Tomas Yepes 1650 encore Machaon passant au-dessus de la mèche fumante |
de Jan Sanders van Hemessen
Jan Sanders van Hemessen, peintre
de sujets religieux, de scènes de genre et de portraits, né à Hemiksem vers
1500 et mort à Haarlem vers 1566, est un peintre flamand maniériste de la
Renaissance du Nord.
Avec Aertsen, Bueckelaer et Van
Reymerswale, il appartient à ce groupe de peintres anversois qui s'inspirent de
la réalité quotidienne. Par sa manière directe et par la plasticité de son
langage, il est considéré comme l'un des principaux précurseurs de Pieter
Brueghel l'Ancien.
Je vous avais déjà montré sa vanité au Palais des Beaux-Arts de Lille, peinte en
1535, mais ne vous l’avais pas détaillée comme maintenant :
L’ inscription autour
du miroir est une phrase-choc :
« Voici la rapine de toute chose ». « Ecce Rapinam Rerum Omnium. »
Précisée par la
banderole qui s’enroule autour du poignet de l’ange :
« Contemple la fin de la Force, de la Beauté, et de la Richesse ».
« Inspice Roboris Formae opumque finem »
Pourquoi ces ailes de Machaon ?
Cette iconographie unique reste
difficile à interpréter : les ailes font-elles référence à la fugacité, comme
c’est en général le cas pour les papillons dans les Vanités ? Mais un ange éphémère serait contre-intuitif .
Font-elle plutôt référence à
l‘immortalité de l’âme ? Je vous ai déjà raconté comment les Grecs utilisaient le même mot « Psyché », pour
désigner l’âme humaine et le papillon. Et la symbolique chrétienne avait
développé une métaphore en trois phases : la chenille, c’est la vie terrestre ;
la chrysalide, c’est le linceul ; et le papillon, c’est l’âme immortelle qui
rejoint le ciel.
Un panneau orphelin ?
Par analogie avec les autres
miroirs macabres, on a supposé que cette
oeuvre formait la partie gauche d’un diptyque, la partie droite étant le
portrait d’un personnage vivant, homme
ou femme, auquel l’ange montre son futur dans le miroir.
La difficulté étant que le reflet
présente sur sa gauche une fenêtre à meneaux : le personnage hypothétique se
trouvait donc dans une pièce assez obscure, le spectateur étant supposé se
situer lui aussi à l’intérieur de la pièce, entre le personnage et la fenêtre,
tandis que l’ange est à l’extérieur : ce qui rend la composition difficilement
concevable.
Par ailleurs, remarquons que les inscriptions ne comportent
aucun élément personnel. La première « la rapine de tout » est portée par
deux nus, homme et femme.
Et la formulation de
la seconde (« la fin de la Force, de la
Beauté, et de la Richesse ») semble choisie pour ratisser large : jeunes
hommes, jeunes femmes et personnes aisées.
Une explication plus simple est donc de considérer que ce
panneau :
-ne faisait pas partie d’un diptyque,
-avait été conçu pour le lieu précis qui est montré dans le
miroir (une chapelle funéraire ?),
-était accroché assez haut.
Ainsi, le visiteur de
la chapelle, quel qu’il soit, voyait en levant les yeux :
-en premier, une tête de mort surgissant du miroir ;
-juste derrière, un ange, équipé d’ailes de papillon qui semblent les
excroissances du crâne ;
-et encore derrière, trouant le mur par la fenêtre du
tableau , le ciel, les bois et une église lointaine.
Ainsi le spectateur pouvait-il,
médusé,
assister en 3D à l’envol de sa propre âme immortelle.
Aquid sund aliud, quum breve gaudium
y a-t-il autre chose qu'une joie brève ?
le billet qui dépasse du livre porte en Français : "mourir pour vivre"
contraste entre la mouche (la mort) et l'écaille martre, l'âme envolée