lundi 20 janvier 2020

Les douze Sibylles à Auch



Dans la mythologie grecque, la sibylle est une prêtresse d'Apollon qui personnifie la divination et prophétise. Les sibylles exprimaient leurs oracles dans un langage énigmatique permettant de nombreuses interprétations. Fameuse est la prophétie orale pour un soldat « Ibis redibis non morieris in bello ». Si une virgule est placée avant le « non », la phrase devient «Tu iras, tu reviendras, tu ne mourras pas en guerre », mais si la virgule était placée après le « non », la phrase est « Tu iras, tu ne reviendras pas, tu mourras en guerre ».

L'obscurité et l'ambigüité de la divination des sibylles a donné le qualificatif « sibyllin » qu'on attribue à des propos confus, énigmatiques, mystérieux ou à double sens : on parle aujourd’hui de langue de bois, ce qui revient au même !

La sibylle figure l'être humain élevé à une dimension surnaturelle, lui permettant de communiquer avec le divin et d'en livrer les messages. Les sibylles furent considérées comme des incarnations de la sagesse divine, aussi vieilles que le monde, et dépositaires de la révélation primitive. Aussi a-ton pu rapprocher le nombre des douze sibylles et celui des douze apôtres et de peindre ou de sculpter leurs effigies dans les églises : que ce soient les vitraux de Beauvais (1532) ; Auch (1513) qui précède ainsi st Bertrand de Comminges (1535) ; les stalles de Gaillon que je vous ai montrées ; St Ouen de Rouen ; Brenillis dans le Finistère etc...



Avant de vous montrer les douze  stalles de St Bertrand, (face Nord), il faut nous rendre à Auch, où avait été ordonné Jean de Mauléon : sans doute est-ce dans les vitraux d’Arnaud de Molles dans la cathédrale dédiée là encore à sainte Marie, qu’il a trouvé l’inspiration : Les vitraux d'Arnaud de Moles furent réalisés entre 1507 et 1513 (le dernier vitrail, celui de la Résurrection, indique dans son cartel la date de pose du 25 juin 1513 avec la signature du maître verrier). Bien qu'encore imprégnés de l'art du Moyen Âge, ils participent de la Renaissance et sont considérés comme les plus beaux de cette période. Émile Mâle écrivait « pour l'ampleur de la pensée aucun travail de cette époque n'égale les vitraux d'Auch ».




Les verrières sont présentes dans toutes les chapelles du déambulatoire (à l'exception de la chapelle du Saint-Sépulcre, alors adossée à l'archevêché). Après trois vitraux historiés, placés au commencement, au centre et à la fin du parcours, représentant respectivement la Création et le Péché, la Croix du Christ, et la Résurrection, les autres présentent des personnages bibliques : patriarches, prophètes, apôtres, auxquels viennent s'ajouter des personnages issus de la mythologie gréco-romaine, les Sibylles. La série commence du côté de l'Évangile, c'est-à-dire du côté droit de l'église en regardant l'ouest, avec la chute originelle, et se termine du côté de l'Épître avec la Résurrection, en passant par le vitrail situé dans l'axe, la Crucifixion du Christ. Les Sibylles prophétisent la vie de la Vierge, elles sont sept ; ou la passion de Jésus, les cinq autres.

— Vie de la Vierge :

1. La Persique tenant la lanterne et foulant un serpent : annonce la Vierge  foulant le serpent.  Immaculée Conception : Incarnation : la Vierge donne naissance à celui qui se dira Lumière du Monde. A côté Eli.




2. La Libyque tenant un cierge : la Vierge et l'Enfant apportant cette Lumière que la naissance du Seigneur a apportée au monde. 

entre Moïse et Enoch


3. L'Erythréenne tenant la fleur: Annonciation. Conception virginale.

Noé, Ezéchiel, Pierre et Erythrée


4. La Cuméenne tenant un bol (une boule) : Virginité (ou Venue d'un enfant).  Naissance dans une crèche

Phrygienne ; Malachie ; Cuméenne ; Jean-baptiste
si je n'ai pas trouvé la sibylle de Cumes à Auch, voici celle de Beauvais
à côté de celle d'Erythrée une rose à la main


5. La Samienne tenant un berceau : Nativité / Annonce aux Bergers.

Abraham ; Melchisedech ; Paul et la Sibylle de Samos

6. Cimmérienne tenant une corne (biberon) : allaitement de l'Enfant  par la Vierge

à côté de Daniel, Mathieu de l'autre côté


lors de la dépose au musée des Augustins en 2018
7. L'Européenne tenant une épée : Fuite en Égypte pour fuir le Massacre des saints Innocents.

entre Josué et Amos



— Passion et Christologie :

8. La Tiburtine tenant une main : Passion (Jésus giflé par les bourreaux). La main en question est celle du garde qui a souffleté le Christ au cours de la Passion : les policiers qui maltraitent les malfrats devraient en prendre de la graine ?




9. L'Agrippine tient un fouet : c'est la flagellation.


entre Jérémie et Nahum

10. La Delphique tient une couronne : le Couronnement d'épines de la Passion. Incarnation.




on voit beaucoup mieux la couronne d'épines à Beauvais, avec dans la main gauche les trois clous du Christ. A gauche Tibur et la main coupée de la n°8;


Je n'ai pas trouvé les illustrations pour les deux dernières :

11. L'Hellespontine tenant une croix  : Crucifixion. Incarnation et Passion, parait absente d'Auch et Beauvais ; et la dernière et 12ème, la Phrygique ou Phrygienne tenant un étendard crucifère : Résurrection. La voici à Beauvais, à côté de la 9 Agrippa, qui ne tient pas un fouet, mais se tient à côté de la colonne de la flagellation :


comme je ne lâche rien, je dois me rendre à Etampes à Notre dame du Fort pour trouver l'Hellespontique, qui est l'Egéenne

Nascetur Deus ... diebus novissimis de virgine hebrea :  "Dans ces derniers temps un Dieu naîtra d'une vierge, juive."

je n'ai plus qu'à reprendre cette énumération à Saint-Bertrand de Comminges :