vendredi 4 octobre 2019

Tarraco i aqueduques



Vous vous souvenez de mes premiers émois à Tarragone, devant la floraison des signes architecturaux de distribution de l’eau, passant par le célèbre Pont du Diable, l’équivalent catalan de notre Pont du Gard ? Le sujet est immense, et je suis loin d’avoir tout inspecté ! (1). D’abord il faudrait se rendre sur la prise d’eau de la rivière Francolí. La même qui se jette dans le port de Tarragone. L'eau était captée dans la zone du Rourell, à 92 mètres au-dessus du niveau de la mer et conduite sur plus de 10 kilomètres à travers différentes canalisations et aqueducs de dimensions diverses, l'objectif étant de gagner assez d'altitude pour se retrouver au-dessus de la ville. Plus précisément, il existait une retenue sur la rivière dans un endroit appelé Torre del Comte, situé entre les villages de El Rourell et Perafort à environ 15 km de Tarragone. Je cherche, je ne trouve pas, tout a été bousculé par la construction des routes, cela doit être pas loin de cet endroit ?

En haut à gauche Rourell, Perafort en face, rio Francoli au milieu, Ferreres en bas à droite

la zone de captage est totalement encombrée d'aménagements lourds, il faut vraiment entrer dans les propriétés privées longeant le rio Francoli pour espérer voir quelque chose

la prise d'eau est quelque part par là, rive gauche donc à droite...?

À partir de là, l'eau est amenée par un canal vers Tarraco, d'abord parallèlement à la rivière et à partir du pont de Codony, (4) le canal suit les courbes de niveau en profitant des pentes naturelles du terrain pour arriver au barranc dels Arcs qu'il franchit au moyen du fameux pont-aqueduc. Le pont des Ferreres mesure approximativement 217 mètres de long, 27 mètres de haut et environ 2 mètres d'épaisseur. L'étage d'arcatures supérieur est composé de 25 arcs et l'inférieur de 11 arcs ayant environ 5,90 mètres de lumière. Il fut construit au Ier siècle à l'aide de grande pierres taillées placées à sec et formant une double ligne d'arcades. Pour la comparaison, le Pont du Gard mesure 275 m, mais sa hauteur est de 49m.





chaque bloc découpé sur mesure



la seule signature trouvée : un phallus ! en réalité, il signifie que l'eau coule... à droite !

avant les aménagements récents ; une margelle a été posée depuis ... avec des vis !



paradoxale la différence entre la perfection du pont, et l'approximation du canal quand il serpente dans le rocher naturel

Sur la partie sud du barranc, le ravin, le canal suit l'ancien chemin de l'Àngel et entre dans la cité par l'avenue de Catalogne, après avoir traversé le barranc de terres cavades où l'eau était recueillie et épurée dans un grand dispositif, appelé castellum aquae  (le plus célèbre équivalent est conservé à Nimes). Ensuite, l’eau était distribuée par un réseau de tuyaux de plomb dans la zone résidentielle de Tarraco.



difficile depuis le camin de Nastic de le voir de haut !







Quand on suit la double voie vers la Ville en venant de Torredembarra, on domine une belle portion d’aqueducs bien conservés pas loin du cimenteri, et la plupart du temps on poursuit la route vers Salou. Il faudrait bifurquer à droite, ce que je fais ce mercredi, pour me retrouver dans un no mans land de parkings pleins à craquer, et de banlieues d’habitations quasi romaines entourées de vergers antiques, décorées de mes convolvuli bleus préférés, autour du camin de Nastic et de ses traversseras. Le camin en question est en sens unique, je n’arrive pas à comprendre comment on accède en voiture du bon côté. Je le parcours à pied aller-retour, frotté par la quantité de voitures qui l’empruntent, et qui elles savent le prendre par le bon bout.


de vraies villa romaines

des chemins d'accès étroits juste pour des chars romains

En poursuivant en ville, on retrouve une autre portion bien conservée, d’autant plus facile à identifier que la rue passe dessous, même si c’est un peu étroit, on dirait même à voir la prise d’eau peinte en bleu sur le bajoyer que l’on prélève (ou l’on prélevait) de l’eau dans le canal il y a encore peu de temps.












Il existe encore deci-delà des portions en ville, témoignant de l’importance des ouvrages d’art : je vous en ai montré un autrefois (2), et confirmant ma vocation de frater aquarius cistercien, je remonte mille ans encore en arrière pour ma réincarnation antérieure en ingénieur des eaux romains :  disciple de Vitruve il y a deux mille ans ?



specus de l'avinguda de Catalunya n° 49


je m'obstine : je reviens sur place ... demain

et je sors le drone !


Aqua Augusta, à qui est dédiée l'ouvrage






PS (4)  pour les vestiges du pont de Codony : j'ai trouvé la fiche et les coordonnées Lambert :


inscriptions de l'Aqua Augusta de Merida
permettant de penser au même nom pour l'aqueduc de Tarragone


de toute manière, je suis rassuré, l'enquête locale du CIC, l'Institut catalan d'archéologie, progresse !