dès l'arrivée au parking, "le puits coule, mais déborde rive gauche" ! |
Michel N. m'a prévenu : ça coule moins qu'hier, mais ça coule encore ! |
Septembre 2022, journées du Patrimoine, grande nouvelle : la DRAC fouille le puits artésien romain, qui alimentait il y a 2045 ans Lugdunum convenarum, devenu Saint-Bertrand de Comminges. L'ouvrage est privé, jamais "inscrit" à quoi que ce soit en lien avec les Monuments Historiques, seuls le propriétaire, et les amateurs locaux le connaissent, et ont entrepris les ballades en campagne déserte, pour retrouver les restes pas si mal conservés, permettant de proclamer le slogan : -"dans chaque haie, un aqueduc", aqueducs invisibles puisque cachés dans les haies donc indétectables depuis tout avion et satellite. Je simule être l'incarnation du constructeur, et imagine me trouver sur le terrain deux mille ans en arrière :
http://babone5go2.blogspot.com/2022/09/journees-du-patrimoine-le-poudac-de.html
Notre puits artésien a un énorme défaut : les constructeurs de l'époque devaient être chiches, un peu primitifs, pourtant ils ont laissé sur place, au centre ville, un trophée en marbre fort joliment sculpté. Mais leur puits artésien n'était orné d'aucune fontaine un peu classique, aucune Vénus pour attiser l'oeil, aucune inscription ni signature, bref l'ouvrage est brut voire sommaire, la seule partie de marbre est sous terre donc invisible, je vous l'ai montrée conçue comme deux sarcophages enfouis bout à bout.
Mais pour les amateurs il a un énorme avantage : il fonctionne de temps en temps, comme il y a deux mille ans : il fonctionne quand il pleut trop, tellement que le système kartésien qui l'alimente déborde : dans ce cas, l'eau qui ne peut s'écouler à l'aval dans la source de Tibiran refoule dans une veine cachée sous terre, et remonte dans notre puits : celui-ci se met en charge, et tente de rejoindre son canal qui autrefois alimentait Lugdunum, à la fois les thermes de la ville basse, et les thermes Nord dont la piscine quasi intacte. Sauf que le canal... reste bouché ! Du coup, au lieu de couler droit... il déborde !
le niveau maximum le 17 janvier repéré par Michel N. atteint le milieu de la pierre sommitale |
lendemain 18 janvier, le niveau a baissé, mais dépasse la grille |
il suffit de repérer la pluviométrie, et avec la fonte de la neige tombée le 18 janvier au soir, on observera à nouveau le fonctionnement de la résurgence |
me vient immédiatement à l'esprit une
"Supplique pour remonter le mur rive gauche"
(évidemment je pense à Georges Brassens,
"supplique pour être enterré plage de Sète"
https://www.youtube.com/watch?v=meipXWeuEbM
aucun rapport avec notre Poudac, sauf le mot "supplique" !
"un canal romain n'a rien à voir avec un monument cultuel :
il est fait pour transporter de l'eau" !
Voilà, quand il fait sec et que le puits est vide, on conçoit mal que s'il coule, (mais va-t-il vraiment couler s'il pleut beaucoup, telle est l'interrogation en pleine sécheresse de septembre 2022 ?) il va devoir écouler l'eau en question à l'aval ! Un puits qui alimente un canal qui aboutit quelques mètres plus loin à un déversoir doit avoir une fonctionnalité telle que l'eau, sortie du puits, s'écoule dans un canal étanche. Puis déborde là où cela a été prévu ! Dans un déversoir ! On se rappelle qu'il n'y a pas de problème rive droite, puisque c'est la roche-mère, alors que rive gauche, un mur a été construit pour garder l'eau dedans. Pas de chance, ce mur déjà malmené par le temps et les vaches pendant 2000 ans a été quelque peu arasé pile poil à la sortie du puits, les matériaux d'origine précieusement conservés en tas, en archéologie, rien ne se perd !
Tout cela pour dire que l'eau qui sort lors de notre visite file selon le principe de la douve du tonneau la plus courte par le trou ainsi ouvert, pour "aller à la pente", où elle rejoint l'autre double sortie qui alimente le lavoir, et en parallèle le vieux moulin. Ca en fait de l'eau quand tout fonctionne en même temps : le puits qui file à la pente ; la source numéro 1 la plus visible, et la source numéro 2 qui sourd sous le rocher.
pour tout dire, je rêve d'Archéologie expérimentale (2)
voici les photos en couleur,
jamais une telle vue d'ensemble n'a été prise,
depuis toutes les observations partielles faites ces 20 dernières années !
sortie du poudac, l'eau sourd sous pression |
la rive gauche arasée, le flot se dirige anormalement en bas par une chute |
le bloc de pierres, c'est le morceau de berge arasée, elle a été recouverte d'une bâche protectrice |
ce tas de moellons est providentiel : il suffit de quelques bénévoles bâtisseurs, de fabriquer du béton romain étanche, et de tout remettre en place rive gauche, pour conforter le mur arasé |
le drone dans le canal bouché donc vide, mais la veille, il fallait des bottes à cet endroit |
la veille, le niveau d'eau supérieur donnait l'impression que l'eau progressait à l'aval |
paradoxe : à gauche le déversoir romain inacessible puisque le canal est bouché à droite, s'est créé un déversoir de remplacement, érodant la pente, un peu protégée par les arbres. |
heureusement, les arbres tiennent le talus |
sur place on a tendance à photographier cette cascade : en réalité c'est un débordement anormal de la rive gauche |
-"ça coule moins qu'hier mais plus que demain" ! |