jeudi 3 octobre 2024

La légende d'Yvon Kerdeck


Fernand Le Quesne (1856-1932) - La Légende de Kerdeck, 1890, huile sur toile, 210 x 282 cm, dépôt de l'Etat au musée de Quimper en 1992 © musée des beaux-arts de Quimper

Acquis après de l'artiste par l'Etat au Salon de 1890 ; déposé au musée de Quimper en 1992

c'est un grand format : H. 210 cm - L. 282 cm


Présenté à Paris au Salon de 1890, cet incroyable tableau peut sembler bien déroutant de prime abord. En effet, les ébats de ces naïades dénudées (j'en ai compté dix-sept) intriguent autant que la présence bien incongrue de ce joueur de bombarde s'avançant dans l'eau. Pour comprendre le sujet, il faut prendre le temps de déchiffrer le long cartel apposé en bas du cadre qui développe un poème, La Légende de Kerdeck, de Jean-Louis Dubut de Laforest.

Cet auteur, fort connu pour ses textes licencieux, était au sommet de sa gloire dans les années 1880. Dans ce poème, il adapte le célèbre mythe d'Hylas et les nymphes en lui apportant une coloration contemporaine et surtout bretonne ; voici donc Yvon, roi des binious qui, enivré de sa musique, se laisse attirer par un impressionnant cortège de nudités qui feignent l'amour pour mieux entraîner notre pauvre musicien à sa perte en le noyant. On notera en passant que le peintre, ignorant la typologie des instruments bretons, a confondu biniou et bombarde, ce qui en dit long sur la conception de l'œuvre, complètement imaginée dans un atelier parisien. 

Au demeurant, ce tableau apparaît comme une des grandes réussites de cette peinture fin de siècle créant un espace visuel aussi fantaisiste que fascinant. Pour peindre ces nus sensuels, Fernand Le Quesne s'est autant souvenu du célèbre cycle de Marie de Médicis, créé par Rubens, que des plantureuses baigneuses de Courbet. Mais, cette appétence à traiter de ces aguichantes chairs blanches éclaboussées d'écume suggère également une forme d'hommage à son maître, Henri Gervex, qui s'était surpassé en modulant la blancheur des étoffes et d'un nu dans son célèbre Rolla.

GERVEX Henri Rolla Huile sur toile, 175 x 220 cm sans cadre, N°inv Bx E 1455 Collection Musée des Beaux-arts, Bordeaux ©Mairie de Bordeaux, photo Lysiane Gauthier

¨Pour ma part, je retrouve dans ce tableau de mon Maître Bouguereau les sources mêmes de la Nymphomanie, venant des nymphes et des satyres des bois, quand ils vont trop loin dans l'utime stade de la tentation. Dans la langue italienne, c'est encore plus évident : NINFOMANIA E SATIRIASI. DAL MITO ALLA RIFLESSIONE SCIENTIFICA.

zappez la suite si vous ne lisez pas l'italien !

Je cite l'auteur :"So no per questo figure dalla forte valenza erotica. Per questa ragione in passato è stato a loro ispirato il nome per definire condizioni di sessualità compulsiva e incontrollata.

Il termine "ninfomania" è stato introdotto nel 1771 dal medico francese J.D.T. de Bienville. Descriveva la manifestazione patologica di un incontrollato desiderio sessuale femminile. La costante ricerca di partner si associava a continui comportamenti seduttivi e provocatori. Non vi era mai il raggiungimento di un effettivo appagamento essendovi spesso correllate condizioni di anedonia (assenza di piacere) e anorgasmia (assenza del l'orgasmo)".

Je reviens à la peinture de Kerdeck

Unique par son ambition, son traitement, comme par son imprégnation fabuleuse, ce grand format apparaît comme le chef-d'œuvre de Fernand Le Quesne et propulse involontairement le légendaire breton, mis à la mode par Hersart de la Villemarqué, dans l'illustration de ce poème de Jean-Louis Dubut De Laforest : la légende de Kerdeck, reprise dans le cadre du tableau :


Jean-Louis Dubut De Laforest (1853-1902) est d'abord avocat. Il est nommé conseiller de préfecture à Beauvais en 1879, mais démissionne au bout de trois ans pour se consacrer à la littérature et au journalisme (sous le pseudo Jean Tolbiac).

Ce littérateur prolifique publie de 1880 à 1901 un grand nombre de romans sur des sujets jugés audacieux pour l'époque, comme l'existence des milieux homosexuels parisiens ou l'insémination artificielle dans Le Faiseur d'hommes (1884). Les titres de ses oeuvres sont évocateurs : Belle maman, mœurs contemporaines, Contes de la paresseuse, L’Homme de joie, La Femme d’affaires, Morphine, Le Cocu imaginaire, Amours de jadis et d’aujourd’hui, La Vierge du trottoir, Les Souteneurs en habit noir, Le Dernier Gigolo, Madame Don Juan, Maîtresses et amants, Le Lanceur de femmes, Travail et volupté, Les Marchands de Femmes… 37 volumes ont été regroupés en 1900 aux éditions Fayard sous le titre Les Derniers Scandales de Paris. Il est qualifié de "romancier anticlérical et obscène" et plusieurs fois poursuivi pour outrage aux bonnes mœurs. Malgré un certain succès, il se suicide le 3 avril 1902.

   ah la tentation !


Mesdames, déjà seules vous êtes la séduction

mais quand vous vous y mettez à plusieurs, 

vous êtes la tentation

ils sont rares les héros capables de résister


surtout pas Yvon Kerdeck !

... ni ces visiteurs du musée fermé pendant le covid, où l'on devine le tableau encadré

ils incarnent en les recopiant les attitudes des personnages 

dont ils reprennent les gestes

mais rien du poème annoncé écrit sur le cadre ?


à demain

c'est la suite d'hier !

le prénom Yvon revient à la mode !


on danse sur la terre, ou au fond des eaux

https://www.youtube.com/watch?v=OjHBWPzUIZI