mercredi 22 août 2018

Rosel von Rosenhof


C’est drôle, j’ai un admirateur : un monsieur nommé Georges F. qui habite la Rochelle. Il connait les papillons par cœur, et a commandé mon bouquin. Il réussit à trouver mon 06, je le prends au téléphone, et il m’explique longuement comment il observait les Grands Mars autrefois, et que nous étions rares aujourd’hui à avoir entendu le bruissement des ailes si caractéristique quand le beau papillon aux reflets changeants prend son envol, en quittant une crotte bien odorante déposée là par un cheval, promenant sur un chemin forestier (1).

Il me demande si j’ai lu « La vie des papillons » de Frédéric Schnack. Tu parles, il s’agit d’un bouquin broché sorti en 1930, j’ai perdu tout souvenir, et je lui dis (bêtement) … que non ! Il a la gentillesse de me l’envoyer, je me jette dessus, et me souviens que non seulement je l’ai lu, mais qu’il m’a fasciné par la précision et la poésie de l’auteur, lui-même ébloui comme les vrais amateurs le sont encore par la magie des métamorphoses, et l’allusion de leurs dessins à un Grand Créateur de l’Univers.

Profitant de l’été qui pousse à se cacher du soleil, je lis et je relis (à l’ombre), appréciant les connaissances de Schnack : c’est manifestement un Allemand, puisque le livre a été traduit en Français par Georges (encore un) Lacheteau. Je trouve l’original sous le titre Das Leben der Schmetterlinge chez ZVAB.com, et comme je m’en doutais, certains exemplaires princeps sont décorés d’aquarelles de Claus Caspari et Karl Grossmann : Schnack en parle tout le temps, de ces illustrations, mentionnant les mérites de copains passant leur temps à dessiner et peindre les papillons. Page 173, il cite « le peintre de papillons de Nuremberg Roesel von Rosenhof, qui précéda dans son art le vitrier de Würzburg, lui-même peintre forcément, en rédigeant les « Divertissements entomologiques ». Cette fois, on est bien plus tôt dans la diffusion des connaissances, en 1746, date de sortie du bouquin Insecten Belustigung.



Image étonnante : au centre, l'Artémis d'Ephèse : ce ne sont pas des seins, mais des oeufs, comme les pondent les femelles papillons
à gauche, Diane figure la Connaissance des êtres des forêts, et s'emploie à décrire un Univers  dominé par le Soleil ; à droite Pline l'Ancien mesure tout, avec le niveau et l'équerre
dessous, les putti inventorient la Nature, et ont réuni quelques papillons dans la première collection du monde


j'ai retrouvé cette Artémis se trouve à Naples : http://babone5go2.blogspot.com/2018/08/gabinetto-segreto-5.html


Je vous montre les premières pages : Il y a près de 2000 ans, Pline l'Ancien (vers 23 après J.-C.) a déclaré: « Rerum natura nusquam magis quam in minimis tota est » traduit vaguement par «La nature est nulle part aussi grande que dans sa plus forme la plus petite». N'ayant aucun moyen de grossissement, il n'aurait pas pu voir la structure complexe et la beauté des guêpes ou d'autres organismes minuscules. Un cheveu mesure (en épaisseur) 100 microns. On a découvert au Costa Rica une guêpe mesurant 250 microns !  

La citation complète de Pline serait plutôt : « sed turrigeros elephantiorum miramur umeros taurorumque colla et trues en iactus sublime, rapinas tigrium, iubas leonum, cum rerum naturus nusquam magis quam en minimis tota sit. ... cum dans contemplatione naturae nihil possit videri supervacuum ».

"Nous admirons les épaules des éléphants portant des tourelles, et les taureaux qui jettent de côté tout ce qui leur barre le cou, le ravage provoqué par les tigres, la crinière des lions, mais la Nature n'est nulle part plus grande que dans ses plus petites créations" ...dans le monde naturel, rien n'est superflu. 

"Si quelque chose est physiquement possible dans les êtres vivants, certains individus d'au moins une espèce, éteinte ou existante, l'auront vraisemblablement atteinte, de sorte que la limite de taille inférieure, quelle que soit la taille choisie, a presque certainement déjà évolué - quelque part Si nous ne les avons pas encore trouvées, nous devons sûrement être près de découvrir les plus petits insectes et autres arthropodes »

Voici comme je l’ai fait précédemment avec d’autres livres anciens sur les papillons, quelques illustrations : grossies, elles sont d’un détail extraordinaire, mieux encore que les photos numériques :









Encore une citation latine, 

encore un témoignage d'admiration :





Admiranda tibi levium spectacula rerum

contemple avec émerveillement la plus petite créature (Virgile)



il est beaucoup plus facile qu'on le croit d'acheter de vieux bouquins !





promenez-vous sur internet !



(1) pour vous souvenir du bruissement spécial ...

... des ailes d'Apatura iris prenant son vol ... :


un vrai Viking amateur de Grand mars !


que cette selle sent bon le cuir !





... et rejoignant sa meuf :

ces photos sublimes viennent de :  http://www.danske-natur.dk/iris.htm    photographe Pav Johnsson