jeudi 23 juillet 2020

Tibiran : le "poudac" dégagé (1)

au centre-haut, la source et le moulin d'où part le ruisseau bas
au Sud, la forme de la roche que contourne l'aqueduc avant de filer vers le sud-est en direction de St Martin

Sortant de Valcabrère, le drone dans la voiture, pourquoi ne pas retourner à Tibiran ? Pas commode : la route principale est barrée, je dois prendre les chemins de traverse, par Saint-Martin, puis le hameau de Labat, puis grand-vide, le chemin goudronné perd son goudron, des prés entourés de talus boisés à perte de vue, le bocage commingeois, des collines, des vaches paissent tranquillement. Les gens du coin jubilent dans leur 4x4, jouant au "salaire de la peur dans Paris-Dakkar", ils foncent en créant des nuages de poussière, obligeant l'intrus que je suis, plein phares allumés pourtant en plein jour, à se jeter dans le bas-côté toutes vitres fermées. A l'arrivée, deux dames-qui-marchent me guident car je n'arrive pas par la route de mes souvenirs, et comme je ne suis pas venu depuis trois ans, mon GPS n'a pas la mémoire d'un endroit où il n'est jamais venu.


Surprise à l'arrivée dans les rues étroites du petit village : je devine que le propriétaire du site que je cherche est... décédé ? Que ses vaches, et surtout les oies (du Capitole) qui gardaient la résurgence ont disparu, laissant les orties pousser. Qu'un nouveau propriétaire... serait-il féru d'hydraulique et informé du trésor que contient son champ ? ... ce serait un bénévole m'explique-t-on qui a commencé à débroussailler : personne, pas de molosse : on  peut entrer, et accéder au "poudac"  !

à gauche, le lavoir signale la résurgence, c'est l'étage-bas. Au centre, en bas à gauche du sol dégagé, le tas de pierres est le vestige du couvercle enlevé. C'est l'étage haut. Le canal aui part à gauche est ensuite invisible sous les bois. Il fait le tour en haut, pour ressortir dans le pré, après un parcours d'environ 5m 
le puits vu depuis l'arrière est en bas au centre, quasi invisible, à droite les pierres dégagées du couvercle et de la rive gauche aval
on, distingue ensuite le bajoyer gauche qui domine le vide. L'eau coule sur la terre non revêtue

Le "puits" est maintenant ouvert, ici, en, souvenir de Norbert Casteret, on dit l'oeil, les voisins disent : "le poudac". Les quelques pierres de couverture visibles sur mes photos qui datent de dix ans ont été renversées et mises de côté. Il suffirait d'emmener un escabeau pour se glisser dedans et observer le conduit au fond, perpendiculaire, longueur 3,1 mètres, au bout une crépine qui débouche dans la veine naturelle. On sait par Marcel Baillache que l'eau souterraine provient de Générest, à 3,1Km, et circule dans des failles dont l'ultime à l'aval est toujours en fonctionnement, débouchant dans ce que j'appelle "le niveau bas". Le génie des Romains a été d'interposer une crépine dans la veine d'eau, pour la capter en court-circuitant le cours naturel, aujourd'hui rétabli. Mieux encore, on connait un puits de 10 m de profondeur à l'amont, qu'utilisait le maréchal ferrand Fuzéré pour pomper l'eau afin de refroidir ses fers à chevaux bouillants sortant de la forge. Je vous reconstitue le tout sur une photo du site :

1=puits amont maison Fuzéré 2 chemin rural d'accès 2bis : second chemin rural d'accès 3 poudac caché par la végétation avant débroussaillement 4 tracé du canal caché par la végétation 5 la résurgence actuelle signalée par le lavoir (caché) puis le moulin

le puits est "décoiffé ; je rêvais d'une inscription sur la pierre arrondie dessus, mais rien !


le puits était-il revêtu de plaques de marbre ? apparemment OUI ? (voir la suite)

en bas à gauche le conduit horizontal longueur plus de 3m, qui débouche sur la crépine, elle-même dans la veine

nous sommes dans l'eau du canal, au fond on devine le puits 
nous sommes dans le canal, au fond la résurgence

A l'étage au-dessus je réussis même à emprunter le parcours du canal qui contourne l'enrochement naturel en rive droite, à peine distinguable dans la terre. Tout est bien visible désormais, le trop-plein protégé par son pavement de galets, et la vanne de décharge où il suffirait de glisser à nouveau une vanne pour qu'elle fonctionne.



le trop-plein et son pavage d'évacuation au niveau bas

le même vu d'en bas

la vanne de décharge 
merci aux débroussailleurs : on  peut maintenant suivre le canal en marchant dedans. Comme au pont du Gard ou à Tarragone, étonnante différence entre la maçonnerie des ouvrages principaux, et les amenées d'eau à l'aval : nous sommes dans la terre, en longeant la paroi naturelle du rocher en place qui sert de berge rive droite, parfois rive gauche. On imagine le fond naturellement (?) étanche.




fin de la partie sous-bois : le canal tombe dans ce pré, dont on sait qu'il a été irrigué ainsi au Moyen-Age. Sans doute a-t-il été comblé ultérieurement, il faut l'autorisation du propriétaire pour examiner son champ, après avoir envoyé le drone observer le contexte ? La question de fonds est : se poursuit-il après ? Réponse à suivre, réponse excitante ; OUI ! ! 
quelques jours plus tard, même endroit (l'ombre dans l'orifice du bois) vu du ciel. Le canal disparait dans le pré comme nous le verrons dans les billets qui suivent

A l'étage au-dessous, la source est bien visible, et alimente le ruisseau constitué du débordement du lavoir, avant de passer dans le moulin.



Mon raisonnement, la veine dans le rocher étant étanche, constitue un tuyau fermé (?). Si je ferme cette veine, l'eau va "remonter" (vases communicants) 3,3 m plus haut, et la résurgence va fonctionner à nouveau. C'est ce qui se passe lors de gros orages : l'exutoire n'est plus assez grand pour écouler l'eau, le surplus remonte dans le puits qui fonctionne à nouveau
Question, j'ai une petite idée, est : "comment on ferme cet exutoire-bas" ? ?
réponse dans le billet n°3




Cette visite impromptue, par ce curieux temps nuageux de juillet, complète mes précédentes visites, en hommage à Marcel Baillache, qui a décrit cet endroit en 1948... 72 ans déjà !



quel génie ces romains !

Quelle surprise ce morceau précieux de patrimoine, alimentant les thermes de Saint-Bertrand de Comminges, mais situé en Hautes-Pyrénées, et du coup découplé (administrativement du moins) de son rôle si éminent d'alimentation en eau des thermes des Convènes !

on dirait que la réhabilitation va se poursuivre ?

il faut que je trouve comment on ferme la sortie qui alimente le lavoir

il faut que je parcoure le canal à l'aval...

bon vent à ceux qui ont déjà permis cette visite 

et merci !

en hommage au propriétaire de la ferme, qui avait bien voulu m'accueillir en 2014, et m'expliquer qu'il entendait le bruit de l'eau passer sous sa maison avant de rejoindre la résurgence alimentant le moulin. Salut à son fils horloger dont la boutique rue Victor Hugo à St Gaudens est maintenant fermée, mais on a mis dessus une photo d'horloges comtoises en souvenir....

en guise d'épilogue...

je sais maintenant que cette histoire n'est pas terminée : 

je vous dis donc : à demain !

PS

ma première découverte en 2011 :

http://babone5go2.blogspot.com/2019/03/je-vole-3.html






Le gouffre du Poudac de Génerest est célèbre chez les spéléologues du sud-Ouest : il a été visité en 1908 par Martel ; puis en 1927 par Norbert Casteret.
 http://exploscm.canalblog.com/archives/2018/06/15/36487578.html

Question stratégique : je dois revenir sur place, au niveau bas de la résurgence. Lancer le drone, en tentant de voir à la fois la résurgence romaine (n°3) ; la maison Fuzéré (1) ; et la montagne donnant vers Générest ? La clé de la fermeture de la résurgence naturelle (5) est-elle alors compréhensible, en lien avec les enrochements massifs rive gauche du chemin rural 2bis ? 

ce sera le billet suivant

ensuite, exploration du canal aval

quand je pense que je pourrais bronzer (idiot) sur la plage ?


les notes de bas de pages contiennent des observations précieuses : à plusieurs reprises, M. Baillache indique que les Romains obturaient la résurgence ultime actuelle... mais comment ?
le canal en eau devait ressembler un peu à cela