Quand titillé par Sotheby's je vous ai montré les merveilleuses peintures d'Orient de Jean-Léon Gerôme, et que j'ai poursuivi par le papillon qui tapait du pied, vous vous doutiez bien, (et moi aussi), que le simple fait d'évoquer la Reine de Saba, allait tout droit nous conduire ... au Harem !
voici le tableau entier de "la favorite", dont je ne vous avais montré que le détail du visage |
Franchement, le sujet me gêne. Comme me met mal à l'aise la fascination des artistes, se rendant en Orient dans les années précédant 1900, pour la manière machiste dont se conduisaient les Princes locaux, kidnappant (déjà) les femmes étrangères et autochtones, les confinant dans un harem clos, et les consommant à leur guise comme simple marchandise.
Ne croyez donc pas que je bade le moins du monde devant ces femmes dénudées, car quand elles sont déshabillées de force, cela me scandalise au plus profond de mon éducation égalitaire, et de la politesse et courtoisie inculquées par ma mère vis à vis des femmes : on les précède en montant l'escalier (pour ne pas entrevoir la moindre petite culotte), et on doit leur ouvrir la porte, surtout quand elle est montée sur ressorts et qu'on risque de se la prendre dans la figure, comme la branche relâchée par inadvertance de la forêt va gifler la personne derrière vous.
Non, ce que je vais vous montrer, c'est que l'on pouvait peindre cela, exposer dans les salons de peinture, écrire des poèmes, et que l'on ne s'y risque plus : tel était le cas de Tanoux, Henri Adrien, né le 18 octobre 1865 à Marseille
et mort le 29 juillet 1923 à Paris, vous voyez ainsi qu'il peint dans les années 1900, c'était encore pendant la Colonisation.
D’abord attiré par des scènes
populaires de faubourgs lointains, il expose, dès 1886, Judith montrant la
tête d’Holopherne au peuple juif au Salon de Paris, où il est par la suite
régulièrement représenté. Je ne vous le montre pas : impossible à trouver ! En 1889, il reçoit une mention honorable à
l’Exposition universelle.
Médaille d’or et hors concours du
Salon des artistes français, il est élu sociétaire de la Société des artistes
français en 1905. En 1895, ayant obtenu, au premier tour, 26 voix sur 38
votants pour son Revendeurs et revendeuses, le Conseil supérieur des Beaux-Arts
lui décerne l’une de ses quatre bourses de voyage : le voilà donc en
Orient : spécialités : paysage… et nu. Je devrais écrire au pluriel :
nus !
Le 21 novembre 1924, la galerie
Jean Charpentier du 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré à Paris ouvre une
rétrospective des œuvres d'Adrien Henri Tanoux. Cette exposition réunit, avec
de grandes toiles devenues populaires grâce à la carte postale, des petits nus,
dont la célèbre illustration du poème d’Alfred de Musset, la célèbre Namouna,
le vieux marchand d’esclaves présentant deux filles nues aux tons de peau
différents. Alfred de Musset s'en mêle en effet, évoquant dans son chant troisième, en alexandrins, "un jeune musulman, avec sa manie, d'acheter au bazar, deux esclaves par mois"... Nous sommes le 6 mai 1921, dans le Ménestrel, "journal de musique". Je vous renvoie au poème qu'il faut lire en entier si l'on veut tout comprendre ! (1)
Voici une variante du tableau ci-dessous, vous voyez qu'il n'y a rien d'érotiquement attirant dans la scène, sauf le malaise de voir une femme nue-prisonnière-innocente, jetée de force dans la prison de femmes appelée là-bas harem.
Cela recommence avec Namouna que voici, signé en haut à gauche....
...et bien considérée comme ... esclave avec son anneau doré à la cheville droite
et des oeuvres semblables, avec l'anneau doré, il y en a des tonnes :
comme il faut bien varier les titres, au lieu de dire "prisonnières" on va parler "d'odalisques"
le top du statut est quand l'esclave devient ... "favorite" ...
...laissant imaginer qu'il y aurait une espèce de consentement à la domination Maitre-esclave ! !
vous voyez la différence avec ces nus plus classiques ?
si la dame sort libre (et souriante) de son bain, on peut sans doute (?) davantage apprécier son anatomie dénudée (?)
chez Gerome pour y revenir, voici "le bain turc"
on peut espérer voir "la favorite" sortir (un peu) de l'emprisonnement ?
Commere lui, n'a pas besoin de la déshabiller
pour nous faire aimer la femme !
Tanoux non plus, avec son odalisque au tambourin
(à peine le haut est-il un peu déshabillé)
elles étaient vraiment confinées !
(j'espère qu'il s'agit bien du passé) ?
demain c'est le 1er avril ... drôle de poisson :
je vous parle de Bachelard :
comment penser, avec un cerveau réfléchi ?
PS (1) : on relit aujourd'hui le chant 3 de Musset avec un oeil différent, du moins j'espère !
PS (2) : certains blogs sont des mines d'informations sur l'esclavage des "favorites" :