminots qui ne parvient pas à faire entendre la logique collective de son
combat, se trouvant simplement réduit pour beaucoup de Français à la seule
défense d’intérêts particuliers. Le sujet de la défense des services publics
n’est d’ailleurs jamais abordé tel quel par nos interviewés, comme si les
termes du débat n’étaient jamais clairement posés. Il n’y a presque plus dans
les propos recueillis de lecture idéologique forte liée au rôle de l’État, ni de
réflexion poussée sur la notion même de service public, prise dans son sens
premier de service d’intérêt général : un obstacle de plus à la convergence des
luttes, quand seuls les personnels des Ehpad (jamais nommés « fonctionnaires »)
réussissent à « sortir leur épingle du jeu » et à susciter un réel soutien,
tous bords politiques confondus.
"La vision qu’ont les Français des
services publics renvoie en premier lieu au constat de nombreux
dysfonctionnements, ce qui valide par principe la volonté de « transformation »
affichée par le gouvernement. Pour autant, cette « transformation » (qui sonne
aux oreilles de façon beaucoup plus légère que le terme de réforme) n’est
jamais réellement questionnée sur ses modalités concrètes, en dehors de ceux
(surtout parmi les rangs de La France insoumise mais aussi du Front national)
qui dénoncent la volonté du gouvernement d’aller vers plus de privatisations et
soulignent les dangers perçus d’une « américanisation » de la société : « le
gouvernement veut que chaque service fonctionne comme une entreprise privée ».
"Quoiqu’il en soit, cette adhésion
à la « transformation » des services publics (qui rend toute situation de
blocage encore plus sectaire et insupportable aux yeux de l’opinion) va de pair
avec un fort niveau de pessimisme dès que l’on aborde la question de l’avenir ;
un pessimisme qui traverse l’ensemble de l’échiquier politique sans épargner
les soutiens d’Emmanuel Macron. Les craintes sont réelles et se concentrent sur
deux secteurs en particulier : la santé, perçue comme LA priorité, suivie de
l’éducation. Le constat actuel est souvent angoissant (manque de personnel,
manque de qualification, avènement d’un service à double vitesse, etc.) : « on
payera de plus en plus pour moins de qualité », « il faudra se payer les soins
avec notre propre argent », « beaucoup de services ne seront bientôt plus
accessibles qu’aux personnes aisées : les médecins avec dépassement, les Ehpad
avec des prix exorbitants, etc. ». Ce constat réactive également avec force les
fractures territoriales qui traversent notre pays : « j’habite une petite
ville, il n’y a plus rien, plus de train », « il y a une médecine à deux
vitesses entre les zones rurales et les autres ».
"Ces angoisses révèlent la crainte
d’un accroissement des inégalités et d’une détérioration du service rendu au
nom de la rentabilité économique – une crainte paradoxale, puisque, comme noté
plus haut, de nombreux Français opèrent d’eux-mêmes une déconnexion entre
qualité du service et moyens humains et économiques nécessaires à l’obtention
de cette qualité. En même temps, elles mettent en lumière des métiers qui ont
du sens et dont tout le monde a besoin. Dans une société où la quête de sens
semble de plus en plus importante, où l’on recommande aux entreprises privées d’ajouter
la notion de « raison d’être » à leur objet social au-delà de la performance
économique, on est en droit de s’interroger sur la persistance aussi négative
des représentations associées au fonctionnariat (le statut l’emporte toujours
largement sur la mission en elle-même, en matière d’opinion).
"Tout semble
indiquer qu’il existe une forme de décalage entre, d’une part, l’appropriation
des éléments du débat politique sur les services publics, dominée en surface
par la nécessité de transformation et l’image négative que véhiculent les
fonctionnaires et encore plus les syndicats et, d’autre part, l’angoisse
palpable à travers les verbatims recueillis d’un délitement encore plus grand
de notre société à terme, d’une individualisation dont le prix pourrait finir
par être très lourd à payer".
PS 2 : il faudrait lire les rapports de la Cour des Comptes de juin 2019
PS 2 : il faudrait lire les rapports de la Cour des Comptes de juin 2019
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quand le train fonctionne, c'est si cool :