jeudi 22 octobre 2020

Les grues cendrées migrent vers l'Espagne

Vous croyiez que les grues cendrées étaient exclusivement japonaises ? Vous les confondiez avec des grues couronnées ... ou des cigognes ? Vous n’imaginiez pas la nature foisonnante en Champagne-Ardenne ? Détrompez-vous : cette région abrite le lac du Der, qui est devenu la halte incontournable des grues cendrées d’Europe, retrouvant là leurs forces, pour poursuivre leur vol vers le Sud, vers l’Espagne du Sud, vers la lagune de la Janda. Je reprends avec sa permission les commentaires du blog de Kasimir, je cite entre guillemets : « Les grues cendrées ! Quels magnifiques oiseaux ! Depuis plusieurs années je les voyais passer et repasser, mais je les prenais pour des oies !






« Leur nom latin est plaisant : Grus Grus !!!! Il rappelle un peu leur cri, qui est souvent transcrit ainsi :

KRRROU  KRRROU !!

"Ce cri, si caractéristique, emplit le ciel  lors de leur migration. Il s'entend à des distances incroyables. Sa puissance serait due au fait que le sternum de cet oiseau est creux, que sa trachée y fait un petit détour, ce qui fait jouer à ce sternum le rôle d'une caisse de résonance.

La nature est vraiment étonnante.

"Mais quand passent les grues, on entend très distinctement deux types de cris, un krou krou grave, et à côté un cri bien plus aigu. Ces petits cris, un peu plaintifs, sont poussés par les jeunes, âgés d'un an, qui suivent encore leur parents : il faut bien qu'ils apprennent le chemin du retour. Ensuite ils seront fermement incités à quitter le couple parental, qui est un couple stable.

"Il existe dans le monde 15 espèces de grues, mais la "cendrée" est, avec la "grue du Canada" la plus nombreuse. Je vais préciser quelques chiffres quant à leur population car j'avais entendu, et transmis, quelques chiffres fantaisistes qu'il faut absolument oublier !!!!!

Où se reproduisent les grues cendrées ? (Celles que nous voyons passer en Europe )

"En Allemagne (au nord de l'Allemagne), en Pologne, en Sibérie, en Scandinavie( Suède, Finlande) dans les pays baltes. et ce, pendant l'été.

"A l'approche de l'hiver, elles repartent vers le sud : péninsule ibérique, Afrique du Nord. Elles ne font donc que transiter chez nous. Sauf quelques couples qui semblent maintenant rester en France, aux Pays bas, en République Tchèque.

"On estime les effectifs mondiaux des grues cendrées à 400.000. En fait l'espèce avait beaucoup régressé, mais depuis une trentaine d'années, la population ouest européenne a été multipliée par 4, et ce en partie grâce au lac du Der.

"De tout temps les grues ont survolé la Champagne, mais les haltes migratoires étaient diffuses et brèves, et ne rassemblaient au mieux que quelques centaines d'oiseaux. Depuis la création du lac du Der, la quasi totalité des oiseaux s'y arrêtent. C'est lors de la descente en automne que les grues sont les plus nombreuses : jusqu'à 120.0000 certaines années.

"Oui, il faut rappeler que le lac est avant tout un réservoir conçu (et inauguré en 1974, après 10 ans de travaux gigantesques), pour réguler les niveaux d'eau de la Marne qui alimente la Seine. Indispensable pour éviter les crues et nourrir les cours d'eau en période d'étiage, le Lac du Der vous offre au fil des saisons des paysages à couper le souffle. Avec près de 50 Km2, c’est le plus grand lac artificiel d’Europe.

La carte que voici montre les couloirs migratoires

"Celui qui passe en Italie conduit les oiseaux jusqu'en Tunisie puis en Algérie. D'autres couloirs plus orientaux les emmènent en Turquie. Celui qui traverse la France passe d'abord par la Hesse, puis entre en France par la Lorraine, gagne la région Champagne-Ardenne. ( le lac du Der joue maintenant un rôle clé) et enfin parvient en Aquitaine. Ce couloir est large de 80 à 100 km. La vitesse de leur vol varie de 40 à 70 km/H en fonction de régime des vents. Les grues peuvent voler 30 heures sans s'arrêter. Le vol a lieu de jour comme de nuit, à une altitude comprise entre 200 m et 1000 m, parfois plus bas de nuit. Les oiseaux peuvent très bien ne pas s'arrêter en France et gagner directement l'Espagne. Certains descendent jusqu'au Maroc.

Mais pour le plaisir ils s'arrêtent maintenant au Der !


l'étape ultime la Janda sur l'Atlantique Sud

à défaut de s'y rendre en avion, j'ai simulé les 2000Km à vélo, les grues vont trois fois plus vite !


"Ce sont des touristes intelligents qui savent jouir des beaux sites. Ils peuvent rester là quelques jours, voire plusieurs semaines. Ils se nourrissent du maïs qui reste dans les champs. Ils cherchent aussi dans les herbages des vers de terre, des insectes, et des petits rongeurs. Et si le couvert est mis, pourquoi ne pas rester ? Il semble que de plus en plus de couples décident d'hiverner sur place.

"On estime par exemple à 68.000  le nombre des grues qui sont restées en France en janvier 2001, alors que la population ouest européenne est évaluée à 160.000 individus.

"La migration se fait en 2 ou parfois 3 vagues principales. Le premier départ important se situe  durant la deuxième semaine d'octobre. La seconde vague, souvent plus importante (86.000 oiseaux en l'an 2000) se produit 2 à 3 semaines plus tard. Et parfois une troisième vague se produit. Cela semble en rapport avec de brusques chutes de température, et aussi au régime des vents, un vent d'Est à Nord-Est favorisant un départ massif

Si les grues ont un comportement grégaire pour effectuer leur migration, elles deviennent très "territoriales" une fois parvenues à destination, les couples ayant tendance à s'isoler les uns des autres lors de la nidification.

"Dès la mi-janvier, la migration reprend dans l'autre sens. Elle se fait par les mêmes couloirs.

Les grues cendrées me font réfléchir

et si c’est elles qui avaient raison ?

qu’attend-on vraiment, nous aussi

pour filer comme elles vers le Sud ?


PS : faire le pied de grue ?

La grue est un échassier (un de ces animaux au long bec emmanché d'un long cou, comme disait La Fontaine), mais aussi disposant de deux longues et fines pattes dont l'une semble parfois inutile, tant ces oiseaux peuvent passer un long moment perchés sur une seule d'entre elles, y compris en dormant.

Un peu comme nos « grues » des trottoirs, surnom qu'on donne depuis 1415 à ces dames faisant commerce de leurs charmes et qui attendent le client, adossées à un mur, un pied au sol (au moins un, c'est préférable !) et l'autre appuyé au mur, les faisant ainsi ressembler à nos gruidés des marais.

Mais si les prostituées s'appellent ainsi, ce n'est pas vraiment à cause de leur éventuelle position sur une jambe, mais surtout parce qu'elle font le pied de grue sur le trottoir.

Faire le pied de grue se disait au XVIe siècle "faire la grue" et au XVIIe "faire la jambe de grue", alors que le verbe "gruer" voulait aussi dire attendre.

Bien entendu, toutes ces formes ont pour origine notre échassier capable de rester longtemps debout à attendre on se sait quoi ou à dormir.