J'avais oublié cette date : 13 février 389 ... avant Jésus-Christ.... il y a 2412 ans !
J'avais oublié qu'avant même la fin de l'Empire romain, 864 ans plus tard, les Gaulois avaient déjà conquis Rome !
Pire j'étais en pleine confusion, confondant Brennus avec l'anecdote du fameux bouclier... de Brennus !
Dissipons ce malentendu : Le bouclier de Brennus est la récompense décernée à l’équipe victorieuse du championnat de France de rugby à XV, le Top 14.
Il est également le trophée du Champion de France de longue paume, car un deuxième bouclier de Brennus a été créé, cette même année 1892, à l'initiative du baron Pierre de Coubertin, joueur de longue paume de la société de Paris. Contrairement à une opinion répandue, le nom de ce trophée n'a pas de rapport avec le chef gaulois Brennus qui s'illustra lors du sac de Rome en 390 av. J.-C.
Conçu d’après un dessin initial du baron Pierre de Coubertin, ce trophée doit son nom à son artiste créateur Charles Brennus, par ailleurs cofondateur de la fédération française de rugby. La trace du bouclier disparaît, pour réapparaître en 1912. Roger Lerou, capitaine du Racing, assure que Brennus en est bien l’auteur. Enfin, Géo Lefèvre, célèbre journaliste de l’époque, rapporte que Brennus lui-même en a confirmé la paternité.
Il s’agit d’un bouclier symbolique fixé sur une planche de
bois, que la fantaisie des différents détenteurs a façonné peu à peu. Ce
trophée est surnommé « le bout de bois » par les joueurs de rugby français.
Yannick Nyanga place du Capitole à Toulouse |
Grégory Lamboley |
revenons-en à Brennus, le vrai !
Le siège de Rome par les Gaulois intervient dans le contexte plus général de l’invasion de la péninsule italienne par les peuples celtes, dès le VIIe siècle avant Jésus-Christ selon l’historiographie antique.
Cette expansion résulte notamment de l’augmentation démographique en Gaule celtique, rendue possible par l’amélioration des techniques agricoles. Au début, les Celtes s’installent uniquement en Ligurie, correspondant aujourd’hui au Piémont et à la Lombardie. Selon le récit de Tite-Live les Bituriges, qui détiendraient alors un principatus (un pouvoir d’initiative à l’assemblée des Gaules notamment) sur la Gaule celtique fondent la ville de Milan à cette occasion.
Au début du IVe siècle avant Jésus-Christ, tout le nord de la péninsule italienne est occupé par les Celtes originaires de Gaule celtique. Ces derniers se tournent alors vers le sud de la péninsule et particulièrement les fertiles terres appartenant aux Etrusques. C’est dans ce contexte que les Arvernes, les Eduens et les Sénons s’allient autour de la figure charismatique d’un celte surnommé « Brennos » pour débuter la colonisation de l’Etrurie. Je précise que les Sénons sont les habitants à l'époque de ce qui aujourd'hui constitue les départements de l'Yonne et la Seine et Marne, la capitale étant Agendicum devenue la ville de Sens ! En Italie, c'est Senigallia signifiant : les "Sénons de la Gaule", qui devient la capitale des Gaulois en Italie !
Le surnom Brennos pourrait être une référence au dieu celte
de la guerre : Brennan.
le cuirassé Brennus lancé en 1891, détruit en 1922 |
Au cours de l’été 390 avant Jésus-Christ, Brennos et ses hommes débutent le siège de la ville étrusque de Clusium (aujourd’hui Chiusi en Toscane). Brennos cherche alors à négocier auprès des représentants de la ville l’octroi de terres où les Gaulois pourraient s’installer. Les Etrusques n’entendent pas accepter, mais pour tenter de gagner du temps ils demandent l’appui de Rome, alors une modeste cité inconnue tant des Celtes que d’une partie des Grecs. Mais pour les Romains, ces peuples celtes venus de l’autre côté des Alpes ne sont que des barbares qu’il convient de traiter avec mépris. Les négociations dégénèrent en affrontements, un noble gaulois est passé par le fil de l’épée par les Etrusques auxquels s’associent les ambassadeurs romains.
musée de Nancy : Evariste Vital Luminais 1870 |
C’était la limite à ne pas franchir pour les fiers Gaulois. Brennos lève le siège de Clusium et fonce avec ses hommes sur Rome pour demander réparation. Gaulois et Romains se retrouvent alors à une dizaine de kilomètres au nord de Rome, sur les rives de l’Allia. Le combat semble inéluctable.
Gustave Surand (1860-1937) |
La bataille d’Allia est un désastre pour l’armée romaine, qui est culbutée par une force deux fois supérieure en nombre.
François-Nicolas Chifflart 1863 |
C’est la panique du côté des Romains qui se réfugient à Rome.
Brennos, qui n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, prend alors possession de l’ensemblte de la cité et débute méticuleusement le pillage de la ville. Les derniers Romains qui n’ont pas fuit se réfugient au sommet du Capitole.... encore un souvenir d'Histoire : ... car les oies cacardent !
Henri-Paul Motte 1883 |
Henri-Paul Motte 1889 |
merci Liebig http://babone5go2.blogspot.com/2023/01/quand-liebig-montrait-les-papillons-du.html |
La ville est humiliée, elle avait été fondée il y a 364 ans (-753 av. J.-C.) et n’avait encore jamais subi pareil affront.
Brennos met alors le siège devant le Capitole, dernier symbole de la civilisation romaine, il durera sept mois. Un tribun militaire romain répondant du nom de Quintus Sulpicius Longus finira par traiter avec Brennos qui entend toujours obtenir réparation pour l’assassinat de l’un des siens à Clusium.
Les Celtes acceptent de se retirer contre paiement d’une somme de 1.000 livres d'or, soit 327,45 kg. Une balance est alors préparée sur une place de Rome le 13 février -389. Afin d'alourdir encore la rançon, les Gaulois y placent de faux poids.
Paul Lehugueur 1886 |
Devant les protestations des Romains qui s'aperçoivent de la supercherie (« De quel droit utilises-tu des poids truqués ? »), Brennos répond : « Du droit des vainqueurs ! »
Il jette alors son épée et son baudrier sur la balance en ajoutant -« Vae victis », « Malheur aux vaincus ! », apostrophe qui nous est rapportée par Tite-Live.
Cet événement du siège de Rome par les Gaulois ouvre la voie à un siècle de « Pax Gallica » dans la péninsule italienne. Il marque par ailleurs durablement les esprits dans le monde romain comme dans le monde grec. Une partie des Grecs découvrent à cette occasion l’existence de la ville de Rome qui leur était alors inconnue.
Les Gaulois dûment indemnisés quittent donc le Capitole en février -389 mais n’en ont pas fini avec Rome ni avec leur velléité de colonisation de la péninsule italienne. Une partie des Celtes remonte vers la Plaine du Pô y poursuivre la colonisation du nord de la péninsule. Une autre partie se dirige vers le sud où ils poursuivent le pillage des cités italiennes et se mettent à la solde de Denys de Syracuse. Les pillages gaulois du sud de l’Italie se poursuivront jusqu’en -361. Quant au Latium, le territoire supposé contrôlé par la modeste Rome, il sera régulièrement soumis à l’autorité gauloise, de -361 à -299.
Cent ans après le siège victorieux de Rome par Brennos, les Gaulois humilient une dernière fois les Romains lors du siège d’Arretium (Arrezzo) en -285. La civilisation gauloise est à son apogée dans la péninsule italienne, les Romains sont dominés par ce qu’ils surnomment le « tumultus gallicus ».
Paul Jamin peint alors "la part de butin" 1893 aujourd'hui à la Rochelle https://www.cairn.info/revue-parlements-2020-2-page-151.htm#:~:text=1Le%20tableau%20de,rarement%20ou%20trop%20rapidement%20comment%C3%A9. |
Deux mille ans avant la « furia francese », nos ancêtres les
Gaulois ont déjà une solide réputation au sein du monde antique.
Les Celtes reviendront en 475,
et ce sera la fin de Rome et de l'Empire romain !
PS : Pour aller plus loin : le remarquable ouvrage de Dominique
Briquel, « La prise de Rome par les Gaulois, lecture mythique d'un événement
historique », Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2008.