lundi 29 juillet 2019

Fontaine les quatre vallées, à Tarbes


Je retourne à Tarbes, après la visite du jardin Massey : Tarbes est une ville d'art ! (1)

C'est par son legs que Madame Félicité Duvignau a voulu l'édification de deux fontaines sur la place Marcadieu. Des fontaines qui portent naturellement son nom. Une fontaine à chaque extrémité comme nous pouvons encore les voir aujourd'hui. La première, la fontaine des quatre vallées ; la seconde, la source de l’amour … tout un programme ! Dans les deux cas, des statues magnifiques, des jeunes femmes inaccessibles ... surtout la première juchée à 14 m de haut, une statuaire classique, je vais vous convaincre j’espère, d'aller les contempler !

Je commence par la principale,

car elle nous décrit tout ce qui représente les Pyrénées centrales

Comme telle, elle devient un élément central de ma recherche sur les "surprenantes Pyrénées centrales".
Fonte ou marbre ?

les deux !



Telle est la question préalable en 1892, année où le maire Lupau (qui laissa son nom à une petite rue du quartier du Figarole) et pharmacien tarbais propose de lancer un concours :  trois sculpteurs bigourdans (Desca, Escoula et Mathet) sont consultés. Ils exposent une maquette en mars 1892. Le succès est tel que Monsieur Lupau est réélu maire pour la quatrième fois… grâce à une fontaine monumentale !

Le 15 décembre 1892, un accord est signé entre la commune et les trois sculpteurs. La direction des travaux est confiée à l'architecte Louis Caddau qui dit-on, l'assure gratuitement.



La fontaine s'élève sur la place du marché de Tarbes, Place du Marcadieu, à l'est de la halle métallique, sur un emmarchement de granit. Elle se tient sur un soubassement de marbre gris clair, de plan carré, aux angles tréflés, animé de légères courbes.

Sa composition très pyramidale doit se lire du haut vers le bas : elle évoque en effet le thème des sources pyrénéennes qui donnent naissance aux nestes et torrents pour irriguer les principales vallées ouvrant sur la plaine de Tarbes.







lors du démontage en 2006



Au sommet se tient le groupe sculpté, en bronze, de l'Aurore surprise par un izard bondissant, oeuvre d'Edmond Desca. Jean Escoula, (qui j'imagine dispose d'une modèle appropriée ?) représente Aurore en jeune nymphe s'apprêtant, dans l'élan de la marche, à jeter des fleurs autour d'elle. C'est le thème classique de Diane avec son lévrier, transposé en Bigourdane avec l'Isard. Les trois sculpteurs devaient bien s'entendre, avec la coordination active de Caddau, pour entremêler ainsi leurs oeuvres !




l'Adour protégeant l'Echez, on comprend, quelles belles formes !

Ce premier groupe est porté par une pyramide rocheuse en pierre calcaire dite d'Euville où s'agrippent putti et figures d'hommes et de femmes nus, symbolisant les torrents (Nestes et Gaves) descendant des montagnes de Bigorre vers les vallées. Ils se disputent avec violence la faveur de se déverser dans les directions souhaitées l'eau jaillissant de lourdes jarres. Il y en a six, tous représentés par des personnages. Il y a l’Adour fleuve vigoureux qui prend sous sa protection la belle femme à gauche représentant l’Echez. La Neste quitte l’Arros, représenté par un jeune homme musclé qui cherche à l'attirer vers l'Adour. Le visage du Bastan exprime l'effort. Le Gave qui roule aveuglément au hasard de ses caprices, clame sa plainte.

Il faut croire que dans une légende pyrénéenne la Neste était la compagne de l’Arros, ce qui explique la présence des trois bébés autour d’eux. Mais la vie est souvent injuste envers ceux qui s’aiment… Ici l’Arros regarde avec impuissance sa bien-aimée partir se jeter dans la Garonne, lui se dirigeant inexorablement vers l’Adour. C’est bien triste ! Le Bastan quant à lui s’accroche fermement à ses rochers, il faut dire qu’il sort des flancs du Pic du Midi !

Le groupe des torrents est l'œuvre d’Edmond Desca. Il reçut la médaille d’or à l’exposition universelle de 1900. Le plâtre serait exposé au musée de Bagnères, il faut que je retourne le voir !


Sous ce deuxième groupe sculpté, se succèdent deux bassins circulaires en marbre gris, au diamètre croissant, reliés par une pile rocheuse. Le premier bassin, ourlé de concrétions, réceptionne l'eau jaillie des jarres et la redistribue en laissant tomber son trop-plein dans le bassin inférieur. Sur les faces de la pile centrale, la roche sombre ménage des cavités où Edmond Desca, toujours lui a placé, en bronze, les animaux sauvages symboles des montagnes : l'aigle, l'ours, le loup. Le bassin inférieur, d'un diamètre nettement supérieur, est ourlé d'une margelle en forme d'épais boudin d'où retombent de lourdes concrétions en festons.







Aux quatre points cardinaux figurent quatre groupes sculptés sur des piédestaux carrés de marbre gris ornés de concrétions retombantes, comme sur le deuxième bassin. Ils symbolisent la plaine de Tarbes et les trois grandes vallées (Bagnères, Aure et Argelès) se reposant au pied de la montagne, représentées sous la forme de jeunes nymphes accompagnées de leurs attributs respectifs : Bagnères avec la lyre des chanteurs montagnards et un patou à ses côtés ; Aure avec l'agneau et la vache de trait de la vie agricole. Argelès avec le bouquetin des altitudes ; et Tarbes avec le cheval  arabe, le canon et les armoiries.





La volonté dramatisante de la composition générale exprime un contraste entre la nature sauvage des parties hautes et la nature contrôlée et apaisée des parties basses. Ce contraste est également souligné par l'effet de polychromie entre les marbres, gris clair et gris foncé, le bronze (aujourd'hui vert) et l'ivoire de la pierre calcaire

Les trois artistes sont des pointures : Louis Mathet, né à Tarbes, le 20 novembre 1853, est l'auteur de  "Hésitation", "Oréade"..."Jeune fille à la source", ..."l'Inondation" » érigée sur la place de la Courte-Boule.

Jean Escoula, né à Bagnères-de-Bigorre, le 27 octobre 1851, élève de Carpeaux, a sculpté "le Sommeil", "Le Bâton de vieillesse" couronné à Paris, en 1882, "Le Bûcheron des Pyrénées", notre "Aurore", " Les jeunes baigneuses", "La Nymphe des sources", "Chloé endormie"..."La Muse Bagnéraise" que je vais saluer chaque mois sur place, et bien d'autres encore.  Il est médaillé d'or pour l'ensemble de son œuvre aux expositions de 1889 et 1890 et promu officier de la Légion d'Honneur, en 1910.

Edmond Desca, né à Vic-Bigorre, le 16 novembre 1855, est l'auteur de "L'Aigle", "Paix et fécondité" "L'Ouragan" couronné à Paris, en 1883 et que je vous ai montré dans le jardin Massey, "1792" représentant le conventionnel Danton fustigeant un ennemi de la République, installé sur la place de la mairie de Tarbes, "Revanche" et "La lutte pour la Vie" à Vic-Bigorre, "Salut noble Béarn", à Pau, "Jean de La Fontaine", " L'Immortelle" pour ne citer que les œuvres les plus significatives.

Ouf !

j'espère que vous verrez la fontaine des quatre vallées autrement !

maintenant vous reconnaissez Tarbes !