Vous avez compris que j’aime l’Art Déco, et en cette période de voyages, je déroule devant vous le fil d’Ariane qui va nous mener de ci-de là voir de belles choses : pourquoi pas Belgrade ? Je mets le doigt sur un article de Libération du 27 sept 2013, peu importe la date, que voici :
« N’est-ce pas une idée
fantasque de visiter Belgrade pour ses trésors architecturaux Art déco? On
s’embarque plutôt en Serbie pour le festival de musique Exit ou celui des
trompettes de Guca, voire pour une croisière sur le Danube. La capitale
balkanique exhale encore le soufre des guerres ethniques des années 90.
Boegrad, qui signifie «ville blanche» depuis 878, n’est pas vraiment blanche,
encore grise du continuum de cinquante ans de socialisme titiste, représenté
par des bâtiments en béton, gris, austères.
« La ville est pourtant verte, avec un nombre
incroyable de jardins, dont le parc Kalemegdan. Dans cette métropole slave du
Sud de 1600000 habitants, on ressent encore ce qu’écrivaient Jean-Marie
Domenach et Alain Pontault en 1960: «Belgrade n’arrive pas à ressembler à une
capitale. Onze fois détruite ou gravement endommagée, elle a été rafistolée par
morceaux.»
« Depuis, d’autres strates
de dévastations se sont ajoutées. Après les bombardements en 1999 par l’Otan
sur la longue avenue Kneza Milosa, restent volontairement exhibées les
impressionnantes entrailles de l’ambassade de Chine et du ministère de la
Défense détruits. On a envie de fuir sur le Danube, d’aller y caboter sur les
traces de Claudio Magris, de son embouchure à son delta, au fil des écrivains,
Kafka, Musil et tant d’autres, qui en ont écrit les rives de la pensée. Mais
c’était sans compter sur un duo têtu venu mener une enquête, deux commissaires
français, spécialistes des arts appliqués des années 30: Emmanuel Bréon et
l’architecte Philippe Rivoirard. Ils préparent à Paris l’exposition: 1925,
quand l’Art déco séduit le monde. Et ils viennent chercher là des indices dans
différents domaines –bas-reliefs sculptés, céramiques, vitraux, fer forgé– mais
aussi dans les géométries ou l’aérodynamisme. Pour Emmanuel Bréon, «il y a eu
un rayonnement Art déco français dans le monde entier, comme une première
mondialisation de l’art, dans la foulée de l’Exposition internationale des Arts
décoratifs à Paris, en 1925. Particulièrement à Belgrade, où ce style y a pris
des formes locales».
La France entretient des Ambassades
dans les grands pays du monde, et celle de Belgrade est célébrissime :
Construite par l'architecte
Roger-Henri Expert entre 1928 et 1932, l'ambassade-résidence de France à
Belgrade (Serbie) constitue un véritable chef d’œuvre du style Art Déco. Le
sculpteur Sarrabezolles participa aux décors des façades et réalisa le groupe
des Trois Grâces restauré dans le cadre de l'opération. Soumis à de fortes
variations de température, le bâtiment a fait l'objet de travaux d'amélioration
énergétique et de restauration. Un diagnostic architectural et thermique a
permis de concilier performance énergétique et respect du patrimoine.
Louis XIV et Mariane sculptés par Sarrabezolles |
Je viens de citer deux noms,
Roger Henri Expert est architecte. Moi je le connais pour sa villa Thetys d’Arcachon, dont je vous parlais dans : http://babone5go2.blogspot.com/2013/09/villa-thetys.html. Ce genre de personnage est talentueux, et s'exprime dans tous les domaines, y compris la peinture quand il simule en aquarelle la décoration du paquebot Normandie :
le bureau de l'ambassadeur |
... et la coiffeuse de l'ambassadrice |
of course ! |
Quant à Charles, Marie, Louis, Joseph Sarrabezolles, dit Carlo Sarrabezolles, c’est un sculpteur, né le 27 décembre 1888 à Toulouse, et mort le 11 février 1971 à Paris : un sculpteur toulousain à Belgrade !
l'Egalité a deux tresses ... identiques ! |
les trois Grâces sur la terrasse, difficile d'avoir des photos de face ... |
la Liberté, l'Egalité et la Fraternité |
...sauf sur le site de l'entreprise SOCRA chargée de la restauration |
En 1926, Carlo Sarrabezolles
initie une nouvelle technique, la taille directe du béton frais, qu'on a aussi
appelée « sculpture à fresque », étant donné l'équivalence qu'elle peut avoir
avec cette technique picturale. Elle est appliquée la première fois pour le
campanile de l'église de Villemomble (Seine-Saint-Denis).
Du 20 août au 3 novembre 1926, Sarabezolles sculpte vingt
statues de personnages, quatre séraphins, les symboles des évangélistes et de
nombreuses inscriptions. Jusque-là, le ciment permettait de réaliser des
sculptures par moulage. Ici, il n'est plus question ni de moule, ni de maquette
: il faut tailler dans la masse du béton en prise, donc très rapidement, et par
assises successives, en partant du bas. Il s'agit là d'un travail
d'improvisation qui relève de la performance, ce qui explique qu'il ait fait
peu d'émules dans cette spécialité qui satisfaisait les maîtres d'œuvre, tant
pour son aspect économique qu'esthétique. La sculpture fait corps,
indissociablement, avec l'architecture. Il réalise de cette façon la façade et
le clocher de l'église Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus d'Élisabethville à
Aubergenville (Yvelines), les deux géants légendaires, Lydéric et Phinaert, qui
constituent le soubassement du nouveau beffroi de Lille, et d'autres
réalisations de ce type dans les années suivantes : la sculpture-clocher de
l'église Saint-Pierre d'Alfortville (1932, détruite en 1980), l'église
Notre-Dame-des-Missions d'Épinay-sur-Seine (1934, architecte Paul Tournon), la
décoration extérieure de l'église Saint-Louis de Marseille (1935, architecte
Jean Sourdeau).
Il est l'auteur du groupe "Les quatre Éléments" de l'aile
Passy du Palais de Chaillot à Paris. Son exigence de qualité est telle que, le
groupe en place, il en découpe une partie qui ne le satisfait pas, la refait et
la remet en place, le tout à ses frais. En 1935, son ami l'architecte Roger
Expert, chargé de l'aménagement du paquebot Normandie lui commande un bronze,
Le Génie de la mer, qui n'est finalement pas installé sur le paquebot.
En 1967, il restaure les figures sculptées par David
d'Angers au fronton du Panthéon de Paris.
Il n'a cessé de travailler, tant en France qu'à l'étranger
(parc de la propriété et bustes des Dupont de Nemours aux États-unis, ambassade
de France à Belgrade…), jusqu'à ce que la mort le surprenne dans son atelier de
la rue des Volontaires à Paris en 1971.
Pas loin d'ici, il a sculpté le monument aux morts de Martres Tolosane, et celui de Lectoure.
Auriez-vous jamais imaginé le lien entre Martres-Tolosanne
et...Belgrade ?