jeudi 28 mai 2020

Deux villas normandes côte de nacre : villa Louis (1)




C'est :  "des racines et des ailes", émission précieuse s'il en est, qui me met la puce à l'oreille : avec le réchauffement climatique, heureux sont les propriétaires des villas de la côte normande dite côte de nacre, qui ont hérité de témoignages superbes du second Empire et de l'art nouveau ! FR3 rentre là où l'on n'entre pas, et nous montre des détails intéressants que je vais tenter de vous présenter moi aussi.

Je commence par une ville peu connue, sauf localement, Lion sur mer, avec la villa Louis.



La villa Louis, située à Lion-sur-Mer, 4 rue Joseph-Pasquet, dans le département du Calvados, est donc une œuvre de Jean-Alexandre Navarre  et constitue un témoignage du style balnéaire de la côte de Nacre.

À l'origine, c’est un établissement de jeux et de musique qui ne comprend qu'un rez-de-chaussée et un étage mansardé construit en 1864, puis modifié en 1903 par l'ajout du premier étage qui en fait une villa d'habitation.




cette carte postale montre le balcon intact. On devine les pilastres et la rampe en céramique, ainsi que la rangée de coquilles St Jacques dessous


le quartier est constitué d'adorables villas de la même époque



Pierre-Joseph Pasquet, le commanditaire, est à l'origine de la première construction puis de sa transformation en villa où il s'installe avec son épouse Élisa Auber, fille du compositeur Daniel-François-Esprit Auber. L'architecte Jean-Alexandre Navarre réalise le premier étage de style art nouveau qui se démarque par l'emploi de briques apparentes et par une loggia côté mer. Les deux façades sont ornées d'importants ensembles du céramiste Alexandre Bigot, un artiste incontournable de l’Art nouveau, dont je vous ai montré les réalisations dans la villa Majorelle. D’autres existent toujours à Paris, et présentent des décors des façades largement inspirés de la faune et de la flore marine : il y a des coquilles St Jacques ; des tourteaux (que sur la côte normande, on dévore comme nous les homards) ; puis des pieuvres, des poissons du coin, pour tout dire, c’est cette déco qui fait l’attrait de la villa.








Les extérieurs et certaines parties des aménagements intérieurs (escalier en pitch-pin, cheminées) sont inscrits depuis 1998 à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.





Après la Seconde Guerre mondiale, la villa est exploitée comme pension de famille sous le nom de Castel Louis. Aujourd’hui, les jeunes propriétaires ont disposé à l’intérieur le résultat de leurs chines, et louent quatre chambres marquées par leurs couleurs différentes, qui ravissent les estivants, notamment Américains, venant villégiaturer en visitant les plages du débarquement : toutes ces trouvailles dans les vide-greniers alentour les fascinent, nous Français qui sommes accoutumés relativisons, il y a plus prestigieux à la villa Majorelle !

Le must de la déco était le balcon sur mer, dont la rampe cuite par Alexandre Bigot ressemblait à celle de la villa Majorelle. Malheureusement, le balcon est aujourd’hui en triste état, fermé seulement par des poutres en bois, et mérite de gros travaux de restauration. Où de nos jours trouver un artisan capable de reprendre les créations de Bigot, à part Cazaux à Biarritz, je ne vois pas ? Bigot était chimiste, cela ne s'invente pas aisément ! Je me permets de signaler le lien au propriétaire :


j'ai compté : il faut 27 pilastres en grès comme ceux-là
 
par-dessus vient la rambarde à reconstituer


couleurs sable, algues, mer, une composition magnifique



la façade côté rue avec sa rangée de St Jacques


C'est là que l'on prend conscience de la difficulté d'être l'heureux propriétaire d'un patrimoine ancien, soumis aux embruns, quand il faut de sa poche financer de lourds travaux contrôlés par l'Architecte des Bâtiments de France ! Je lui souhaite bonne chance, et l'appui de notre aimé Stéphane Bern !



demain je vous emmène à Hermenville-sur-mer

voir la villa Bluette de Guimard


merci à "des racines et des ailes"


je vous conseille de vous changer les idées en louant l'une des quatre chambres

dès que ce soir, Edouard Philippe libère l'acte 2 du déconfinement !