Le top quand on a de l'argent, (pour peu que l'on ait un tempérament artiste, et l'envie de se faire construire un château), est de déléguer tout pouvoir à un architecte (talentueux), sachant s'entourer d'artistes-copains, pour vous concocter une résidence à décoration totale, correspondant à votre personnalité, où tout est pensé pour s'accorder ensemble : je vous ai montré récemment comment l'industriel Thevenot, spécialisé dans la réalisation d'usines hydroélectriques dans les Pyrénées, s'était ainsi fait construire le Château Chavat à Podensac, au milieu du terroir bordelais.(1)
Dès que le château permet de recevoir des invités, vous invitez une peintre, Hélène Dufaut par exemple, et en échange de votre invitation (vous avez intérêt à soigner vos invités, mais un château est fait justement pour cela), elle va vous peindre le plafond du salon de musique ! Un gros boulot, mais vous lui avez offert l'échafaudage, et vous lui prêtez une petite main, indispensable car elle va s'investir plusieurs semaines, normal qu'elle soit dédommagée ....sauf s'il y a une histoire d'amour à la clef !
Vous êtes ravi, vous vous dites que des vitraux éclaireraient bien la cage d'escalier, et sans broncher, elle vous dessine les cartons, à livrer au Maitre-Verrier ... bordelais forcément : Léon Delmas, un nom célèbre !
Vous êtes ravi, vous vous dites que des vitraux éclaireraient bien la cage d'escalier, et sans broncher, elle vous dessine les cartons, à livrer au Maitre-Verrier ... bordelais forcément : Léon Delmas, un nom célèbre !
Il faut dire que la (belle) Hélène a un super-palmarès
Elle se nomme précisément Clémentine-Hélène, née à Quinsac en Gironde le 18 août
1869, et morte à Paris le 18 mars 1937. C'est une artiste peintre, affichiste et
illustratrice. Sa mère est née Dumézil, et son père est basque. Ce dernier, après un séjour à
Cuba, en est revenu avec une fortune suffisante pour épouser la fille de
Guillaume Dumézil, propriétaire (aisé) d'un domaine viticole à Quinsac.
Clémentine-Hélène est leur quatrième enfant. De santé fragile, elle doit rester
souvent allongée et, très jeune, manifeste un don pour le dessin. Après que ses
sœurs se sont mariées, elle souhaite aller à Paris faire des études
artistiques. Ses parents décident alors de vendre le domaine de Quinsac et
s'installent en 1888 au 12 rue Pergolèse dans le 16e arrondissement pour l'accompagner.
Clémentine-Hélène s'inscrit au cours de l'Académie Julian
dans l'atelier de William Bouguereau. Pas mal comme coach ! En 1895, elle expose au Salon des
artistes français et obtient le prix Marie Bashkirtseff pour son tableau
L'Amour de l'Art, ce qui lui permet d'avoir ses premières commandes pour des
affiches publicitaires. Son affiche pour le Bal des increvables (1896) du
Casino de Paris est remarquée, ainsi que celle qu'elle réalise pour le
lancement du journal La Fronde, fondé en 1897 par Marguerite Durand. En 1898,
elle adhère à la Société des artistes français et obtient une bourse pour un
voyage d'étude d'un an en Espagne. De retour à Paris, elle expose les œuvres
réalisées et obtient un très bon accueil critique. Elle signe ses travaux «
C.H. Dufau ».
l'automne |
le printemps |
somnolence d'été |
La voilà assise derrière Maurice Rostand vers
1920. Ses premières œuvres sont admises au Salon des Artistes Français dès 1889,
elle a vingt ans. En 1909, reconnue par ses pairs et célébrée par la critique,
sa notoriété lui vaut d’être décorée du titre de chevalier de la Légion
d’Honneur.
Si Edmond Rostand la choisit pour participer à la
création des décors de sa demeure, c’est parce qu’il a vu exposé au Salon des
Artistes Français de 1902, L’Automne, achetée par l’État. Cette toile, le poète
l’admire vraiment ; à tel point qu’il souhaite en posséder l’exacte réplique
pour sa bibliothèque.
les cygnes noirs |
musée des Beaux Arts, Bordeaux |
Hélène passera huit ans sur place pour décorer Arnaga à Cambo-les-Bains. C'est alors que, déstabilisée par la mort de sa mère, touchée
pour la première fois par une certaine solitude, elle se prend d'une passion
amoureuse, qu'elle qualifie elle-même de "folle", pour Maurice Rostand, le
fils encore adolescent de l'écrivain, qui ne cache pourtant pas ses penchants
homosexuels. Cette relation tourmentée et à sens unique dure plusieurs années.
voici Maurice Rostand |
Rosemonde Rostand |
et Edmond |
nous voici à la Sorbonne
Astronomie et mathématiques |
magnétisme et radioactivité |
la zoologie |
et la géologie |
femina 1908 |
Elle s'installe ensuite à Antibes où elle aménage, son atelier face à
la mer.
Marseille, musée Cantini : nu au bord de la Méditerranée |
Voici les portraits de Paul Roux et de
sa femme, Titine, propriétaire du Robinson, la guinguette que fréquentait
Hélène Dufau, avec de nombreux autres artistes, à Saint Paul de Vence. Matisse,
Signac, Renoir, Dufy, Valloton, Derain, Bauchant, Manguin, Soutine ... et
Hélène débarquaient, armés de chevalet, toile et couleurs, par le tramway
tortillard qui relie Cagnes à Vence. Et ils repartent par l'une des dernières
rames en fin d'après-midi. Paul Roux se lie d'amitié avec ces bohèmes, les écoute, regarde leurs esquisses. Grâce à eux
il s'ouvre à un univers autre que le sien et se met à aimer l'art. Sur le mur
extérieur du Robinson, Paul avait accroché une enseigne : "Ici on loge à cheval, à pied et en peinture''. En 1932 il
transformera le Robinson en auberge, qu'il appelle, du coup, La Colombe d'Or.
Les peintres continuent à passer, toujours plus nombreux. Paul Roux, doué d'un
incroyable flair divinatoire va s'employer à les retenir, et leur achète
dessins et peintures.
Plus tard, la fortune venant, la Colombe d'Or sera fréquentée par tout ce qu'il y a de plus célèbre au monde, comme Montant et Signoret, mais pas que...
Voici encore disponible, "Les trois couleurs de la lumière" avec la présentation qu'en fait Amazon, dont vous comprendrez que je ne l'achète pas, malgré mon envie ! In-8. Broché, IX + 31 double page, 4 planches en couleurs
hors-texte. Dédicace de l’auteur à Léon Bailby (1867-1954) journaliste
nationaliste, patron de presse, créateur de “Match”. Voici l'annonce : "En l’état. Hélène Dufau
(1869-1937) est une artiste peintre française. À partir de 1905, elle devient
une artiste très en vue et est reçue dans les milieux intellectuels parisiens.
D'une personnalité complexe, féministe, androgyne et mystique, Hélène Dufau
comporte une part de mystère qu'il reste difficile de décrypter malgré les
indices qui peuvent se trouver dans ses tableaux. En 1932, inspirée par René
Guénon, elle écrit son livre-testament “Les Trois couleurs de la lumière” où
elle expose sa vision ésotérique de l'art".
Adepte de René Guénon, passionnée par Krishnamurti, elle est
proche des collaborateurs des Cahiers de l'Étoile. C'est ainsi qu'en 1932, elle écrit son
livre-testament, Les Trois Couleurs de la lumière, où elle expose sa vision
ésotérique de l'art : avec une mise en page originale, elle s'inspire du
mathématicien Charles Henry, de son cercle chromatique et de sa théorie du «
psychone », tout en citant René Guénon et l'abbé Paul Lacuria. René Guénon n'est connu que par des initiés, et il est inhabituel qu'une femme, surtout à l'époque, le connaisse. Je voudrais bien voir ces quatre fameuses planches en couleur hors-texte ! Je vais peut-être l'acheter, exceptionnellement, pour autant qu'il soit disponible ?
Elle doit finalement quitter Antibes et louer son atelier
pour s'assurer un petit revenu. Elle expose encore au Salon de la Société des
femmes artistes modernes.
Atteinte d'un cancer de l'estomac, elle meurt à Paris le 18
mars 1937. Elle est inhumée dans le carré des indigents du cimetière parisien
de Thiais.
autoportrait, musé' d'Orsay |
printemps nocturne, Rouen |
avec de telles origines Basques, ne pas s'étonner de cette scène |
vous aimeriez une oeuvre, une litho, une peinture ?
on trouve de tout sur ebay, pour avoir un dessin d'Hélène chez soi :
il faut y mettre le prix !
Authentic antique folio
photogravure print dating to 1903 as published by the Salon de Paris. Print was
published in the year 1903 by this publisher in a limited edition of 200
prints. Condition is very good and
clean for the age showing a normal slight age patina and a slight
"ghost" impression in utmost blank margins edges from a previous
tissue protector which is no longer attached. Print is full plate and blank on
back. Blank margins are wider than shown in auction image. Overall size is approximately 8.5 by 12.5
inches with image size being approximately 5 1/8 by 7.25 inches.
Print is not titled but is known as "The Roaring
Waves." Artist is Mlle. Clementine Helen Dufau
PS (1) http://babone5go2.blogspot.com/2020/06/une-coupole-podensac.html
cette étonnante histoire a commencé à Pondensac :