Ce pourrait être la rubrique : "c'était moins bien avant !" Il suffit de retrouver les peintres des années 1900, et ils sont innombrables, pour voir comment ils peignaient le monde d'avant ! Si les costumes portés par les ruraux peuvent être beaux, comme les personnages sont tristes, comme les travaux des champs sont difficiles et éprouvants pour les femmes poussant leurs brouettes, comme les pêcheurs paraissent souffrir de froid et de la rudesse de leur métier !
Prenez au hasard August Hagborg (1852-1921), un Suédois à Paris
Je retrouve ce commentaire détaillé de Tanguy Le Roux
Durant la seconde moitié du XIXème siècle, Paris consolide fortement son statut de capitale artistique et culturelle de l’Europe, de nombreux artistes de tous les horizons viennent alors y tenter leur chance. Si certains échouent à entrer au Salon et à percer sur le marché de l’art français, d’autres atteignent le succès. Même des Suédois !
August Hagborg, un Suédois arrivé à Paris en 1875, est de ceux-là. Sa postérité constitue un cas d’école : courtisé par les marchands de son vivant, son souvenir s’est rapidement perdu après sa mort. Son installation quasi-définitive en France l’a laissé en marge de l’histoire de l’art suédois tandis que son statut d’étranger et sa non-participation aux avant-gardes l’ont exclu de l’histoire de l’art français. Cet oubli est à comparer à la célébrité d’autres scandinaves de cette période, aux styles plus novateurs et s’étant moins attardés à Paris : le Norvégien Edvard Munch (1863-1944) ou encore le Suédois Carl Larsson (1863-1919) qui fut son condisciple à l’Académie des Beaux-Arts de Stockholm.
son atelier à Paris 1900 |
August Hagborg né dans une fratrie nombreuse le 26 mai 1852 à Göteborg, sur la côte occidentale de la Suède. Il s’agit de la seconde ville la plus importante de Suède tant sur le plan démographique qu’économique. Il se tourne jeune vers la carrière des Beaux-Arts, semble-t-il contre l’avis de sa mère (son père est mort en 1860 alors qu’il avait 8 ans), et il réussit le concours d’entrée à l’Académie des Beaux-Arts de Stockholm à l’automne 1871. Il reste 3 ans à l’Académie qu’il quitte en 1874 avec les encouragements de ses professeurs. Très vite, en 1875, il part pour Paris, la capitale française est alors une destination prisée des artistes scandinaves qui y forment une véritable communauté artistique. Il expose à chaque Salon annuel dès 1876 et participe à la section suédoise de l’exposition universelle de Paris en 1878. De deux ans son cadet, son frère Otto Hagborg suit les pas de son aîné en choisissant les arts et le rejoint quelques temps à Paris avant de partir pour la Grande-Bretagne.
Ses premières années sont
marquées par son apprentissage académique et le goût artistique en vigueur à
Stockholm. Sa manière est très lisse et finie et il affectionne les sujets
orientaux ou néo-rococo. Ces tableaux sont particulièrement représentatifs de
la situation des arts en Suède durant cette période où l’art académique domine
fortement la scène artistique : les innovations réalistes – notamment de
Gustave Courbet, Jean-François Millet ou Jules Breton – ou l’impressionnisme
naissant ne sont encore que faiblement parvenus en Scandinavie. Son installation
en France le confronte à une effervescence et une diversité artistique
inconnues à Stockholm. La multiplicité des styles – impressionniste,
naturaliste, académique… -, le Salon annuel, la vitalité du marché de l’art
sont autant d’éléments nouveaux pour un artiste arrivant de Suède dans les
années 1870. Hagborg délaisse rapidement les sujets orientaux ou néo-rococo
pour adopter le naturalisme alors à la mode et porté par les succès de Jules
Bastien-Lepage.
C’est en 1879 que Hagborg atteint le succès, il acquiert du même coup une identité auprès du public français. Il présente au Salon cette année-là « Grande Marée dans la Manche », un tableau de grandes dimensions (3 m de large !) représentant une plage normande où, sous un ciel chargé de nuages menaçants, s’affairent une multitude de pêcheurs à pieds disséminés du premier plan à la ligne d’horizon (le tableau est conservé au Musée de Saint-Maur, à La Varenne Saint-Hilaire, en dépôt du Musée d’Orsay). L’œuvre lui rapporte une médaille de 3e classe et est achetée par l’État pour le Musée du Luxembourg, cet honneur est alors relativement exceptionnel pour un peintre étranger. Le succès auprès de l’administration des Beaux-Arts que constituent la médaille et l’achat se répercute largement auprès du public : l’œuvre est abondamment reproduite en gravures, en cartes postales éditées par le Musée du Luxembourg et l’image est même utilisée pour des cartes postales publicitaires : les produits dérivés datent de cette époque ! Hagborg devient alors pour le public le peintre des pêcheurs du littoral normand, il se conforme largement à cette perception durant la suite de sa carrière. Il est particulièrement remarquable qu’en 1879 un autre Suédois, Hugo Salmson, bénéficie d’une médaille et d’un achat pour le Musée du Luxembourg. La concomitance exceptionnelle de ces deux succès a contribué à révéler aux yeux du public français la présence, jusqu’ici discrète, de nombreux Suédois au Salon annuel. A ce propos voici trois toiles de Salmson :
"le voleur de pommes" |
pas de moissonneuses à l'époque ! |
simplicime : les femmes (en coiffe) poussent la brouette, avec un gosse dessus ! |
À partir de 1879 les commandes
affluent et la production de Hagborg devient particulièrement abondante. Sa
clientèle se compose de collectionneurs et marchands français mais aussi
suédois, américains, anglais ou allemands. Il se spécialise dans la
représentation de pêcheurs et semble se détourner définitivement des sujets
académiques de ses débuts. La compréhension de l’évolution de l’artiste est
rendue difficile par l’absence récurrente de date sur ses tableaux. Néanmoins,
au contraire de nombre d’artistes suédois établis à Paris au même moment, il ne
rejette pas totalement l’enseignement reçu à Stockholm. Bien que s’inscrivant
dans le courant naturaliste, qui privilégie les sujets du quotidien avec une
prédilection pour les scènes de la vie rurale, Hagborg réalise ses tableaux en
atelier. Il se rend régulièrement en Normandie, à Cayeux-sur-mer et Agon
notamment, et en Bretagne où il réalise des esquisses puis rentre à Paris où il
met au point et réalise ses compositions en faisant poser des modèles qu’il
habille en pêcheurs et auxquels il fait tenir divers accessoires. La
réalisation en atelier permet de comprendre le rendu particulier de nombre de
toiles de Hagborg : l’absence de sable sur les pieds nus de ses pêcheuses, la
délicatesse des visages féminins, les couleurs parfois vives voire acidulées des
vêtements, la simplification récurrente du fond sur lequel se détachent les
figures qui sont au contraire très travaillées. Pour ces multiples raisons
Hagborg a pu être qualifié de « finisseur » et de « pompier », il faut pourtant
mieux le placer dans le « juste-milieu », ces artistes s’inscrivant à la fin du
siècle entre l’académisme et les avant-gardes. La manière académique et la
réalisation en atelier de Hagborg sont en effet associées à des choix de sujets
qui dénotent un intérêt pour le réalisme. L’observation de ses ciels chargés de
nuages qui se confondent parfois avec la mer sur la ligne d’horizon permet
également de juger de son éloignement des règles de l’Académie.
ce ne sont pas les bisquines de Cancale, mais plutôt des caïques comme celles de Fécamp |
c'est une pêcheuse d'huitres, mais elle est Normande |
Les critiques d’art contemporains perçoivent cette subtilité. Dans la revue L’Artiste Charles Ponsonailhe, qui devient alors un ardent défenseur de l’art scandinave en France, décrit ainsi en 1885 un tableau de Hagborg intitulé "La Fille du pêcheur" : « Dans son absolue simplicité, sa grande et robuste fille de marinier, superbe en sa virile attitude, dépasse le type individuel, atteint le caractère, que dis-je ? Le style. Elle est en sus très excellemment peinte, j’admire la solide facture, la note heureusement trouvée dans son corsage vert. Mais je loue surtout la magistrale et puissante façon dont elle se détache sur l’horizon brumeux et triste de l’Océan du Nord. »
A côté des représentations de pêcheurs au travail qui constituent la majeure partie de sa production, Hagborg s’intéresse aux multiples événements qui rythment la vie des villages normands qu’il visite : Cimetière de Tourville (Musée des Beaux-Arts de Göteborg), Enterrement d’un marin dans un village de la Manche (Musée des Beaux-Arts de Rouen, voilà pourquoi je le joins), retour ou départ de navires de pêche, scènes de lavoir… Les tableaux de Hagborg correspondent aux goûts du public, la révolution industrielle et la vie urbaine sont à l’origine d’une certaine nostalgie de la campagne qui favorise les artistes naturalistes. Cela n'a pas changé ! Il reçoit également des commandes de portraits de la bourgeoisie parisienne ou de Stockholm. Rapidement Hagborg peut se loger dans un atelier particulièrement spacieux dont la photo subsiste ci-dessus, et témoigne du train de vie confortable de l’artiste.
1893. Musée des Beaux-Arts de Rouen |
A la fin de sa carrière, à partir des années 1900, on distingue un nouvel intérêt pour le paysage. Sans cesser ses portraits de pêcheurs aux horizons lointains il réalise plusieurs paysages teintés de symbolisme. Les arbres et les rochers prennent dans ces tableaux des couleurs très marquées et la lumière fait l’objet d’une attention particulière avec notamment des scènes de couchers de soleil et des éclairages à contre-jour. Ces tableaux ont pour sujet des atmosphères que l’artiste tente de faire ressentir au spectateur, il s’agit là de nouvelles préoccupations artistiques éloignées de celles qui l’ont conduit aux scènes de pêche du littoral normand dans les années 1870.
Après la médaille de 1879, la
reconnaissance de Hagborg par l’administration des Beaux-Arts se manifeste
encore à de multiples reprises : en 1889 il est membre du jury de peinture de
l’exposition universelle, lors de la scission du Salon annuel en 1890 il
devient sociétaire de la Société Nationale des Beaux-Arts (et le reste jusqu’en
1911), en 1893 il est fait chevalier de la Légion d’honneur, en 1894 il est
membre du jury de peinture du Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, en
1900 il est à nouveau membre du jury de peinture de l’exposition universelle et
en 1901 il est promu officier de la Légion d’honneur. Ces marques d’estime du
gouvernement et des institutions artistiques témoignent autant de la
reconnaissance du talent de Hagborg que de la qualité de son intégration dans
sa patrie d’adoption.
nombreux sont ceux qui râlent, et il m'arrive de ne pas être le dernier !
ma génération aura vécu la fin de la guerre, les trente glorieuses
l'avènement de la voiture pour tous, de la photocopieuse, de l'appareil photo
et du smartphone, sans oublier le vaccin ARNmessager
les caisses du pays sont vides, les propositions des candidats pour le prochain Quinquennat sont minuscules, et le réchauffement climatique compense l'augmentation des énergies fossiles ...
... mais on vit mieux que nos grand-parents :
c'était moins bien avant !
ce qui change aujourd'hui :
attendez, ce n'est pas terminé : demain mardi le livret A augmente pour la première fois depuis 11 ans
c'est bien mieux maintenant qu'avant !