dimanche 26 juillet 2015

Ca va, le monde ?

 …avec Edgar Morin

Comme c’est triste, ce spectacle des éleveurs inquiets pour leur sort, qui tentent de défendre, avec leur boulot, notre mode de vie, le modèle français, fait de « savoir vivre et savoir manger »…..

Je trouve ces propos d’ Edgar Morin, inquiet de voir les hommes avancer « comme des somnambules vers la catastrophe ». Le philosophe se dit affligé par la pauvreté de la pensée contemporaine, mais affirme déceler sur la planète de multiples signes, certes atomisés, qui augurent de futures métamorphoses. Pour lui qui a traversé le XXe siècle, c’est dans « l’inespéré que réside l’espoir ». 

A condition de maintenir la résistance face à la « double barbarie du vichysme rampant et du néolibéralisme ».


évidemment, nos amis allemands vendent dans cet établissement davantage de porcs allemands
que bretons !

Edgar Morin, comment va notre monde ?

Il va de mal en pis. Les processus qui nous poussent vers des catastrophes – dont on ne peut prévoir ni la date ni l’ampleur, mais qui seront certainement interdépendantes – continuent. Je pense à la dégradation globale de la biosphère. Les Etats ne sont pas prêts à quitter à la fois ce qui constitue leur égoïsme et leurs intérêts légitimes. Je pense à la prolifération des armes nucléaires qui se poursuit, au recours à l’énergie nucléaire pacifique, dont aucun effort sensible, hormis quelques exemples locaux, comme en Allemagne (Le pays va abandonner totalement l’atome d’ici à 2022, ndlr), ne vise la réduction massive. Je pense, bien entendu, à l’économie, qui est non seulement dérégulée, mais saute de crise en crise. Ce système est dirigé par des économistes dominants qui représentent la doctrine officielle pseudo-scientifique et continuent de nous assurer que tout va bien. Je vois l’Europe toujours au bord de la décomposition, sans que l’élan nouveau d’une métamorphose ne se produise.

J’observe la domination insolente de la finance sur le monde qui dure, y compris à l’intérieur des partis politiques. Le poids de la dette que l’on fait peser sur nos têtes sans que l’on essaie de réfléchir pour voir si elle est remboursable et quelle est la part justifiée… Enfin, j’ajoute à cette crise économique et de civilisation ce paradoxe incroyable qui fait que l’on continue à apporter comme solution aux pays – qu’on appelle – en voie de développement ou en cours d’émergence, la solution du monde occidental, alors que notre civilisation elle-même est en crise. Notre civilisation malade, voyez-vous, se propose comme une médecine pour les autres ! Elle apporte avec elle la dégradation des solidarités.


Votre constat est très sombre…

Je ne vois pas, sinon dans l’inespéré, la lueur de l’espoir. Toutes ces conditions critiques provoquent des angoisses tout à fait compréhensibles, car il existe une perte d’espoir en l’avenir. La précarité grandit. Pas seulement chez les jeunes et les vieux, mais aussi au sein des classes moyennes qui se trouvent déclassées. La précarité de tous les êtres humains grandit au rythme de la dégradation de l’état de la planète. Et au fond cette précarité devient source d’angoisses qui elles-mêmes emportent vers des régressions politiques et psychologiques très graves.

Lesquelles ?

Nous en voyons les premiers symptômes avec l’émergence de ceux que l’on appelle sottement les « populistes » car on n’a pas trouvé le mot pour les qualifier. Ce sont des formes de recroquevillement sur des identités nationales ou raciales, avec des phénomènes de rejet. Regardez la France : les boucs émissaires y prolifèrent. Vous avez un fantasme d’invasion de migrants africains, maghrébins et roms. J’y vois personnellement un signe clair de la dégradation de l’esprit public. Regardez les manifestations contre le mariage pour tous. L’état d’esprit au moment de ce mouvement était tel qu’une grande partie de la population attachée à l’idée du mariage, au lieu d’y voir une extension de la sacralisation du mariage – puisque même les homosexuels en voulaient –, y ont vu une profanation !

Le recroquevillement a même été plus loin…

Les familles – elles-mêmes en crise depuis des années avec la fin de la grande famille, le fait que les vieux sont éjectés dans des asiles, que les couples se séparent – sont allées chercher de nouveaux fantasmes. Elles se sont jetées sur la rumeur de la disparition de l’enseignement du sexe humain. Tout cela est tout à fait malsain. D’autant plus que ces idées stupides se répandent au milieu d’un vide de la pensée politique, un vide de la pensée sociologique et historique.


Ce que vous appelez notre « somnambulisme » gagne donc du terrain.

Les signes inquiétants se multiplient et s’aggravent. Pendant ce temps, on agite nos gris-gris de la compétitivité et de la croissance. Nous sommes enfermés dans des calculs qui masquent les réalités humaines. On ne voit plus les souffrances, les peurs, les désespoirs des femmes, des hommes, des jeunes, des vieux. Or, le calcul est l’ennemi de la complexité, car il élimine les facteurs humains qu’il ne peut comprendre.

Nous sommes devenus aveugles. Pourquoi ?

On nous a enseigné à séparer les choses et les disciplines. Nos connaissances sont compartimentées. S’il y a toujours eu des phénomènes complexes, cette complexité s’est accrue avec la mondialisation. Résultat, notre pensée s’avère de plus en plus incapable de traiter les problèmes à la fois dans leur globalité et dans les rapports de cette globalité avec les parties. Pour s’en sortir, il nous reste les rapports d’experts, qui sont eux-mêmes des rapports de spécialistes… Et, comme l’on souffre d’une absence de pensée, on arrive à se convaincre que l’on va trouver des éléments d’information à l’intérieur de tableaux remplis de chiffres.

Or, plus on a recours aux chiffres pour comprendre la réalité humaine, moins on la comprend, parce que les chiffres ne nous parlent ni des souffrances, ni des humiliations, ni des malheurs, ni de l’essentiel : la solidarité, l’amitié, l’amour.

Je viens d’entendre sur Europe Frédéric Mazella, le fondateur de blablacar : il s’exprime en américain, le langage, après tout, de ceux qui créent, et croient en demain.

Là-bas, l’échec fait partie de la vie, à condition qu’on sache le dépasser. Car après tout on n’existe que par les épreuves surmontées :

fail ; learn ; success

échouons. Apprenons de nos échecs. Surmontons, dépassons

ce sera la réussite


ne serait-ce que sur nous-même !

ils s'appellent Frédéric et Sébastien

ils répandent avec la meilleure bonne foi du monde des produits cancérigènes

au motif de carboniser trois herbes sauvages sur le trottoir

ignorent-ils que les pesticides ainsi rejetés rejoignent les nappes phréatiques

et compromettent la qualité de l'eau qu'ils boivent ?



salle des bijoux du Louvre

en 1822, Jean-Baptiste Mauzaisse a peint ce plafond :

"le Temps montrant la ruine qu'il amène et les chefs-d'oeuvre  qu'il laisse 
ensuite à découvrir"