dimanche 29 novembre 2020

Désindustrialisation : C nous les champions !

Je vous tanne avec ma manie de vilipender notre culture française basée sur l’administratif, rejetant le technique, bien plus difficile à appréhender pour déclencher la richesse : comme le niveau scolaire est moins élevé chez nous que dans les pays voisins, et que l’on confond intelligence et mémoire, il est plus facile d’apprendre par cœur, par exemple le droit, que comprendre le fonctionnement d’une machine complexe, ou d'un ordinateur. L'apprentissage longtemps négligé n'a été réhabilité qu'il y a peu : Résultat, au bout de trente ans, nous sommes les champions de la dés-industrialisation !

le covid nous oblige à en prendre conscience :

plus de masques, plus de médicaments de base

il faut s'y mettre !

France Stratégie vient de publier un rapport très sévère sur l'évolution des politiques industrielles dans le pays


Réindustrialiser la France, c’est donc heureusement l’un des axes majeurs du plan de relance, qui fait suite au covid. On part de loin, la France est le pays de l'Union européenne qui s'est le plus désindustrialisé depuis les années 70. Quelles sont les causes spécifiquement françaises de ce phénomène ?

Voici ce qu’en disait récemment France Culture, 

et qui vient de nous être confirmé par France Stratégie

-"L'industrie a détruit des emplois de façon continue jusqu'en 2017, année d'inversion de tendance. En 2018 et 2019 , il y eu aussi plus d'emplois créés que détruits dans ce secteur. Les destructions ont repris au premier trimestre 2020" dixit Marie Viennot - Radio France

"Depuis quelques mois, le textile est en crise. Réductions d'horaires, fermeture d'ateliers, d'usines même. De mois en mois, on espère la relance..." Extrait du journal télévisé en avril 1965. La relance évoquée à l’époque n’est que commerciale, saison du blanc, printemps… et le textile fait alors vivre plus de 500 000 personnes en France. 

50 ans plus tard, ce chiffre a été divisé par 5. Ce déclin aura concerné tous les secteurs industriels. De 5 millions 700 000 personnes employées dans l'industrie en 1974, on est passé à un peu plus de 3 millions en 2019. 

La désindustrialisation est un phénomène mondial. Même la Chine et l'Allemagne, les deux premières puissances industrielles du monde, ont vu la part de l'industrie baisser dans ce qui est produit sur leur sol.  Mais moins que nous ! 

L'industrie a détruit des emplois de façon continue jusqu'en 2017, année d'inversion de tendance. En 2018 et 2019 , il y eu aussi plus d'emplois créés que détruits dans ce secteur. Les destructions ont repris au premier trimestre 2020.  Crédits : Marie Viennot - Radio France

Cela s'explique aisément : la demande de service est depuis 20 ans sur la piste ascendante, les gains de productivité sont plus importants dans l'industrie que dans le tertiaire, l'industrie a beaucoup externalisé, c'est à dire transféré à des prestataires extérieurs tout un tas d'activité, comme le ménage, la sécurité, la communication etc...

La France ne fait pas exception à ces tendances, mais si on la compare aux autres pays de l'Union Européenne, la désindustrialisation y a été plus forte.  

Part de l'industrie dans le Produit intérieur Brut comparé entre la Chine, l'Allemagne, les Etats Unis et la France.  Crédits : Banque mondiale

Quand on prend l'ensemble de la production industrielle de la zone euro, ce qui exclut les anciens pays du bloc communiste où les salaires sont bien inférieurs, la part que représente l'industrie française a baissé de 4 points, celle l’Italie 2 point, l’Espagne est quasi stable, et l’Allemagne a elle gagné 5 points.  

Aujourd'hui l'industrie pèse un quart du Produit intérieur Brut européen, 21% en Allemagne, 20% en Italie, 13% en France. Si on prend l'activité manufacturière, c'est à dire sans l'industrie lourde et extractive, c'est 10%.   

Part de l'industrie dans la valeur ajoutée par région européenne Crédits : Eurostat

Pourquoi le déclin de l'industrie a-t-il été plus fort en France que chez nos voisins qui partagent la même monnaie, et peu ou prou les mêmes standards sociaux ?  

Première explication, la plus entendue : l'ouvrier ou l'ouvrière française sont trop chers. Comparé au sud est asiatique, et même aux pays comme la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie... c'est sûr. Comparé à l'Espagne, et l'Italie, c'est vrai aussi.  Depuis 2000, sous l'effet notamment des 35 heures, le coût horaire de la main d'oeuvre a augmenté et pu pousser les industriels français à rogner sur l'investissement ou d'innovation... ce qui peut expliquer qu'ils se soient fait distancer par leurs voisins. L’industrie est le secteur le plus exposé à la concurrence internationale. Il représente encore les trois quarts des exportations françaises. 

Mais premier bémol, l'augmentation de la productivité a été bien plus forte en France qu'en Allemagne, en Espagne et en Italie depuis les années 2000. Cette "surproductivité" fut aussi un facteur important de destruction d'emplois, et elle a en partie compensé l'augmentation des coûts salariaux. 

Dans l’industrie, au cours des années 2000 et jusqu’en 2006, la productivité a évolué en France à un rythme supérieur d’environ 6 points à celui de la zone euro. Cet écart d’évolution avec la zone euro s’est encore accentué depuis, pour atteindre 13 points en 2018. Direction du Trésor. 

je retrouve mon éternelle question : comment nos voisins Espagnols et Italiens vivent-ils même au soleil et proches de la mer, avec une telle différence horaire ? 

Les 35 heures ont augmenté les coûts salariaux, mais elles ont aussi été un moyen de réorganiser le travail et d'augmenter la productivité. • Crédits : Insee

Deuxième bémol, les coûts salariaux ne représentent que 16% des coûts finaux dans l'industrie, et depuis 2013, ils ont été réduits par le biais des allègements de cotisations. Et puis, si on se tourne vers l'Allemagne, le coût du travail manufacturier y est toujours plus élevé que chez nous.  

Les salaires ne sont donc pas le seul facteur explicatif. Alors quoi d'autre ? 

Les impôts de production ! s'écrient les industriels depuis des années. Ils représentent en France 2% du PIB, contre 0.5% en Allemagne, ou 1% en Espagne. Ce sont des coûts fixes, et cela rend donc la concurrence peu équitable. D'où la décision du gouvernement de réduire dans le budget prochain ces impôts de production.    

Salaires, impôts, cela suffit-il pour expliquer la déroute industrielle française ?  Non. Il y a aussi des facteurs politiques, sociétaux, et thèse plus rarement entendue, le poids des multinationales dans l'économie française.

C'est le Centre d'étude et de prospective d'informations internationales qui fait cette hypothèse dans une étude nommée :  L’étonnante atonie des exportations françaises (janvier 2019). 

En France, le poids des multinationales est plus grand que chez nos voisins, or entre 2007 et 2014, leurs effectifs à l'étranger ont augmenté de 60%, deux fois plus que pour les multinationales allemandes et italiennes. Ces emplois ne se sont pas forcément substitués aux emplois en France, reconnaissent les chercheurs qui ont mené cette étude, mais ils remarquent que dans les années 2000 pour l'automobile, 10% des voitures vendues en France étaient produites à l'étranger, en 2016, c'était 50%. En Allemagne, on est passé dans le même temps de 15 à 25%.  

Nos fleurons industriels manqueraient-ils de patriotisme ? Ont-ils été séduits par cette vision de l'ancien patron d'Alcatel Serge Tchuruk de l'entreprise sans usine ? (on disait aussi fabless). Si la crise du coronavirus a pu susciter des espoirs de changement, que Renault annonce mi juillet qu'il produirait en Chine un petit véhicule électrique, destiné au marché français... fut la première douche froide. 

L'hebdomadaire Marianne a fait les comptes des emplois créés en dehors de France par les entreprises du Cac 40 ces dernières années. 

Au cours de ces dix dernières années seulement (2008-2018), les groupes du CAC 40 ont réduit de 150.000 personnes le nombre de leurs salariés en France (...) Dans le même temps, les mêmes parviennent à augmenter de 4 % leurs effectifs dans le monde et de 52 % dans les pays émergents ( 466 000 salariés). Comment le Cac 40 largue la France. Marianne, 31 octobre 2019. 

Germinal et le 7e plan

Autre explication possible, l'image très négative véhiculée par l'industrie en France. Pierre Musso, auteur de la Religion industrielle, considère que la France est "allergique" à l'industrie car elle a en gardé une image très 19 ème siècle. 


Toute la littérature du XIXe siècle fut une réaction à l'industrialisation. Quand on pense industrie en France, on pense Germinal, conditions de travail déplorables, exploitation des salariés. Avec un tel imaginaire en tête, on a pu considérer chez nous qu'il était souhaitable que les emplois industriels diminuent, et qu'on les remplace par des emplois de service.

Voilà exprimé autrement, et avec un autre argument, la faute-à-Zola le sentiment que je soutenais en prologue d’une France bureaucratique ouverte aux emplois administratifs, couronnée par les cols blancs, et fermée à tout ce qui est technique, emplois mains dans le cambouis, ou pieds des agriculteurs dans le fumier de l’agriculture paysanne.

quand je pense à ce propos que l'Europe a abandonné le concept "de préférence communautaire" s'agissant des produits agricoles !

quand je pense que l'on ne parle jamais plus de l'industrie agro-alimentaire française première d'Europe !... que dis-je : première du monde ! 

voyez que les explications sur la désindustrialisation, que ce soient les miennes et celles des autres... 

ne sont pas très convaincantes !

 Et nos politiques ? Ont-ils manqué de vision ? 

Non, ils ont fait mieux, accusait un syndicaliste de la CFDT dans ce reportage télé de 1975, ils ont planifié la fin de certaines industries.  

"La mort du textile est voulue ! Elle a été programmée par le gouvernement et le patronat dans le 7ème plan. Il suffit de lire ce 7ème plan, et les mesures gouvernementales qui l'accompagnent pour se rendre compte" ! Un syndicaliste de la CFDT en 1975. 

Le 7ème plan (1976-1980), que vous pouvez lire ici, n'organisait pas la désindustrialisation, mais il tournait la page du soutien de l'Etat à l'industrie, sauf pour le militaire et le nucléaire. 

 https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/septieme-plan-1976-1980.pdf

"Le gouvernement évitera de modifier les conditions de la concurrence en distribuant des subventions : la rentabilité se conquiert, elle ne se concède pas". 7ème plan. (il date quand-même de 40 ans ! ! )

il nous reste quelques valeurs sûres !

Pierre Musso y voit le début du néolibéralisme en France et du laisser faire. Il n'est pas le seul. 

Le corps des mines s'est fait absorber par l'inspection des finances à partir des années 70, décrit pour sa part David Cousquer, de l'institut Trendeo. Finie la vision d'un état colbertiste, dirigiste et protectionniste, place à l'Etat qui ne pilote plus, mais accompagne les mutations économiques. De ministère de plein exercice depuis quasi toujours, l'Industrie se retrouve sous la tutelle du ministre des finances en 1991, et de façon définitive à partir de 1997 au retour au pouvoir des socialistes dans le gouvernement de Lionel Jospin.  

Tour à tour associée au commerce extérieur, à la recherche, à l'artisanat, l'industrie revient sur le devant de la scène sous le nom de ministère du redressement productif avec Arnaud Montebourg de 2012 à 2014, avant de disparaître totalement de l'intitulé des ministères à l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron.  

Période révolue !

L'industrie est revenue dans le gouvernement Castex, au rang de ministère délégué. Agnès Pannier Runacher peut désormais s'y consacrer à plein temps avec une équipe étoffée (4 ou 5 conseillers contre 1 auparavant) alors qu'auparavant elle devait s'occuper en même temps de l'artisanat, du commerce, de la consommation... ou plus récemment des discothèques. Je ne plaisanterai pas cruellement vu qu'elles ont fermé, lui permettant de se re-concentrer sur la ré-industrialisation apparemment re-décidée ? 

je poursuis notre lecture :

-"Nous traversons en effet une tempête économique sans précédent. L'industrie ne doit pas être le ministère des problèmes mais le ministère des solutions, la solution pour une économie décarbonée, la solution sur les enjeux de souveraineté, la solution pour créer des richesses sur les territoires et des emplois pas seulement dans l’industrie mais dans les services autour d’elle, la solution pour l’inclusion des jeunes" soutient Agnès Pannier-Runacher dans l'Usine nouvelle. 


"Que l'industrie soit de nouveau incarnée par une ministre, c'est un signe politique : une condition sans doute nécessaire, mais pas suffisante pour faire de la réindustrialisation de la France une réalité. D'autant que dans les mois qui viennent, ce qui s'annonce, c'est la perte de milliers d'emplois, notamment industriels. 

"Autant que la relance, Agnès Pannier Runacher va devoir gérer une nouvelle vague de désindustrialisation".

ce n'est donc pas fini, flute !

La carrière d'Agnès est exemplaire, et mérite que l’on s’y attarde quelque peu, pour voir si les thèses qui précèdent se révèlent vraies dans ce cas particulier d’une Haute-Fonctionnaire-femme-particulièrement brillante, et qui tient une partie de notre avenir et celui surtout de nos enfants entre ses mains :

Fille de Jean-Michel Runacher, ingénieur et dirigeant de société, et de Renée-Christine Lassave, Agnès Pannier-Runacher est née à Paris, où elle a grandi. Bon premier point, elle est Parisienne, et non pas provinciale. Fille d'Ingénieur ... Je poursuis :

"Après une classe préparatoire à Ipésup, Agnès Runacher sort diplômée d'HEC Paris en 1995 (cursus Grande École). Élève à Sciences Po Paris, elle intègre l'École nationale d'administration (ENA) au sein de la promotion Averroès (1998-2000)3. À l'ENA, elle a comme camarades de promotion Alexis Kohler, Fleur Pellerin ou encore Audrey Azoulay. À sa sortie de l'ENA en 2000, elle devient inspectrice des finances. Ouf, je suis rassuré, on est en plein dans ce que j’appelle « le technique », je souris en pensant aux Allemands qui disent que leurs dirigeants doivent avoir fait leur classes au tout début dans les métiers manuels, ces Allemands ont des principes totalement dépassés : les nôtres ont davantage de panache

Je poursuis wiki 

Carrière de haute fonctionnaire

Après avoir passé trois années au sein de l’Inspection des finances, Agnès Pannier-Runacher devient directrice de cabinet du directeur général de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris et membre du comité de direction. Elle est spécifiquement chargée de la mise en œuvre de la réforme de la tarification à l’activité et assume par ailleurs les fonctions de cabinet et d’audit interne. Elle est également administratrice du SAMU social de Paris et de la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France… no comment, elle aurait pu gérer le covid, elle se trouve devoir gérer la suppression de l’usine de pneus Bridgestone, pas de problème.

En 2006, elle devient directrice adjointe de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), chargée de la stratégie et des finances. Elle est notamment chargée des acquisitions stratégiques, ainsi que du suivi actionnarial des filiales et participations stratégiques de la CDC (Accor, Veolia, Eiffage, Dexia, CNP Assurances, Icade, Transdev…). Elle est ainsi amenée à travailler à la préfiguration du Fonds stratégique d'investissement (FSI). En 2009, elle est nommée directrice exécutive du FSI dès sa création.

Chapeau pour la carrière, sans faute, au top des responsabilités et j’imagine des émoluments ? (nous allons y venir)

Carrière de dirigeante d’entreprise

Agnès Pannier-Runacher rejoint le privé, en 2011, comme directrice de la division clients recherche et développement de Faurecia Interior Systems pour des clients comme Tata-Jaguar Land Rover, General Motors Europe et Volvo. Elle met en place des plans d’industrialisation, d’amélioration de la qualité et des performances financières. Nous y voilà : l’expérience industrielle !

Deux ans plus tard, en 2013, elle rejoint la Compagnie des Alpes comme directrice générale déléguée chargée du développement à l’international et de la performance des domaines skiables et des centres de loisirs. Elle est également administratrice indépendante et présidente du comité d’audit du groupe Bourbon de 2010 à 2018, notamment lors du placement en redressement judiciaire du groupe et de sa mise en examen en tant que personne morale pour « corruption d’agents publics étrangers ». Elle occupe ces mêmes fonctions au sein du groupe Elis, et est membre de l’advisory board d’Ashoka France (2017), de la fondation Grameen Crédit agricole (2017) et de l’Observatoire de l’immatériel (2018). 

Elle met fin à ces mandats lors de sa nomination comme secrétaire d’État, et passe de plus de 500 000 euros de rémunération par an à 115 000 euros brut. C'est wiki qui croit devoir préciser ce détail ! 

Flute, je lis tout cela avec consternation, en mesurant la chute de salaire terrible, de 500 à 100.000 Euros bruts, en net c’est encore pire, comment peut-elle bien vivre cette descente aux enfers ?  

Ah oui, on parlait de la dé-sindustrialisation de la France, 

et des moyens pour ré-industrialiser

ce n'est donc pas notre culture, viens-je de vous le rappeler

alors, comment on fait : on achète en Chine à crédit ?

https://www.strategie.gouv.fr/publications/politiques-industrielles-france-evolutions-comparaisons-internationales

et pourtant nous avons des succès !


bientôt des trains à hydrogène en Occitanie !