Ce matin, nos Lycéens ont passé l'épreuve de philo du Bac, prenant le risque (insensé) d'être parmi les 12% (seulement) de ceux qui risquent d'échouer : autant dire que la grande majorité va réussir. Tant mieux, on ne risque pas ainsi de stigmatiser grand monde ! La sélection pour les études supérieures a eu lieu il y a deux mois, sur dossiers, confirmant ainsi la prééminence du contrôle continu des connaissances sur l'examen de fin de semestre. N'empêche : tout le monde suit les sujets, la question subliminale des adultes étant : serait-on capable de rédiger la (bonne) réponse ?
pas sûr !
Je me suis précipité bien entendu sur les épreuves de philosophie, avec les deux sujets qui suivent : l'artiste donne-t-il quelque chose à comprendre ? Et le second : une oeuvre d'art a-t-elle toujours un sens ? L'astuce : c'est toujours : on imagine déjà que l'oeuvre d'art a un sens. C'est parfois qu'elle n'en aurait pas. Bref !
Voici, sur Europe1.fr, les deux corrigés : je cite les propos d'une professeure de Philo garante de l'orthodoxie permettant d'avoir une mention : il s'agit de Lucile Peyre : photo in fine.
elle lit : Ulysse ! |
"L’artiste donne-t-il
quelque chose à comprendre ?"
• Les notions à aborder
Deux notions devaient bien sûr
être abordées dans le sujet : "l’art et la vérité" et "pourquoi
pas la notion de société", ajoute la prof de philo. "J’ai tout de suite pensé à l’art engagé, c’est quelque chose qui
saute aux yeux", développe Lucile Peyre. "Il y a là un effort de la part de l’artiste à donner quelque
chose à comprendre par rapport à la société". "L’artiste engagé
peut alors dénoncer des injustices mais aussi révéler le monde, « c’est l’art qui dit le monde",
explique la prof de philo en faisant référence au Rire de Bergson. L’artiste
est ainsi un révélateur de la société. On peut opposer cet art engagé à "un art décoratif qui a pour but de
faire beau, d’être dans une contemplation pure sans réflexion". Autre
point : "il y aussi des œuvres d’art
à but de divertissement et celles qui sont là pour faire de l’argent".
Lucile Peyre propose , comme dans le premier sujet, de renverser la proposition
de départ : "on peut montrer qu’il y
a aussi le regard du spectateur qui intervient et qui est subjectif : il voit
des choses que l’artiste n’a pas forcément voulu mettre et l’oeuvre va ainsi
échapper à l’artiste".
le vagin de la Reine à Versailles par Dirty Corner |
• Les pièges à éviter
S’il n’y a pas de pièges évidents
dans ce sujet, attention tout de même à deux choses : ne pas identifier
clairement la notion de vérité et se contenter de citer des œuvres d’artistes
engagés sans aller au-delà. "J’aurais
peur du catalogue d’oeuvres engagées, le danger, c’est ça le danger",
explique la prof de philo.
• Les auteurs à citer
Lucile Peyre pense donc au Rire de Bergson
mais aussi à Jean-Paul Sartre. "Il a
critiqué très vivement Flaubert et Goncourt, deux auteurs qui n’ont pas écrit
sur la Commune alors que cela se passait à leur époque et ont préféré écrire
des romans d’amour ». Sartre dit ainsi : ‘il aurait été de leur devoir d’écrire sur ce qui s’est passé avec la
répression de la Commune'".
• La référence évidente à l'actualité
Pour Lucile Peyre, on peut penser
"aux événements de janvier : avec
les caricatures de Charlie Hebdo, on est dans l’art qui essaye de faire
comprendre certaines choses mais tout le monde n’est pas prêt à les voir".
La prof de philo pense aussi au film Un
Français du réalisateur Diastème qui raconte l’histoire d’un skinhead sur
le chemin de la rédemption : "le
film a eu du mal à s’imposer dans les salles, il a essuyé des menaces, le
travail de l’artiste n’est pas forcément facile".
second sujet
"Une œuvre d’art
a-t-elle toujours un sens ?"
• Thèmes à aborder
Dans ce sujet, on ne pouvait pas
passer à côté de l’art et du sens. L’art
figuratif semble viser le beau en fonction des règles codifiées tandis que l’art moderne semble citer des émotions en
général et l’art contemporain semble
viser directement la réflexion sur le sens de l’art lui-même. La réalité
pouvait aussi être abordée. Elle peut désigner ce qui est perçu par les sens ou
les Idées des choses, au sens de Platon. On pouvait aussi évoquer la notion de
beauté (le beau et le laid).
• Pièges à éviter
Comme c’est un sujet extrêmement
précis, il fallait vraiment éviter le hors-sujet. Il fallait aussi éviter le
plus possible le plan démembré (I. L’art, II. Le sens, III. La réunion des
deux). Autre erreur à éviter : donner seulement des exemples concrets (Exemple
: La Joconde a un sens, elle un sourire mystérieux qui charme le spectateur).
Les exemples doivent seulement illustrer les réflexions générales.
• Les auteurs qu’on pouvait citer
On peut citer Platon, dans Timée 28 b. Pour lui, l’artiste
doit imiter la nature ("Lorsque l’ouvrier, l’œil toujours fixé sur l’être
immuable, travaille d’après un tel modèle et en reproduit la forme et la vertu,
tout ce qu’il exécute ainsi est nécessairement beau").
Citons également Emmanuel Kant dans sa Critique de la
faculté de juger § 43 : "on ne devrait appeler art que la production par
liberté, c’est-à-dire par un libre arbitre, qui met la raison au fondement de
ses actions".
Enfin, on pouvait penser à Jean
Dubuffet dans Positions anticulturelles ("L’Occident, à perdre l’idée que
le monde est constitué d’objets beaux et laids, ne ferait pas une grande perte.
S’il prenait conscience que n’importe quel objet du monde est apte à constituer
pour quiconque une base de fascination et d’illumination, il ferait là une
meilleure prise").
pas la peine de me torturer pour me faire avouer :
j'aurais bien eu du mal à avoir une mention
je me serais rattrapé sur les maths ?