mercredi 5 juin 2024

Trogonoptera brookania, le papillon national de Malaisie

Il y a cinquante-cinq ans, commençant ma collection de papillons, mes trente boites en noyer toujours avec moi, je m'étais fixé des limites : ne chercher que des individus européens susceptibles d'habiter dans les mêmes lieux que moi, et ne jamais acheter à des chasseurs du monde des exemplaires séchés, emmaillottés dans leurs papillottes, inconnus, dont j'ignorais le biotope, les métamorphoses, les plantes hôtes, bref, la vie.

C'était une erreur bien entendu que j'ai comprise grâce à Darwin et mieux Wallace, quand ils démontrent l'évolution : l'évolution a lieu en Europe même dans les endroits isolés : en mer les îles dont la Corse la première, la seule avec la Sardaigne à héberger Hospiton. A terre dans les vallées montagneuses, interdisant le voyage au-delà des cols de trop haute altitude. Et j'ai moi aussi cherché les raretés qui peuvent être des variations géographiques, intéressantes pour identifier ce qui change : telle couleur, telle forme. C'est ce que cherchent nos amis Espagnols qui disposant d'iles, et se situant plus au Sud, font ces recherches avec leur opération annuelle Mariposa del ano.(1). En montagne, l'Apollo des Pyurénées a des différences avec celui des Alpes. On prétend même, chauvinisme assumé, que l'Isabelle des Alpes est plus jolie que celle de Catalogne ! 

Il y a la longitude, et les voyageurs vont jouer sur cette différence en filant dans l'Himalaya rechercher les Apollons vraiment différents des nôtres puisqu'ils arborent des taches bleues. Il y a la latitude et plus on va se rapprocher de l'Equateur, plus la richesse de la faune va accentuer les chances de variations.... ou tout simplement d'espèces fixées mais qui ne trouvent que là-bas leurs plantes nourricières. 

Les Ornithoptères étant les plus grands et les plus fascinants des papillons de jour, c'est là que le spectacle peut-être vraiment représentatif de ce qu'est la biodiversité.

Trogonoptera brookiana ou Ornithoptère de Brooke est une espèce de lépidoptères (papillons) de la famille des Papilionidae et de la sous-famille des Papilioninae et du genre Trogonoptera. Elle est originaire d'Asie du Sud-Est insulaire.

Il a été décrit par le naturaliste Alfred Russel Wallace en 1855 sous le nom initial d’Ornithoptera brookiana.

Il a été nommé en l'honneur de James Brooke, le Rajah de Sarawak (1803-1868)

en Anglais cela donne Raja Brooke's Birdwing

portrait de James Brooke par Francis Grant, vers 1847.

Sir James Brooke, dit le Rajah de Sarawak, né le 29 avril 1803 à Bandel en Inde, et mort le 11 juin 1868 à Burrator (en) dans le Devon au Royaume-Uni, est un soldat et aventurier britannique, premier rajah blanc du royaume de Sarawak.

Il est né d'un père anglais, magistrat et administrateur de la Compagnie anglaise des Indes orientales et d'une mère écossaise. Quand il a 12 ans, ses parents l'envoient dans une grammar school en Angleterre. À 16 ans, il s'engage dans l'armée du Bengale. La première guerre anglo-birmane éclate en 1824. Le jeune Brooke lève un corps de cavalerie formé de volontaires qu'il mena au combat. Il connait son baptême du feu à Rungpore en janvier 18251. Il est blessé à sa première charge et rapatrié en Angleterre. En 1830, il repart pour Madras mais arrive trop tard pour rejoindre l'armée. Il essaie alors de se lancer dans le commerce en Extrême-Orient, sans succès.

En 1835, son père meurt, lui léguant 30 000 livres, avec lesquelles il achète un bateau. Il met le cap sur Bornéo le 27 juillet 1839 après un long périple jusqu'à Singapour. Après une première prise de contact avec les lieux et le souverain local, le Rajah Mudah Hassim, Brooke met le cap sur les Îles Célèbes et Singapour. Le retour à Bornéo se fait six mois plus tard. Il arrive à Kuching, la capitale locale, en plein soulèvement des Dayak contre le sultan du Brunei. Il offre ses services au sultan et parvient à un règlement pacifique de l'affaire. Le sultan lui confère le titre de rajah (vice-roi) de Sarawak en gage de reconnaissance pour son implication dans la résolution du conflit.

Devenu une véritable idole en Angleterre, James Brooke incarne alors l'idée que l'on se fait de la grandeur du pays. Brooke obtint ainsi plusieurs titres honorifiques. On le nomme citoyen d'honneur de Londres, il est promu consul général de Bornéo par le gouvernement britannique, il reçoit également le titre de docteur honoris causa de l'université d'Oxford ainsi que celui de la King Edward VI Grammar School de Norwich. Au lendemain de son voyage en Angleterre en 1847, James Brooke est élevé au rang de chevalier commandeur du très honorable ordre du Bain, un important titre britannique.

Brooke entreprend alors de réformer l'administration du territoire, promulgue des lois et lutte contre la piraterie, un problème persistant tout le long de son gouvernement. Brooke rentre temporairement en Angleterre en 1847, où on le nomme gouverneur et commandant en chef de Labuan et consul général britannique à Bornéo. En 1851, Brooke est l'objet d'accusations de malversations. Une commission royale d'enquête est nommée à Singapour, qui conclut à l'absence de preuves. Brooke gouverne le royaume de Sarawak jusqu'à sa mort en 1868. Son neveu, Charles Anthony Johnson Brooke, lui succède comme rajah.

James Brooke a servi de modèle pour Lord Jim de Joseph Conrad (1899-1900).

James Brooke apparaît dans l'œuvre de l'écrivain Emilio Salgari, qui fait de lui l'un des principaux adversaires de son héros Sandokan surnommé « le Tigre de la Malaisie ». Dans la série télévisée franco-germano-italienne Sandokan de 1976, inspirée des romans de Salgari, le rôle de James Brooke est interprété par l'acteur italien Adolfo Celi.

James Brooke inspire certains tomes (dont Le trésor du Rajah Blanc) de la bande dessinée franco-belge Théodore Poussin de Frank Le Gall (1987-2005).


Nos Trogonoptera d'aujourd'hui sont un genre de papillons à "ailes d'oiseaux" (dans le texte : birdwings) des forêts tropicales de la péninsule thaïlandaise-malaise, de Bornéo, de Natuna, de Sumatra, de Palawan et de diverses petites îles à l'ouest de Sumatra. Leur grande taille et leurs superbes couleurs les rendent très prisés des collectionneurs. Il existe au moins trois théories expliquant pourquoi ces papillons ont des marques si distinctives sur leurs ailes : 1/ les formes alternées de lances vertes et noires imitent des épines acérées ; -2/ les formes de lance verte imitent le motif de camouflage d'une feuille de fougère lorsque le papillon se repose ; -3/ en vol, les marques noires et vertes imitent celles des plumes vertes des perroquets en vol. 



Les trois espèces de perroquets "becs verts" de Bornéo se trouvent dans les mêmes habitats que l'oiseau de Rajah Brooke, présent dans les basses terres boisées jusqu'à 2.000 m d'altitude sur le mont Kinabalu . Un certain nombre d'observateurs ont noté que tous les papillons de Bornéo sont si grands qu'ils sont facilement confondus avec des oiseaux en vol. Il est peu probable qu’un oiseau chassant un insecte à manger attaque un "oiseau" qui serait son semblable. Si le motif des ailes du papillon imite les plumes du "bec large", il s'agirait d'un cas de mimétisme müllérien (3) car les deux espèces ont des ailes couvertes de motifs ressemblant à des épines. De plus, les oiseaux sont protégés grâce à leur grand bec ;  et le papillon est venimeux. Les couleurs bleues évoluées chez Trogonoptera brookiana depuis hecata et Trogonoptera trojana peuvent s'expliquer par la présence d' oiseaux bleus féeriques dans leur habitat.

Voici la version officielle, car moi qui crois à un grand bureau de dessin universel ayant précédé la Création pense que tout cela n'est pas fortuit, et n'est pas du uniquement à l'évolution décrite par notre cher Darwin : c'est plus compliqué que cela ! (2)

Les mâles ont la tête couverte de poils rouge vif, le corps noir avec des marques vertes, les ailes antérieures noires ornées d'une bande de sept marques vert-électrique en pointe aiguë vers le bord externe et les ailes postérieures noires à partie basale verte marquée de veines noires. Les revers est noir avec aux ailes antérieures uniquement un zigzag vert et aux ailes postérieures une bande submarginale blanche marquée d'une ligne de points noirs. Ils différent des mâles de Trogonoptera trojana par une plus grande surface verte aux ailes postérieures.

Monsieur

Monsieur poursuit Madame de ses assiduités



Les femelles ont les ailes de couleur marron aux nervures soulignées de blanc. Sur le dessus elles sont discrètement ornées de vert.

Les chenilles se régalent de plantes de la famille des aristoloches... retrouvant ainsi une ancienne communauté avec nos  Zerynthiae, qui sont aussi des papilionidae : le point commun reste la nourriture... toxique  !


pour les voir voler :

https://www.youtube.com/watch?v=A2f4nH95ua8



PS (1) : Mariposa del ano 2024 : https://babone5go2.blogspot.com/2024/03/mariposa-del-ano-2024-en-espana.html

PS (2) : https://mesamispapillons.blogspot.com/2011/01/dessine-moi-un-papillon.html

PS (3) : Le mimétisme müllérien est une forme de ressemblance biologique dans laquelle deux ou plusieurs espèces toxiques non apparentées ont des motifs et des couleurs d'avertissement similaires.