vendredi 5 septembre 2014

L’énigme Nymfius,


la villa romaine de Valentine,

un riche préfet (des Gaules) amoureux de 

Séréna ...

... (amoureuse de Nymfius), autrement dit :

les (riches) amoureux du Comminges… !

Je mets « préfet » parce que le terme porte aujourd’hui : on comprend qu’un Préfet sous les ordres du Ministre de l’Intérieur ait un palais de fonction ; reçoive. Il a sous son autorité des fonctionnaires (d’autorité) dont Police et Gendarmerie. Il peut convoquer les CRS pour prévenir les manifestations, commander les canadairs pour lutter contre les feux de forêts ; et la Préfecture contient une chambre avec un lit assez grand pour recevoir le Président de la République, quelle que soit sa taille, et une cuisine semblable à celle d’un Grand Hôtel pour faire déjeuner une petite escorte.

Valentine et la retenue EdF, sans compter  la voie ferrée, et le pont Eiffel, ni Fibre excellence qui fume à droite
la villa à l'amont, avec dessous Arnesp, basilique chrétienne, et le tombeau de Nymfius

Quand on voit la taille d’une villa romaine, pars urbana, le marbre par terre ; la décoration ; la piscine ; l’adduction d’eau ; les thermes chauffés au feu de bois, on imagine donc un palais préfectoral entouré de colonnes et d’un jardin de réception. Il y a quelque part une réserve de glace conservée tout l’été. Pour y faire rafraîchir les huîtres (ici elles viennent d’Arcachon par la malle poste parcourant jour et nuit les hipporoutes pavées romaines).

on se repère par la piscine semi-circulaire. Devant, l'entrée monumentale avec dans l'axe, le canal d'arrivée d'eau



















On imagine l’immense domesticité pour faire fonctionner la maison. Et la pars rustica, remplie d’ouvriers agricoles, qui font pousser les céréales dans la plaine de la Garonne. Avec une partie basse-cour pour les poulets et les œufs. Des vignes. Et des prairies pour les blondes d’Aquitaine. Sans omettre la partie équestre destinée aux transports des cavaliers et des chariots. Donc d’immenses écuries. Sans oublier une flotte d’eau douce destinée au cabotage sur le fleuve proche. Et tout un trafic incessant de colonnes de marbre pour créer de petits patios charmants pour Séréna et ses copines.


Cette description, c’est celle de la Villa de Valentine : nous sommes en 1920, et EdF, déjà, envisage de turbiner toutes les eaux gravitaires d’où qu’elles viennent, dans les Pyrénées en montagne mais également en plaine. Toute dérivation permettant de créer une chute est bonne à prendre, et un chantier s’ouvre à Valentine. Le lac est créé, une usine électrique édifiée. On tombe sur des fondations, une (nouvelle) villa romaine ! Notre instituteur Fouet fouille. Et trouve. Son descendant est Georges Lauret, ancien professeur d’histoire, et patiemment il nous fait visiter tout l’été.



la basilique toute proche, où a été trouvée la plaque

Il y a longtemps que depuis la chute de l’Empire romain les vandales se sont servis, ont squatté les lieux, et emmené peu à peu le marbre revêtant la piscine : à l’époque, les carriers savaient tirer de Saint-Béat des plaques pour créer des revêtements. Aujourd’hui, j’ai beau chercher la moindre plaque pour une inscription, il n’en existe plus, la carrière ne fabrique plus que du granulé. Les colonnes ont quasi toutes disparu, sauf les trois entières qui donnent un petit volume aux fondations. La ville (qui possède un rond-point) a décidé de l’orner de faux tuyaux de ciment posés verticalement, pour imiter les artisans anciens, mais l’allure n’est pas la même.



















Par contre, je vous ai montré à l’époque l’adduction d’eau : elle est quasi intacte, les sources préservées, et les canaux transformés pour l’irrigation des terres agricoles coulent toute l’année, seule manque la jonction vers l’entrée ! Si j’osais, je remettrais la dérivation, mais on n’aime pas chez nous que cela fonctionne trop, en effet la vérité historique serait écornée, puisque par exemple les routes modernes ont recouvert les anciens chemins pavés.

la piscine était couverte !

On n’a donc rien retrouvé de particulier sur place, du moins rien qui soit montrable au public, vous devinez que les entreprises chargées du chantier à l’époque ont mis de côté la Vénus pour autant qu’ils en aient trouvé une. Par contre, à proximité de la villa, on imagine le tombeau majestueux du propriétaire des lieux. Par miracle, son épouse a fait graver une immense plaque de marbre à la gloire du défunt, et nous pouvons la lire, intacte, (en réalité elle a servi d’autel pour la basilique créée plus tard ce qui l’a sauvée). Comme d’habitude, l’original a été transporté dans la capitale Tolosa, où elle est ensilée dans le noir des caves du Musée Saint-Raymond. Mais miracle, un double de plâtre a été conservé sur place !

Donc on peut lire l’inscription !


je devine votre envie de voir Séréna
mais ne garantis pas que ce soit elle
















C’est de là que l’imagination s’embrase, et que nait l’énigme de Nymfius, puisque le nom du Préfet est inscrit en toutes lettres. Je trouve le texte latin. La traduction officielle. La regardant de près, et fouillant dans mes souvenirs, je m’interroge sur certains termes. Je ne suis pas le seul d’ailleurs. Je tombe sur le mémoire de Jean-Marie Pailler, tellement inspiré qu’il transforme le texte en poème. On y trouve comme espéré le nom de Séréna, qui n’hésite pas à préciser son statut : « compagne de toujours d’un lit inséparable, tout entière à toi pendant huit lustres… ». 

Je vous rappelle au cas où vous auriez oublié, qu’un lustre égale cinq ans, et qu’il s’agit donc ici de quarante ans de mariage, (aujourd’hui les noces d’émeraude). Le Préfet à bien y regarder parait bien plus puissant encore qu’un simple Préfet : pour que le Sénat s’émeuve de son décès, sans doute a-t-il un statut supérieur encore ? C’est vraiment un grand, mais grand personnage !

Le patron des Convènes ?

Et l’énigme me direz-vous ? A part le fait qu’on rêve du couple uni pendant quarante ans, (on oublie un instant le livre de Valérie, aucun rapport), la vraie question est la religion des deux personnages.

Nous sommes au IVè siècle. Pailler parle de « lumière éternelle ». C’est bien gentil, et le texte dit  : « Comes anxia lucem aeternam sperans hanc cupit esse brevem». « ta compagne anxieuse espérant la lumière éternelle  désire que son attente soit brève ». On suppose..."avant de te rejoindre". Certes lucem c’est lux au génitif, effectivement la lumière, mais si cela désignait la vie éternelle, ça ressemblerait fort à des propos chrétiens ?



Vous me direz : 

« la laïcité n’avait pas encore été inventée… »

certes !










le modèle plâtre dans le dépôt de fouilles. Mais dessous c'est la vraie plaque à St Raymond


Pour vous exercer :

Nymfivs aeterno devinctvs membra sopore
hic sitvs est caelo mens pia perfrvitvr
mens videt astra qvies tvmvli complectitvr artvs
calcavit tristes sancta fides tenebras
te tva pro meritis virtvtis ad astra vehebat
intvleratqve alto debita fama polo
immortalis eris nam mvlta lavde vigebit
vivax ventvros gloria per popvlos
te colvit proprivm provincia cvncta parentem
optabant vitam pvblica vota tvam
excepere tvo qvondam data mvnera svmptv
plavdentis popvli gavdia per cvneos

concilivm procervm per te patria alma vocavit
seqve tvo dvxit sanctivs ore loqvi
pvblicvs orbatas modo lvctvs conficit vrbes
confvsiqve sedent anxia tvrba patres
vt capite erepto torpentia membra rigescvnt
vt grex amisso principe maret iners
parva tibi conivnx magni solacia lvctvs
hvnc tvmvli titvlvm maesta Serena dicat
haec individvi semper comes addita fvlcri
vnanima tibi se lvstra per octo dedit
dvlcis vita fvit tecvm comes anxia lvcem
aeternam sperans hanc cvpit esse brevem


Séréna devait plutôt ressembler à ce portrait, coiffe inclue
qui vient en réalité de la villa voisine de Chiragan

PS : j'ai survolé le sujet il y a trois ans, et vous mets le lien à cause de la photo de la source des Convènes, toujours visible à Labarthe Rivière, (qui possède de surcroît une pile funéraire romaine). Cette source coule comme autrefois, et alimente un réseau de canaux toujours fonctionnel.