lundi 22 février 2016

Ahlam de Marc Trevidic

le juge romancier

Je précise, car le nom de Le Trevidic est répandu : le peintre rouennais par exemple, mais son prénom était Pierre. 1898-1960, la génération précédente. 

Notre Marc vient de passer chez Catherine Ceillac ce dimanche matin. C’est le célèbre juge anti-terroriste. Il faut parler au passé : il a été muté à Lille, même pas Président, mais seulement Vice-Président du TGI. Je connais bien la règle imposée par l’Administration-parisienne : pour ses membres (il faut en faire partie ce qui représente une très subtile sélection), elle invente des mobilités fonctionnelles extraordinaires, consistant à changer de Ministère sans abandonner Paris, (son logement situé sur une ligne de métro réputée), le Lycée-classé, puis les grandes Ecoles des enfants. 

Pour d’autres, la mobilité est géographique : on envoie le futur gradé de la Poste de Marseille à Lille (les Ch’tis nous prouvent que l’on ne perd pas forcément au change). Ou Le Trividic à Lille (apparemment il continue d’habiter Paris, et se rend à Lille, (où il doit avoir un studio ?), par le TGV. Je viens de vérifier : ce n’est pas un exploit de revenir tous les soirs : 1 heure 11 ! On appelle cela « célibataire géographique »). Je comprends qu’il dérange : déjà il est au top de sa profession. Il a compris les mécanismes du terrorisme et pourrait ainsi devenir super-efficace, donc dérangeant... ?  Il écrit des romans. Il joue de la guitare, chante Bashung, et fréquente un chanteur peu diffusé : Jean-Patrick Capdevielle. Et sans aucun complexe, il répond à Ceillac, quand elle lui demande ce qui l’intrigue encore dans notre société, -« qu’il aimerait bien être une petite souris pour savoir comment fonctionne à l’Elysée (dans la vie normale) le Président de la République » ! Il n’est pas prêt d’être renommé à Paris… ! Sauf dans deux ans … ? Qui peut savoir ?

Ahlam signifie éthymologiquement : « rêves ». Ahlam est un prénom de femme. Double personnalité : secrète, réservée, méfiante et prudente, elle ne se laisse pas aller facilement à ses émotions ou à ses sensations, préférant garder toujours la tête froide. Mais une autre facette marque son caractère : elle s’abandonne dans un second temps à  sa nature profonde, engageant des réalisations de grande envergure, touchant des enjeux plus larges : comme servir la Justice, ce que manifestement le Juge le Trividic assume avec une vocation sympathique.

La thématique du roman « Ahlam » est l'étude du basculement de jeunes intellectuels vers l’extrémisme, lors du printemps arabe en Tunisie, à Kerkennah, île où jusqu'alors les communautés vivaient en paix. Je vous montre en bas où c'est ! Il a choisi la fiction pour se poser la question : pourquoi un frère Issam et une sœur Ahlam élevés de la même façon, et atteignant l'âge adulte parfaitement instruits, peuvent-ils évoluer vers des voies complètement opposées ?

Il faut parler arabe pour comprendre l’astuce :  Ahlam (" حلم " rêves, rêver, espérances), prénom de la sœur,  se situe à mi-chemin entre halal (" حلال ", légitime, licite), et haram (" حرام ", illicite) par un subtil jeu de consonnes. Il va falloir se mettre sérieusement à l'Arabe !

Les filles étant plus intelligentes que les garçons, (là-bas aussi), Ahlam va choisir de s'émanciper tandis que Issam va se radicaliser.

Marc expose une opinion étonnante sur la religion musulmane et la beauté : nous avons tous appris que la religion musulmane interdit aux humains la reproduction de la Création, au motif (nous dit-on) qu’il ne faut pas se substituer au Créateur pour tenter de l’imiter, dans la notion même de Beauté. On en fait d’habitude une vertu de modestie et d’humilité, l’Homme est soumis à Dieu, et doit rester son humble serviteur.

D’après le Trividic, ce n’est pas cela : en réalité, c’est une forme de totalitarisme, visant à laisser l’Homme sous la main-mise du pouvoir religieux, en niant son individualité, donc sa créativité, et son pouvoir à changer le Monde. 

 Je vous disais que la quatrième devise de la République était la beauté

Ce n’est pas un simple gadget esthétique : mais l’affirmation de notre droit individuel

artiste reconnu, ou non, à créer la beauté

ce n'est pas une mince nuance...!



j'ai souhaité repérer, comme vous, l'archipel de Kerkennah