Barbegal mill : the biggest of Roman mills !
Si l’on veut rayonner à l’international il faut s’adresser aux anglo-saxons que voulez-vous ! Vous savez que les romains étaient addictes à « panem et circences », le cirque on voit bien ce que c’était, mais le pain, c’était comme aujourd’hui une filière. Nous avons inventé la baguette beaucoup plus récemment, mais eux consommaient ce que nous appelons aujourd’hui du pain de campagne. Cela supposait déjà une chaine alimentaire partant de céréales : blé ; orge ; seigle ; épautre cultivés dans les champs, cela on peut comprendre facilement. Ensuite il fallait battre le blé pour séparer les grains, on peut imaginer également en se souvenant des aires d’autrefois, comme on trouvait en Espagne dans les années 50, en utilisant d’énormes planches en forme de traineaux, tirées par des ânes ou des chevaux, et dans lesquelles étaient plantés des silex, broyant la paille. Ensuite, on plaçait le produit obtenu dans des paniers qu’on faisait sauter au vent pour séparer la balle du grain.
Mais ensuite il fallait broyer le grain pour en extraire la farine, ce qui exige un moulin. Encore faut-il disposer de meules, et voici des meules romaines en basalte, provenant de Volvic bravo pour le transport ! Elles étaient mues à la main, ou mieux le mulet remplaçait l’esclave. Encore mieux, l’eau constituait la force motrice.
Le premier archéologue a avoir identifié ce qu’on pourrait nommer une « usine hydraulique » a été Fernand Benoit, décédé en 1969, nous même arrivant en Arles 7 ans plus tard en 1976. Le principe est basé sur la géographie du pays d’Arles : les Alpilles constituent l’impluvium recueillant les eaux de pluie. Des canaux gravitaires les recueillent au nord et au sud, et se rejoignent à Barbegal en deux files parallèles. De là une branche dite d'Arles continue à l’Ouest vers la Ville, franchisant les marais à Pont de Crau, qui porte justement ce nom à cause de l’aqueduc. On nommait Arles Arelate duplex car elle était « double » : la ville fluviale donnant sur le Rhône permettant l’accès au nord et à la mer grâce à son port le long des quais. La ville orientée vers l’Est, vers l’intérieur, accédant d’une part aux marais des Baux, ensuite au sud, c’est à dire à Fos, par les fosses mariennes, construites par Marius, encore des canaux dans les marais. L’aqueduc de l’époque était de grande hauteur, et ses fondations ont été réutilisées au XVIè siècle par Adam de Craponne pour faire passer son célèbre canal d’irrigation, dit Canal de Craponne. Rien à voir avec l’alimentation en eau potable, même si l’architecture est ma fois assez ressemblante. Ce canal alimente les prairies de Crau, par la technique des calans, et permet la production du célèbre foin de Crau.
A Barbegal, la falaise qui penche à 30° vers les marais des Baux avec un dénivelé d'exactement 18,6 m fait réfléchir les ingénieurs de l’époque : en haut ils disposent d’eau courante. En bas les marais qui n’avaient pas encore été asséchés permettent la navigation et le transport vers Arles. Merveilleux. Ils ont une idée : doubler le canal d’amenée d’eau potable par un canal industriel, qui fera tourner des roues de moulins. Mais pas une roue : des roues, 8 d’un côté, et 8 en parallèle ! Deux mètres dix de diamètre. Jean-Claude Golvin a reconstitué dans une aquarelle magistrale la construction décrite par Fernand Benoit, et vous découvrez 16 moulins à aubes en cascade.
Voici donc les deux aqueducs d’amenée, ils ont un peu vieilli depuis 2000 ans, mais pas terriblement depuis la dernière visite que je leur ai rendue en 1982 : 30 ans déjà ! Il ne reste des moulins que les fondations comme d’habitude, mais la brèche faisant passer le canal d’amenée à travers la barre montagneuse calcaire est saisissante : nous sommes à la saison de plantation du riz, et les rizières reconstituent le paysage romain de la Vallée des Baux : vous voyez même la villa (romaine) de la Mérindole intacte, témoignage de l’agriculture céréalière de l’époque !
deux rangées de 8 ? une rangée ? ce serait plutôt une avec 16 roues dites "en-dessus" , et un magnifique engrenage de bois sous les meules !
Dans ce pays béni, les moulins continuent leur office et nous sommes allés tout près au moulin de Bedarride : à l’époque, les romains d'Arles mangeaient du pain (12500 habitants font 4,5t/j), mais consommaient énormément d’huile d’olive avant de boire du vin et de terminer par des gâteaux de miel. Voici comment étaient concassées les olives, et les meules intactes du moulin de Jacques Bellon, fils d’Henri, propriétaire du moulin de Fontvielle, un moulin à vent celui-là…
meules de basalte au Musée d'Arles |
…mais comme aurait dit Alphonse Daudet, ceci est une autre histoire…
J’ai retrouvé le successeur à Pont de Crau du boulanger romain : il a une bien jolie Juvaquatre !
quand-même, on a drôlement progressé depuis 2000 ans :
on a inventé les pompes,
le moteur à explosion,
et la baguette parisienne !
on a inventé les pompes,
le moteur à explosion,
et la baguette parisienne !
PS : l'expression anglaise complète pour Barbegal (avec l'accent) est : "greatest known concentration of mechanical power in the ancient world" : la preuve dans : http://wn.com/Roman_watermill