jeudi 15 octobre 2020

Clémentines d'or de Corse

 Michel Tournier : vous vous souvenez ? J'arrive à Bastia en mars 1985, détail, nous sommes en plein milieu de l'année scolaire, et les deux fils devront changer de Lycée, l'année du BAC... et de moyen de transport, on appelle cela "la mobilité individuelle". Les trottinettes électriques n'existent pas encore, sur le continent, les lycéens se transportent en mobylettes. A Bastia, les garçons disposent d'une Porche, et peuvent ainsi transporter leur passagère habillée de cuir à l'abri des intempéries. Les garçons solitaires circulent sur une moto dite Ténéré, à l'époque c'est la mode du Paris-Dakar, les petites amies grimpent derrière et enlacent leur preux chevalier. Alors vous devinez, des continentaux arrivant en mobylette ! la honte ! Quelques jours après, les mobylettes disparaissent dans un ravin, mieux vaut arriver à pied que sur un engin aussi dérisoire ! 

Dans le bureau, dans les bureaux plutôt de la DDA de Haute-Corse à Bastia, un tas de dossiers empilés en désordre : le plan agrumicole local vient d'être financé par l'Europe, l'ile de Corse étant le seul territoire hexagonal en retard de développement, qui justifie d'aides semblables à celles dispensées en Espagne et Italie sans oublier la Grèce, régions dites de catégorie I dont il faut rattraper le retard de développement. Quand les rapatriés sont arrivés en 1962 et ont voulu relancer la production d'agrumes notamment les clémentines, ils se sont fait déborder par les viroses ; et leurs clémentines sont trop disparates et de calibre trop petit; Il faut une immense transformation, l'idée étant de dé-viroser les plants en les greffant de plants sains, tout cela avec l'appui de l'INRA, propriétaire de la station de San Giuliano, le Paradis terrestre des agrumes et le jardin d'Eden retrouvé, je parle pour les connaisseurs qui ont pu visiter les plantations d'avocats et autre conservatoire des pomélos et citrons spéciaux. J'ai sur place un ami François Vallerand INA63 qui tente, lui de doper l'élevage extensif bovin ... une pensée pour lui !

en 1985, voici la Mairie, en haut le bureau du Maire Jean-Jean Zuccarelli, moquette bleue du sol au plafond. La DDA qui a déménagé depuis est au 2è étage, donc protégée de toute explosion, qui risquerait des dégâts collatéraux à l'étage au-dessus (mais pas des occupations)


j'émaille mont propos de preuves à l'appui prouvant que tout est vrai



Il faudra un an pour dossier par dossier, les remettre en ordre, et monter une mécanique complexe qui inclut l'arrachage avec preuves à l'appui. La compensation de l'absence de revenu pendant la replantation. L'observation des premières récoltes et tutti quanti c'est l'occasion de le dire ! Un travail d'Hercule s'il en est, avec contrôles de l'Europe, que vous pouvez deviner suspicieuse de ce qui pourrait se passer si l'Administration locale n'était pas minutieuse, attentive, rigoureuse ... etc... Elle l'est, composée à dessein de cadres continentaux-(certes-volatils) pour éviter tout ... conflit d'intérêt !

Chaque récolte des clémentines, vous savez qu'elle a lieu l'automne et l'hiver, est l'occasion d'une crise puisque par définition dans une ile, il faut sortir de l'ile. Cela implique des bateaux, donc le bon vouloir des dockers, qui usent de l'occasion pour faire grève et solliciter (respectueusement) des compensations financières, en horaires, RTT ; congés ; etc... Donc Bastia est bloqué avec les clémentines sur les bateaux, et le bras de fer va monter en puissance : -"tu fais ce que je veux sinon je fais pourrir les clémentines" ! La plupart du temps, les clémentines arrivent à bon port chez le consommateur continental final, car les Corses ne réussissent pas à épuiser eux-mêmes leur verger de la plaine orientale, et l'administration met largement de l'huile dans les rouages : l'huile dans les rouages s'appelle la continuité-territoriale, qui consiste à simuler (financièrement) l'existence d'une Corse fictive accolée à la côte marseillaise, et à payer (financièrement) le transport, que ce soit des agrumes ou/et du vin, gommant ainsi le "handicap de l'insularité" (je me souviens par coeur de cette langue de bois) !

je me trouve au milieu

cette photo a 30 ans, il ne faut pas s'offusquer que les journalistes confondent oranges et clémentines. Oui, les agriculteurs eux aussi peuvent être en colère de voir les clémentines pourrir en vrac !

J'ai raté un épisode ! Vous savez que les clémentines poussent sur les arbres. Et donc qu'il faut les ramasser ! Michel Tournier décrit les nuits glacées de décembre, et les ramasseurs qui doivent par ce grand froid escalader les échelles, cueillir les clémentines, les poser proprement dans de lourds paniers, à déverser avec précaution dans les remorques des tracteurs. Tout cela à l'éclairage des phares.

J'ai raté un détail ! Voilà un travail pénible, une durée d'un mois ou deux par an, vous êtes lucides, réalistes, je ne parle pas : "cyniques" ... quoique un peu tout de même ? Vous n'imaginez pas que la main d'oeuvre correspondante soit d'origine hexagonale, alors que sur le continent il est déjà difficile de cueillir les cerises ; les fraises, le raisin, et que pour cela les arboriculteurs font appel à la main d'oeuvre étrangère... disons... immigrée ? Pourquoi la Corse ferait-elle exception ? Pourquoi croyez-vous qu'il existe un Consulat du Maroc à Bastia ?


Eh bien, parce que la solution, est de faire venir localement (par avion depuis Casablanca sans passer par Marseille de peur qu'ils soient assignés en quatorzaine) des travailleurs Marocains acceptant (après un rapide confinement tout de même) de ramasser (pour un salaire légèrement inférieur ...) les clémentines corses. Alors vous savez bien que ce fichu covid complique les choses, ce qui rend encore plus improbable une solution franco-française ! 

Ouf ! nos amis marocains viennent à notre secours !

ils "sauvent la peau" des clémentines !

(humour)

Au total, quelque 900 travailleurs vont rejoindre les exploitations au titre de "l'introduction régulière de main-d'œuvre", un chiffre en léger repli par rapport aux autres années (1.200). La clémentine corse est à ce jour la seule filière de France à avoir mis en place un tel dispositif, qui va coûter 500.000€ aux producteurs. Cet été, déjà, l'Allemagne avait instauré un pont aérien pour transporter des travailleurs roumains dans ses champs d'asperges, pour la récolte d'avril à juin. "Nous nous sommes inspirés de ce protocole pour rédiger le nôtre", précise à franceinfo Simon-Pierre Fazi, président de l'AOP Fruits de Corse, "en intégrant bien sûr les spécificités françaises".

Au total, 72 des 160 producteurs de l'île font appel au dispositif. "Ce sont surtout les plus gros employeurs, qui représentent 80% du volume de production", précise Simon-Pierre Fazi. Chaque année, la Corse produit 300.000 tonnes de ces agrumes entre novembre et décembre. Une part de la récolte peut débuter dès la mi-octobre pour les variétés précoces, qui représentent environ 10% du total. Deux tiers des salariés vont travailler pendant trois mois, le temps des récoltes, et un tiers participe également à la taille, ce qui porte le contrat à cinq mois.

Michel Tournier en 1985 décrit le pélerinage d'Idris, jeune marocain. Idris est fils de prince du Sahara, et porte au cou une fine chaine d'où pend une goutte d'or, son bien le plus précieux, insigne de sa noblesse. Il débarque à Marseille naturellement, et là, rencontre une prostituée. Cette dernière se paie avec la goutte d'or, une belle affaire ! Et puis, Idris se retrouve dans la plaine orientale, où l'on a besoin de lui, on se fiche qu'il n'ait ni bijoux, ni papiers, pour ramasser les clémentines dans les nuits glacées de décembre. Mais ce travail temporaire ne dure qu'un temps, et forcément, comme tout le monde, Idris prince marocain monte à Paris, ayant ainsi accompli son voyage initiatique. 

On s'initie toujours quand on a vécu en Corse

et on en sort transformé

vous ne goûterez plus, j'espère bien

aux clémentines vertes avec feuilles

sans une pensée amicale pour Idris, prince du désert ?

quand je vois les clémentines, je traduis : "Règlement CEE 1204/82"



PS : Une histoire Corse pour la route ?

En Corse, un paraplégique entre dans un bar, il commande un café, et voit au bout du comptoir un barbu avec les cheveux longs...

Alors il demande au patron :

- Mais qui est-ce celui-là ?

Le patron lui répond :

- C'est Jésus.

- Bon, offre lui un café !

Rentre un sourd-muet, il voit le barbu et demande au patron qui est-ce ?

Le patron lui fait comprendre que c'est Jésus, alors il lui demande de lui offrir une limonade et le patron s'exécute.

Entre Dumè , il commande un pastis, et il voit le barbu ...

- Dis-moi !! Qui c'est celui-là ??

- C'est Jésus

- Et bien offre lui un pastis !

Le temps passe et Jésus s'en va... il passe devant le paraplégique, lui met les mains sur les épaules, et ce dernier se lève et marche ... Il passe devant le sourd-muet, lui met les mains sur la tête et l'autre se met à parler et à entendre.. Il passe devant Dumè et Dumè lui dit :

- Attends, attends ne me touche pas : je suis en arrêt maladie !