Christophe Guilluy, né le 14 octobre
1964 à Montreuil, est géographe. Il travaille depuis la fin des années 1990 à
l'élaboration d'une nouvelle géographie sociale comme consultant indépendant
pour les collectivités territoriales. Son sujet m’est cher, et agite la « France périphérique » comme
on dit quand il ne s’agit pas de la Capitale, vous voyez que je mets un C majuscule ! Il en a d’ailleurs fait le titre
d’un livre précédent : « la France
périphérique », avec le sous-titre : « comment on a sacrifié les classes populaires ». C’était
en 2014 … avant les « gilets jaunes » !
Je l’entends ce matin sur RTL :
pour être interviewé par les médias, en France, il faut sortir un livre, chez
un Editeur connu, Flammarion c'est parfait, son dernier livre a un titre accrocheur comme les précédents : « le temps des gens
ordinaires ». Avec un tel titre, habitant les "zones périphériques", on
se sent concerné ! Comme la campagne des présidentielles s’ouvre peu à
peu, et que Marine le Pen souhaite représenter les gens ordinaires face aux néo-libéraux-mondialistes-écolo-parisiens-macroniens,
le thème devient porteur, au fur et à mesure où la France périphérique souffre
du covid, et voit ses commerces fermer remplacés par le e-commerce des GAFA qui
ne paient pas d’impôts.
or les gens ordinaires représenteraient
60% des Français,
Incroyable cette majorité de gens ordinaires qui n’habitent pas Paris !
(c’est vraiment qu’ils sont ordinaires !)
Les travaux en géographie sociale de notre Christophe Guilluy abordent les problématiques politiques, sociales et culturelles de la France contemporaine par le prisme du territoire. Ah oui, ce vocabulaire de territoire ! Pour un édile parisien, un territoire est un espace authentique, où poussent les champignons, (pas n’importe lesquels : des truffes voire des cèpes, aucun autre !)…et où des paysans archaïques fabriquent des conserves artisanales de foie gras ; où il est ainsi judicieux de posséder une résidence secondaire, susceptible d’être rentabilisée par la location à des touristes aisés venant chercher chez nous la tradition de ce qui constitue le paradis français : soleil ; bonne chère ; et art de vivre. Avant le Brexit, la Dordogne réunissait ces qualités, prisées par nos amis Anglo-saxons retournant petit à petit dans leur pays d'origine. Pareil pour le Gers, où les amis de notre ami Sean partent les uns après les autres rejoindre leurs familles restées en Angleterre.
Christophe Guilluy s'intéresse ainsi à l'émergence d'une « France périphérique » s'étendant des
marges périurbaines les plus fragiles des grandes villes aux espaces ruraux, en
passant par les petites et moyennes villes.
Il souligne que 60 % de la
population et trois quarts des nouvelles classes populaires vivent maintenant
dans cette « France périphérique », à l'écart des villes mondialisées. Quand
ces villes comme Toulouse voient fermer leurs bars d’un côté, et Airbus de l’autre
(mais Airbus ne licencie pas, il privilégie les "départs volontaires") on est en
droit de s’interroger sur qui va rester sur place, les médecins ? les
artisans ? les derniers agriculteurs ? ... à part les retraités qui
forment une part essentielle de la population.
Avec le sociologue Serge Guérin justement, il a mis en avant les « retraités populaires » pour signifier que la majorité des ménages de retraités est formée d'anciens ouvriers, employés ou petits commerçants qui habitent dans le périurbain et dans des conditions modestes, voire précaires.
En 2004, son Atlas des nouvelles
fractures sociales — coécrit avec Christophe Noyé — et, en 2010, Fractures françaises connaissent un réel
succès critique, et plusieurs hommes politiques de droite et de gauche
affirment s'inspirer des analyses de ce dernier essai. Interrogé en mai 2013,
Guilluy avance que « la France de la
périphérie » se réfugie dans un vote protestataire. Selon lui, « il n'est pas politiquement correct de dire
que la majorité des Français se sent en insécurité face à la mondialisation.
L'ouverture des frontières aux biens et aux marchandises, que ce gouvernement
ne remet pas en cause, se traduit pour eux par la perte croissante d'emplois
industriels et par l'augmentation du nombre d'immigrés. »
La « France invisible » aux préoccupations des hommes politiques formerait 60 % de la population. Il oppose ainsi une bourgeoisie riche, vivant dans les centres des villes et profitant pleinement des effets du multiculturalisme, et la France des zones périurbaines, où les tensions entre les communautés sont plus fortes et où la perception de la diversité et de l'immigration est tout à fait différente.
Cette différence de perception
s'exprime dans le vote de cette France « invisible » parce que « les questions
identitaires comptent beaucoup dans les milieux populaires. »
après l'archipel français de Jérôme Fourquet
un livre à méditer !
PS 2 : admirateur de tout mot nouveau du dictionnaire, il me semble que c'est l'occasion de placer un nouveau concept dans la longue liste des mots désignant les choses : ce n'était pas le sujet des gens ordinaires... quoique, s'ils sont victimes de ... gentrification !
La gentrification, mot issu de l'anglais gentrification — en français québécois embourgeoisement ou, dans la presse, boboïsation (du terme bobo) — désigne « les transformations de quartiers populaires dues à l’arrivée de catégories sociales plus favorisées qui réhabilitent certains logements et importent des modes de vie et de consommation différents ».
Cette expression est employée pour la première fois par la sociologue Ruth Glass dans son ouvrage London : Aspects of Change, étudiant dans les années 1960 les processus par lesquels les populations les moins favorisées de Londres étaient chassées de certains quartiers tandis que s'y créaient de véritables ghettos de la classe aisée.
Le concept a par la suite été repris, développé et approfondi partout au Royaume-Uni ainsi qu'aux États-Unis. Ce n'est qu'au début des années 2000 que le terme « gentrification » apparaît dans les milieux académiques français.
Le processus de gentrification résulte de l’accroissement de l’intérêt porté à un certain espace. Les premiers « gentrifieurs » peuvent appartenir à des communautés d’artistes aux faibles revenus, ce qui contribue à l’attractivité du quartier. Ensuite, diverses étapes de hausse des investissements dans le secteur immobilier par les acteurs privés et publics conduisent au développement économique du quartier, à une augmentation de l’attractivité des commerces et une baisse du taux de criminalité. Par ailleurs, la gentrification peut entraîner des migrations de population.
Je me souviens très bien, que ce soit à Rouen ou à Rennes, ces quartiers autrefois ouvriers, proches des gares ou du port, proches donc de leur lieu de travail, occupés par des maisons de silex par les ouvriers, propriétaires du jardin contribuant à leur alimentation, dont on ignorait à l'époque qu'elle était bio. Peu à peu des bourgeois bohêmes s'y sont installés, trouvant l'idéal pour eux : une maison bien conçue avec jardin et possibilité de garage donc bricolage, le tout proche du centre-ville. Quant aux ouvriers, il est vrai qu'ils ont peu à peu disparu pour être remplacés par les emplois administratifs et de services majoritaires aujourd'hui.