mardi 25 septembre 2018

Christies : la collection Barney A.Ebsworth



Je vous ai fait sourire la dernière fois avec mes Ferrari estimées à 60 millions de dollars, et destinées aux premiers de cordée mondiaux ! Cette fois ci, c’est la maison Christie's qui fait la vente, en novembre, à New-York, et on va voir que plusieurs œuvres dépassent  le prix d’une Ferrari, ne nécessitent aucun entretien, ni carburant ni garage puisqu’il suffit de les accrocher au mur (un grand mur), de les contempler… et de les revendre plus tard, avec quelques zéros de plus !



En 85 œuvres, cette illustre collection raconte toute l'histoire de la peinture américaine au XXe siècle. Les artistes sont mythiques comme Edward Hopper, Jackson Pollock ou Willem de Kooning. Le Figaro propose une sélection des plus beaux lots, avant une présentation dès le 6 septembre, au 9 avenue Matignon à Paris.

je vous présente le Pollock par honnêteté mais je n'apprécie pas du tout


Six mois après la mythique dispersion Rockefeller à New York , Christie's vient donc de décrocher une autre collection historique: celle de Barney A. Ebsworth connue pour être l'une des plus célèbres en matière d'art moderne américain.



Le nom de Barney A. Ebsworth, le pape de l’industrie du tourisme, est étroitement lié à des musées prestigieux. Nommé parmi les «200 plus grands collectionneurs du monde» et «les 100 meilleurs collectionneurs d'Amérique», ce dernier a été administrateur du musée de St. Louis et de Seattle, là où, il a fait construire sa maison par Jim Olson, en 2004. Il a été commissaire du American art Museum et de la Smithsonian Institution et co-président du comité des collectionneurs de la National Gallery of Art de Washington. 

En art, il a acheté ce qu'il y a de mieux dans le domaine du XXe siècle. Sa collection regorge de pépites. À commencer par l'illustre toile Chop Suey d'Edward Hopper peinte en 1929. C'est la plus importante œuvre de l'artiste encore en mains privées que le public a pu admirer à la rétrospective du peintre, il y a cinq ans, au Grand Palais. L’estimation tourne autour de 70 millions de dollars, un peu plus que la Ferrari de Sotheby’s. 


Parmi les 85 œuvres qui illustrent l'ascension de l'art américain à travers le XXe siècle, on compte aussi une toile de Jackson Pollock, Composition with red stoke (autour de 50 millions de dollars) et un tableau de Willem de KooningWoman as landscape (autour de 60 millions de dollars).

Charles Heeler

Stuart Davis


Elien Adelman

William James Glackens

à propos de prix : vous vous souvenez du Vinci ?






... un zéro de plus !

lundi 24 septembre 2018

La coenatio rotunda de Néron



…ou machina neronis

                                                                                          MAC AUG machina Augustus (1)

ou encore : la salle de banquet tournante !

Une base circulaire de 16 m de diamètre !

(un petit 200 m2)



On décrit Néron comme fou, pour avoir mis le feu à Rome, en 64, la plus vaste opération immobilière de tous les temps : sur les cendres, il pouvait reconstruire une villa à sa démesure, la  «Domus Aurea», palais impérial bâti au 1er s. ap. J.-C. sur le Mont Palatin. Comme il adorait la mécanique, il avait mandaté deux Ingénieurs (machinator en latin) de l’époque (on connait leurs noms par l’historien Tacite : Severus et Celer), pour leur faire inventer une salle à manger tournant jour et nuit, imitant ainsi le mouvement de la terre, et permettant de contempler de son lit sur 360° le panorama impressionnant de Rome, le parc et l’atrium du palais, et au-delà, la plus grande partie de la ville : Capitole, Forum, Caelius, Palatin... !


De nombreux historiens pensent que cet espace avait probablement un plancher de bois rotatif  qui se déplaçait par rapport à un plafond fixe peint d’étoiles. Le mécanisme de rotation était vraisemblablement animé par une roue semblable à celle d’un moulin, alimenté par un aqueduc pour tourner en permanence.



La maison dorée a été décrite par l’historien romain Suétone dans la Vita dei Cesari. Pour nos amis latinistes, voici le texte complet : Palatio Esquilias usque fecit, quam primo Transitoriam, mox incendio absumptam restitutamque Auream nominauit. De cuius spatio atque cultu suffecerit haec rettulisse. Uestibulum eius fuit, in quo colosse CXX pedum staret ipsius effigie (il est fait ici allusion au colosse de 120 pieds représentant Néron lui-même, sachant que 120 pieds font environ 36 mètres) ; tanta laxitas, ut porticus triplices miliarias haberet; item stagnum maris instar, circumsaeptum aedificiis ad urbium speciem; rura insuper aruis atque uinetis et pascuis siluisque uaria, cum multitudine omnis generis pecudum ac ferarum.....cuncta auro lita, distincta gemmis unionumque conchis erant; cenationes laqueatae tabulis eburneis uersatilibus, ut flores, fistulatis, ut unguenta desuper spargerentur; praecipua cenationum rotunda, quae perpetuo diebus ac noctibus uice mundi circumageretur; balineae marinis et albulis fluentes aquis. Eius modi domum cum absolutam dédicaret, hactenus comprobauit, ut se diceret quasi hominem tandem habitare coepisse.(1)





Quant à la salle à manger, c’est : praecipua cenationum rotunda, quae perpetuo diebus ac noctibus vice mundi circumageretur. SVET., Nero, XXXI, 2).

L’histoire de la découverte est déjà ancienne : 2009 ! Maria-Antonietta Tomei, responsable du Palatin au sein de la Soprintendenza archeologica, confie la direction de cette fouille d’une partie remblayée du Palatin à la française Françoise Villedieu (D.R. CNRS, Centre C. Jullian, Aix-en-Provence) lorsque, dans le cadre d’un programme de préservation des vestiges antiques, s’est imposée la nécessité de mener une enquête complémentaire sur le système adopté au Ier siècle pour créer la grande terrasse artificielle de la Vigna Barberini. Les résultats recueillis au cours des fouilles dépassent l’attente des intervenants : en sous-sol, un édifice étonnant a été préservé, et ne s’explique que par les restes de la fameuse salle à manger, et surtout du mécanisme impressionnant du pivot.




Les fouilles mettent en effet au jour un court tronçon du mur qui circonscrit la rotonde, un mur de 2,10 m d’épaisseur, qui dessine un cercle mesurant 16 m de diamètre. Voilà le sous-sol du sol de la salle à manger située au-dessus et aujourd’hui disparu.

Au centre se dresse, sur plus de 10 m de hauteur, un pilier en briques de 4 m de diamètre dans lequel se loge un escalier. Le pilier et le mur sont reliés par deux séries d’arcs placés en position radiale, qui couvrent l’un le rez-de-chaussée, en cours de fouille, l’autre le premier étage. Sept arcs ont déjà été vus : quatre au niveau supérieur - parmi lesquels un seul est intact – et trois au niveau inférieur.
















Les murs, bien que réalisés avec le plus grand soin, sont dépourvus de revêtements décoratifs, un détail qui nous apprend que les salles concernées étaient des espaces de service. L’étage noble devait donc nécessairement se trouver au-dessus, à un niveau où l’on observe que le sommet des maçonneries ne conserve aucune trace de l’arrachement d’une couverture ou de murs.





A ce stade, il faut faire un détour… par le lac de Némi, région réputée pour ses fraises des bois, et les confitures que l’on en fait. Aucun rapport ! Sauf que les spécialistes savent que le lac de Némi abritait à l’origine les galères de Caligula, que Mussolini se prenant pour un empereur romain a voulu extraire de leur vase en 1927, découvrant avec stupéfaction la base de deux bateaux immenses, puis faisant construire le musée sur mesure destiné à les préserver. Les Allemands mettent le feu le 31 mai 1944 détruisant à jamais les vestiges, et le Muséo delle navi actuel ne rassemble plus que quelques restes dont les photos de l’époque…sauf… des billes de bronze traversées par un axe, dont on pense que comme un plateau à fromages immense, elles permettaient de faire tourner on ne sait quel socle supportant une statue d’Aphrodite pourquoi pas ? (un temple existait à proximité et l’assèchement du lac a permis d’en retrouver et sauvegarder le chemin d’accès).



construisez votre propre coenatio rotunda !



Or, nous revenons dans la Domus aurea, on trouve des traces de demi-sphères dans le pavage supérieur, sous la forme de trois cavités hémisphérique mesurant 23 cm de diamètre, qui devraient avoir servi de logement à des sphères en bronze ou en basalte. Les cavités, qui évoquent nos roulements à billes, la forme circulaire de l’édifice et les dimensions du pilier central suggèrent d’identifier dans cet édifice la coenatio rotunda.

On a tous envie de comprendre le fonctionnement, de voir : une maquette fonctionnelle serait bienvenue ! Ou encore, un modèle 3D nous faciliterait la reconstitution ! Qu’à cela ne tienne, Françoise Villedieu n’a pas les deux pieds dans le même sabot ! Elle fait appel à des copains, Nathalie André (architecte, Institut de Recherche sur l’Architecture Antique, Aix Marseille) et Florent Laroche (chercheur en archéologie industrielle, IRCCyN).



Après avoir réalisé de nombreuses fouilles archéologiques, un premier modèle 3D de la salle à manger de Néron est produit pour restituer la batimétrie. Cependant, afin de comprendre comment fonctionnait ce mécanisme extraordinaire qui permettait à la salle à manger de tourner sur elle-même à 360°, des simulations virtuelles sont réalisées par l’Ecole Centrale de Nantes.


L’amélioration du modèle virtuel est permanent et évolue en fonction des fouilles et des hypothèses formulées régulièrement.

En parallèle, le Musée d’Archéologie de Marseille organise du 2 décembre 2016 au 21 juin 2017 une exposition sur le thème « le banquet, de Marseille à Rome, Plaisirs et jeux de pouvoir ». Bénéficiant du prestigieux partenariat de la surintendance de Rome et de l’École française de Rome, organisme responsable des fouilles archéologiques sur le Palatin à Rome, il est décidé de proposer au public, une maquette physique en 3D de la « machina néronis » et de son mécanisme. Cette maquette est une première mondiale dans le monde archéologique : elle permet de représenter ce bâtiment emblématique tout en soulignant les hypothèses des fouilles et est associée à un réel mécanisme simulable.

dommage que Plus belle la vie ne nous ai pas emmené voir sur place !

Une belle occasion de monter un voyage Marseille – Rome, 

on nous promet une reconstitution sur place en 2019 ?


PS (1) : je vous livre la traduction : Une immense statue de Néron, haute de 120 pieds, se trouvait dans le hall d’entrée; et l'arcade à colonnes courait sur un mille de long. Une énorme piscine, plus une mer qu'une piscine, était entourée de bâtiments conçus pour ressembler à des villes et à un jardin paysager composé de champs labourés, de vignobles, de pâturages et de bois. Ici, toutes les variétés d'animaux domestiques et sauvages se promenaient. Des parties de la maison étaient recouvertes d'or et parsemées de pierres précieuses et de nacre. Toutes les salles à manger avaient des plafonds en ivoire fretté, dont les panneaux pouvaient glisser et laisser tomber sur ses invités une pluie de fleurs ou de parfums d'extincteurs cachés. La salle à manger principale était circulaire et son toit tournait lentement, jour et nuit, au rythme du ciel. L'eau de mer ou de soufre était toujours dans les bains.



« Les yeux de l’esprit ne commencent à être perçants ...

... que quand ceux du corps commencent à baisser »

On peut aussi boire sans modération ! Le Banquet, Platon.



PS 1 : Visiter le musée de Marseille :
http://www.marseille.fr/epresse/documents/thesaurus/documents/34143/021216dpexpolebanquet.pdf


PS 2 : On peut installer soi-même son plateau tournant pour faire tourner sa voiture (dia maxi 8m) :
https://www.youtube.com/watch?v=TkeIMwPCVrM

Pechot pour sa part avait inventé cette plaque tournante pour porter des Decauville

PS 3 : (1) Néron se nomme aussi Augustus
https://babone5go2.blogspot.com/2015/08/achetez-mon-nero.html

PS 4 : moi aussi j'ai pensé à cela :

ça tourne aussi, mais le diamètre maximum n'est que de 7,4 m ... pas 16 m !


dimanche 23 septembre 2018

Deux roues de Métagène aux Saintes-Maries

Les Saintes-Maries-de-la-mer restent une petite commune mythique : le petit-Rhône il y a deux mille ans coulait bien plus fort, et déposait en mer tellement d'alluvions que le rivage était beaucoup plus éloigné qu'aujourd'hui, où la navigation étant reportée sur le Grand-Rhône, c'est lui qui a agrandi son lit vers le Sud.

temple d'Artémis, reconstitué par Thalassa

Si l'on veut trouver cet ancien rivage, et les épaves qui se sont crashées à l'époque, il faut plonger en mer... et l'on trouve ! Des quantités de vestiges, comme cela vient encore d'être le cas récemment.

carnet de notes de Luc Long




L’étude d’une épave chargée de blocs de marbre (l’épave SM39), découverte à près de 20 m de fond, au large des Saintes-Maries-de-la-Mer par Pascal Chabaud, un plongeur du grau-du-Roi habitué aux eaux troubles de Camargue, livre un trésor archéologique inestimable à Luc Long et son équipe de la DRASSM. Vous connaissez Luc Long ? Ce chercheur infatigable a trouvé le buste de César dans le Rhône à Arles, et il ne s'arrête pas là : depuis le temps, il a amassé une quantités phénoménale de découvertes !

Dans notre cas, il s’agit de plusieurs bandages de roue en fer, d’environ 1,60 m de diamètre, aujourd’hui concrétionnés, chargées avec du marbre sur le navire. Ils se rapportent sans doute aux fameuses « Roues de Métagénes », dont parle Vitruve dans son encyclopédie sur l’architecture. Ce système, inventé à l’origine par l’architecte grec Métagénes, lors de la construction du temple d’Artémis d’Éphèse, permettait à un bloc de marbre rectangulaire enchâssé dans deux grandes roues en bois de tourner sur lui même, facilitant ainsi considérablement son transport jusqu’au chantier de construction. 
reconstitution en Israël





En l’occurrence, il s’agit là de l’unique témoignage de ce système encore utilisé à Rome, du temps de Vitruve.







Vous voyez ? Arthémis d'Ephèse revient une fois encore sur la scène !

Luc Long a un sacré coup de crayon : voici le Dieu Pan, en train de courtiser la Vénus d'Arles, défendue par un Eros bien petit !

https://2asm-rhone-cesar.blogspot.com/2017/12/

je dédie ce billet à Jean-Marie !

vous connaissez ma fascination pour l'industrie romaine
ce n'est pas fini : demain vous allez voir ce que vous allez voir !