De bon matin je me retrouve un peu Grec : les banques sont donc fermées, et le scénario de "le jour où la France a fait faillite" se passe en vrai là-bas : après que les Grecs aisés (et avisés ce sont les mêmes) aient retiré des milliards en liquide les semaines passées, j'imagine les grecs-retraités "normaux" : nous sommes le 29 juin : question n°1 : -"ma retraite a-t-elle été versée sur mon compte" ? J'ai bien peur que non ! Personne n'en parle ! Question n°2 : combien ai-je le droit de retirer (si mon compte est approvisionné) ? 60 Euros ? Par carte bleue ? Si nous sommes deux à la maison peut-on retirer 120 Euros ? Je fais le calcul : 60 fois 30 = 1800 Euros, en France on vit pas mal avec ça ! en Grèce (vu le train de vie de beaucoup), ça doit être ric-rac ? (Ca va limiter (un peu) les transactions en liquide et la fraude à la TVA).
bon début !
pas facile d'être Grec dans la Grèce d'en bas !
Bien content de vous citer in extenso (en latin) cet article, sinon, on n'y comprendrait vraiment rien !
Merci à Catherine Pétillon et Marie Viennot de leur pédagogie : on en avait besoin !
je cite leur article :
1. La crise s'emballe
: la Grèce ne peut plus emprunter
Quand la crise a éclaté en mai 2010 en Grèce,
l'Etat, comme dans tous les autres pays, émettait des bons du trésor. Ils
étaient achetés sur les marchés financiers. Par qui ? Par des fonds
d'investissement, des assureurs plaçant l’assurance-vie des petits épargnants,
des gérants de fortunes privés, des fonds de pension gérant des retraites, ou
encore des banques. Fin 2009, selon la Banque des Règlements Internationaux,
les banques françaises étaient celles qui détenaient le plus de dette grecque
dans leur portefeuille (57 milliards d’euros), devant les banques allemandes
(34 milliards d’euros).
Face au risque que la Grèce ne
rembourse plus cette dette, ceux qui en possédaient ont voulu vendre leurs bons
du trésor grecs. Les prix de ces bons se sont effondrés, ce qui a fait exploser
les taux d’intérêt. Car bien sûr, quand la Grèce est venue demander de l’argent
sur les marchés financiers, comme elle le faisait sans problème auparavant,
plus personne n’a voulu lui prêter, sauf à des taux exorbitants (les taux
d’intérêt grandissent avec le risque que l’emprunteur ne rembourse pas).
2. L'Europe à l'aide
: la dette passe du secteur privé au public
En mai 2010, les banques européennes ne sont
pas tout à fait remises de la faillite de Lehman Brothers. Les potentielles
pertes que représente le non remboursement par la Grèce d’une partie de sa
dette font craindre de nouvelles faillites bancaires dans la zone euro.
La première phase des plans
d'aide a donc consisté en une chose très simple : faire passer cette dette des
mains, ou plutôt des tiroirs caisses, du privé à ceux du public. Les créanciers
privés ont renoncé à 107 milliards d'euros, et pour éviter que le cours s'effondre, la Banque centrale européenne
(BCE) s'est mise à acheter des titres de dette grecque.
De leur côté, le FMI et les états de la zone
euro ont prêté à la Grèce l'argent qui lui manquait pour rembourser ses
échéances. La dette a donc changé de structure. Elle était constituée à 80% par
des bons du trésor échangeables sur les marchés financiers. Aujourd'hui, ils
représentent 25% de la dette (soit 79,9 milliards d'euros, dont à 20 à 25 milliards
d’euros détenus par la BCE), le reste (241,8 milliards d'euros) est constitué
de prêts. Au total, la dette de la Grèce s'élève à 321.7 milliards d'euros.
3. Qui a prêté de l'argent à la Grèce ?
Le FMI a prêté 32 milliards d'euros. Les Etats
de la zone euro ont prêté le reste : 226.9 milliards (soit 70% du total), mais par deux canaux
différents :
- Le premier canal est le prêt
bilatéral simple. Avec 11,4 milliards d'euros, la France est le deuxième
prêteur après l'Allemagne, selon les derniers chiffres de la Commission
Européenne.
- le second canal de prêt est un fonds spécialement créé pour
l'occasion, le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Aujourd'hui, ce
fonds - qui a aussi prêté à l'Irlande et au Portugal - détient 141,8 milliards
d'euros de dette grecque. C'est presque la moitié du total. Au sein du FESF,
chaque pays de la zone euro participe à hauteur de son poids économique.
Attendez ce n'est pas si simple ! Le prêteur emprunte ! Pour prêter cet argent, le Fonds européen de stabilité financière a lui-même dû
emprunter. La France n'a donc pas vraiment prêté à la Grèce 31 milliards
d'euros via ce fonds, mais elle a garanti cette somme sur les 141.8 milliards
empruntés par le Fonds européen de stabilité. Si la Grèce ne rembourse pas cet
argent, la France devra donc le faire elle-même.
Au total, si on ajoute le prêt
bilatéral et la garantie pour le fonds européen de stabilité, la France a prêté
plus de 42 milliards d’euros à la Grèce. A titre de comparaison, le budget de
l’enseignement scolaire, qui est le premier budget de l’Etat (hors paiement des
intérêts de la dette) sera de 47 milliards d’euros en 2015. L'objectif de réduction du déficit à 3% est de nouveau mis à mal ! Pas de bol pour 2017 ?
4. Que peut-il se
passer en cas de renégociation?
Il y a trois façons de renégocier (on dit
aussi restructurer dans le jargon financier) une dette : en annuler une partie,
modifier les taux d’intérêt consentis ou rééchelonner la durée du prêt.
En 2012, tous ces moyens ont déja
été utilisés. Les créanciers privés ont effacé 107 milliards d’euros de dette,
les taux d’intérêt des prêts bilatéraux ont été revus à la baisse, le Fonds
européen de stabilité a accordé à la Grèce un moratoire de dix ans avant tout
paiement des intérêts.
Aujourd’hui, les marges de
négociation sont donc faibles. De nombreux économistes plaident pour une
annulation pure et simple d’une partie de la dette grecque. La banque Lazard,
que le nouveau gouvernement grec a embauché comme conseil, plaide pour que 100
milliards de dette grecque soient effacés. En cas d’annulation d’une partie de
la dette, ce sont les créditeurs de la Grèce qui y perdront, donc les
contribuables des pays de la zone euro, l’Allemagne et la France en particulier.
Il y a urgence. En juillet, la
Grèce doit rembourser 7 milliards d’euros à la BCE pour les bons du trésor que
celle ci possède. Sans assistance financière, elle n’y arrivera pas. Le 5
février, 300 économistes ont publié une tribune intitulée “Nous sommes avec la
Grèce et avec l’Europe”. Pour eux, la dette grecque est insoutenable. Les plans
d’austérité, corollaire des plans d’aide, ont fait chuter le PIB grec de 25%
depuis 2009. Résultat, malgré l’annulation de 107 milliards d’euros de dette
sur les créanciers privés (aussi appelé haircut -coupe de cheveux en VF- dans
le jargon), le ratio dette/PIB a explosé.
5. Pour le moment la
Grèce rapporte de l’argent à ses créanciers publics
Les 226,9 milliards d’euros prêtés par les pays de la zone
euro à la Grèce ne l’ont pas été à taux zéro. En moyenne, le Fonds européen de
stabilité financière prête à un taux de 1,5%, mais pendant dix ans encore la
Grèce ne rembourse pas les intérêts.
Concernant les prêts bilatéraux,
les taux varient en fonction des pays. Pour la France, Bercy préfère donner un
chiffre global. Depuis 2010, sur quatre ans, les prêts à la Grèce lui ont
rapporté 729 millions d’euros, qui sont rentrés comme des recettes dans le
budget de l’Etat. C’est peu ou prou le montant prévu au budget français en 2015
pour le ministère de la Culture. Cependant, c’est un chiffre brut, qui ne tient
pas compte des intérêts que la France a dû payer pour l’emprunt qu’elle-même a
dû faire pour prêter ensuite à la Grèce.
Quant à la BCE, depuis 2010, elle
achète des bons du trésor grecs qui rapportent aussi des intérêts. Difficile de
savoir combien exactement. De source proche de la BCE, on estime que ces bons
du trésor grecs ont rapporté plus de 2 milliards d’euros par an en intérêt
depuis 2010. Un montant colossal. En 2010, 2011 et 2012, ce sont les banques
centrales de la zone euro (Bundesbank, Banque de France etc… ) qui ont encaissé
cet argent (car la BCE passent par elles pour acheter les bons du trésor grecs,
ce sont donc elles qui reçoivent les intérêts liés à ces titres). Pendant 3
ans, la crise grecque a donc été lucrative pour ses partenaires européens.
Le 27 novembre 2012, l’Eurogroupe
a décidé que ces intérêts seraient reversés à la banque centrale grecque à
partir de 2013. Cette décision faisait partie d’un ensemble plus large de
mesures destinées (déjà) à rendre la dette grecque soutenable. De source concordante,
2 à 3 milliards d’euros ont été ainsi reversés à la Grèce en 2013. En revanche,
pour 2014, la Grèce attend toujours que les banques centrales de la zone euro
lui reversent les intérêts touchés sur sa dette. Montant: 1.9 milliards
d’euros, de source gouvernementale grecque.
6. Que propose le
nouveau pouvoir grec ?
Le plan actuel prévoit que la
Grèce rembourse ses créanciers, quelle que soit la situation économique du
pays. A Athènes de trouver les moyens financiers pour cela, quitte à mener de
nouveaux plans d’austérité, ou à aller plus loin dans les privatisations. Le
problème, c’est que ces solutions sont à l’opposées du programme pour lequel
Syriza a été élu.
Lors de sa tournée européenne, le
ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, n’a jamais parlé de plan d’aide,
ni d’annulation de dette. Interrogé à ce sujet par les journalistes il n’a
jamais dit oui, ou non, mais plaidé, encore et encore pour un nouveau contrat
entre la Grèce et ses partenaires européens.
Deux idées phares :
1/ Transformer les bons du trésor que détient la
BCE (entre 20 et 25 milliards d’euros) en emprunts perpétuels, c’est à dire en
titres à durée illimitée. Cela permet de réduire les intérêts à rembourser, et
surtout de renvoyer le remboursement du capital à une échéance indéterminée
(aux calendes…grecques).
2/ Transformer les prêts consentis par le FESF
et les Etats de la zone euro en obligations (titres financiers) et d’indexer
leur rendement (c’est-à-dire l’intérêt versé) sur la croissance en Grèce.
Ces idées ne sont pas inédites, elles font partie de ce que
l’ingénierie financière a déjà pu proposer, notamment pour la dette
argentine. On imagine que Madame Lagarde ne tient pas à créer des passe-droit trop avantageux pour la Grèce, sinon, elle doit les accorder aux autres Etats, et elle saute !
Voilà, vous savez tout !
quand tout à l'heure...
...vous irez au guichet, et toucherez vos billets...
pensez à nos amis grecs...
60 Euros par jour pour la première semaine de juillet
la ceinture il va falloir serrer !
PS : "la nuit de la Faillite" :
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