mercredi 31 octobre 2012

Les cariatides d’Olot


Je vais vous entrainer dans une histoire compliquée, de celles qui m’amusent, comme détective d’Art à la recherche des belles choses, dont les vestiges d’architecture Art Nouveau catalan.

Je ne me lasse pas de découvrir l’œuvre de Lluis Doménech i Montaner dont je vous ai parlé cent fois, et qui me fascine toujours depuis que j’ai découvert la Casa Navas à Réus, cela fait déjà un bout de temps. En fait, ce qui m’amuse c’est son association avec le sculpteur Eusebi Arnau i Mascot, celui qui place ses statues sur les balcons : quand les propriétaires sortent la tête de leur intérieur, ils ne sont pas seuls grâce à leur reproduction en pierre, grandeur nature, qui fait vivre leur façade. Les Catalans disent « fachada ». A l’extérieur, notamment la nuit, les visiteurs (indélicats) ont l’impression que les propriétaires les observent sur leur balcon, et ils filent (principe de précaution).


Revoici la Casa Navas "à l’époque", avec son flot d’ornementation florale. A l’époque c’était avant la démolition de la coupole. Voici également la vieille carte postale représentant la Casa Lléo Mora de Barcelone, avant que Loewe détruise (on espère en réalité qu’il les a enlevées soigneusement et conservées en lieu sûr) les statues du rez-de-chaussée.

Je me désolais en regrettant cette beauté disparue, jusqu’à ce que je me remette à chercher : mon ami Lluis a été particulièrement prodigue en immeubles, à Barcelone certes, à Reus aussi, mais pas que là.

Voilà que je tombe sur la Garrotxa, province de Gerone, ville d’Olot, 24000 habitants. Une ville riche de maisons « modernistes », comme la villa Gaieta Vila sympathique par ses couleurs vives.
 












Figurez vous que la casa Sola Morales date de 1781. Son propriétaire fatigué de sa façade appelle Lluis, et lui demande (nous sommes en 1913) de la refaire à neuf. Lluis a dans ses cartons un style qu’il répète systématiquement : de grands balcons protégés par des ferronneries art-nouveau. Un oriel sculpté. Des sculptures grandeur nature. Il appelle son copain Eusebi, et lui demande si (par hasard), il ne pourrait pas lui refaire deux statues, dans le style habituel. Peut-être même la seconde ... pour « une peseta de plus » ?


Eusebi s’exécute avec sa gentillesse habituelle, et se méfiant de Loewe, se dit qu’il pourrait répéter la déco du balcon de Barcelone, au cas où. Et il sculpte ce que certains nomment les cariatides d’Olot : ce ne sont pas du tout des cariatides, mais de vraies et belles femmes.

la fachada avec le balcon








La conclusion est qu’il ne faut jamais désespérer,

et qu’on finit souvent par trouver ce qu’on cherche !


Lloança de la ciba (2)


éloge de la cive, deuxième partie

Casa de la Lactancia Municipal !




encore une maternité d'Eusebi Arnau !
Vous devinez déjà ce que cela signifie : la maison de l’allaitement (municipale) : elle hébergeait à sa création les mamans seules venant d’accoucher (sans doute lâchées par leur hombre) et allaitant (en groupe pour susciter l’émulation) leurs bébés. J’imagine assez, après le mariage pour tous en France, les messieurs mariés désirant procréer, et confiant à des mères porteuses le soin d’enfanter, puis d’allaiter leurs bébés dans une maison (municipale) avant de les rendre dûment dotés des anticorps maternels aux deux papas (on met un s à papas ?). Ensuite, les bébés se contenteront de lait de vache (et d’amours strictement paternels) comme tout le monde. Et puis les papas les mettront dans une crèche (municipale) pour les faire garder par des nounous (issues de la diversité ?), le tout avant le cursus habituel dans l'éducation nationale (où ils apprendront ...enfin...la morale laïque).






















L’architecte Antoni de Falguera i Sivilla a intégré des cives partout, et le résultat est assez rigolo !






 La cive, c’est la redécouverte en vitrail

 de la roue !

  


Lloança de la ciba (1)


éloge de la cive

Je vous ai déjà parlé, et montré, des cives : Vidre emprat en els vitralls, de forma de disc, amb gruixàries diferents, que forma generalment uns cercles concèntrics de diferents intensitats de color donades per les diferències de gruix ; el seu centre acostuma a ser la part mès sobresortint i, per tant, de color mès intens.


























Si l’on souhaite réaliser un vitrail, sans dessin, sans grisaille ou autre carton, et mieux sans verre, il suffit d’aligner des cives régulièrement, à l’intérieur d’un cadre de porte : en voici quelques exemples dans le Palau de Baro de Quadras, 373 de la Diagonal, exactement la même technique que la Casa Amatller.











On peut aussi créer des appliques ; des suspensions : il suffit (si l’on peut dire) de confectionner une forme en cuivre, de réserver dedans des orifices circulaires, que l’on obturera en y insérant des cives. Voilà les éclairages de la Casa Amatller : effet lumineux garanti !
 
  






















Poursuivant notre promenade (le nez en l’air) dans Barcelone, nous suivons la ruta del modernisme, balisée dans les pavés des trottoirs par le signe :

Attention, la dite route compte 116 obras, on ne peut donc tout visiter en une seule fois : c’est le truc que j’ai trouvé pour revenir à Barcelone !

La prochaine fois, je vous emmène au 475 Gran Via de les Corts Catalanes,

Casa de la Lactancia !



mercredi 24 octobre 2012

Happy Birthday


Jean-Jacques et Françoise m’ont offert une carte électronique de Jackie Lawson, vous savez ces merveilleuses cartes animées : on part d’un dessin au crayon, des papillons, ça commence par un Machaon. Un pinceau s’agite sur l’écran, et peint les ailes comme en vrai. Arrive un Paon du jour, exactement comme ceux qui tournent en ce moment autour de la maison, repèrent la fenêtre ouverte tellement le soleil est radieux, et demandent à entrer pour passer l’hiver au chaud. Et puis ça vole dans tous les coins (de l’écran), le tout sur une jolie musique. Il arrive deux Argus, puis le top, un Apatura Iris ! C’est a-do-ra-ble, et j’ai compris que quand les papillons auront définitivement disparu, on pourra se consoler grâce à ces cartes postales (dématérialisées et) animées.

Revoyant Machaon, j’ai pensé immédiatement à celui d’Henri Bergé : il l’avait réalisé, sans doute vers 1900, pour une maison de Malzéville, commune de 8000 habitants en Meurthe et Moselle, précisément rue Gambetta. Ce qui est super, c’est que la propriétaire soucieuse de s’équiper de double-vitrages a fait déposer le vitrail, et l’a donné au Musée de l’Ecole de Nancy où il est toujours. Il fallait le démonter sans le casser, le transporter or il est très grand, et éviter de le fêler à nouveau en le rangeant sur place ! Réussi !


On a ainsi la preuve qu’à l’époque, Machaon volait dans le jardin botanique proche de la manufacture Daum ! C'est un peu dommage que le peintre n'ait pas pensé à faire figurer la plante nourricière, mais je pinaille sans doute un peu ! Le vitrail s'appelle "la lecture", et les yeux de tout un chacun sont aspirés naturellement par la poitrine de la lectrice, qui quitte des yeux momentanément (pour humer le parfum des capucines) le livre posé sur le banc de pierre à sa droite. C'est l'automne à Nancy (les fougères sont fanées) et il fait très chaud cette année là. Elle n'a pas l'air de prêter la moindre attention au couple de Machaon qui l'entoure, elle ne se rend pas compte de la chance qui est la sienne.


celui-ci est l'agrandissement de gauche, avec la signature en haut à droite



et voici celui de droite

J’aurai donc eu plusieurs Machaon pour mon anniversaire,

C’est pour moi un heureux présage, car...

...on ne reverra les prochains qu'au printemps 2013 !

lundi 22 octobre 2012

Château Cayla

















Maurice,  Eugénie,  le petit chien

Comme nous sommes proches de Caussade, une petite ballade dans le Tarn s’impose vite, avec ce beau temps. L’idée consiste à se rendre nulle part (je suis méchant) c’est à dire à 81140 Andillac (vous n’en avez jamais entendu parler ?) au Château du Cayla (il n’y a rien d’autre). Le Conseil Général a racheté le domaine, pour en faire le Musée Maurice et Eugénie de Guérin. Le trajet nous fait passer par Puycelsi, un village adorable sur une colline. Puis par Bruniquel (château bâti sur la falaise). Nous passons devant l’abri préhistorique, juste pour saluer nos ancêtres magdaléniens. J’ai acheté autrefois chez Deyrolles un propulseur en os de renne provenant justement de cet abri, qui est donc cher à mon cœur quand je le contemple tous les jours dans mon cabinet de curiosités perso.




Car il y a (aussi) un cabinet de curiosités dans le Château, je vais vous en montrer des morceaux des murs et des vitrines tout à l’heure, mais commencement par le commencement.


Car l’idée du musée est la suivante : nous sommes dans les années 1800, dans ce fin fond du monde qu’est  la France profonde. Pour se déplacer : de simples voitures à cheval, on réfléchit que le voyage de l’année doit être se rendre à Gaillac pour y acheter des vêtements. On se rend à Paris en novembre 1838, le voyage d’une vie pour le mariage de Maurice. Pour le reste, on vit en autarcie sur le domaine sans doute très grand à l’époque : quarante hectares. Les distractions ? pas de télé (on ne voit pas aujourd’hui comment on pourrait s’en passer). Pas d’Europe numéro UN à la radio. Pas de portable ni même de fixe pour appeler le médecin. Pas d’électricité, il faut des bougies partout. Pas de chauffage non plus, les cheminées doivent suffire malgré des pièces de quatre mètres de haut, pas spécialement isolées thermiquement. Pas d’électroménager dans la cuisine où couche la cuisinière. Toilettes sommaires et toilette itou. Les domestiques remplissent tous les jours les brocs en faïence des chambres, avec de l'eau puisée au puits.



















Alors quoi faire de ses journées ? Eh bien, tout bonnement vivre, réfléchir à la vie qu’on mène. Et écrire, penser, méditer, prose et vers, tout est prétexte au travail de l’esprit. Femme de lettres, Eugénie de Guérin est la sœur aînée du poète Maurice de Guérin, avec qui elle entretient une correspondance. Maurice, ami de Barbey d’Aurevilly, est contemporain de Lamartine. Il est connu pour le Centaure et la Bacchante. Un journal, des notes quotidiennes. Je comprends que mon blog est la reprise du journal des Guérin, et cela me donne de la considération pour le-dit blog, il faut que je pense davantage à l’orthographe, et surtout au contenu.


Nous sommes accueillis par Madame la Préfète du Tarn, j’exagère un peu (comme d’habitude), en réalité elle vient d’inaugurer je ne sais quelle plaque, et sa cour finit un pot avec champagne et petits fours, profitant de ce qu’elle est partie rejoindre sa Préfecture n’oublions pas que nous sommes samedi. Vu la prestance de notre entrée (puisque nous sommes quatre belles personnes à sonner à l’huis), Patrick Galet Costa nous fait les honneurs du logis et nous convie à finir deux desserts délicieux que je partage en quatre avec le Pradel Excellence cri-cri qui ne me quitte jamais. Vous ne connaissez pas ce couteau à cran d’arrêt génial (et français) qui est orné d’un grillon sur le manche). Nous passons d’une cuisine accueillante, avec son tournebroche et ses bain-marie (à nouveau c’est sur une paillasse au sens étymologique du terme que couchait la cuisinière, c’est à dire un sac rempli de feuilles sèches de maïs formant bourrage) aux pièces de réception, puis aux chambres.


Tout le logis tourne autour d’un escalier latéral, à vis, dans la tour ronde coiffée d’un joli toit conique. Dedans les pièces sont chaleureuses, des tapisseries en toile qu’on dirait de Jouy, des armoires vitrées pleines d’atours. Et des pensées, les pensées des hôtes, tapissent les murs, des murs qui parlent. Nous racontent les journées, les pensées, les émotions, les millions de minutes vécues par Eugénie, dans une plénitude de l’esprit (qu’on aimerait retrouver aujourd’hui).



Je décide au retour de fermer la télé, et de me mettre à écrire.

(et même sur les murs)

J’aurai au moins identifié l’essentiel, l'essentiel de ce que peut être
une vie

Pour trois Euros la visite (par personne)

La paix de l’âme ici n’est pas bien chère,

mais elle vaut beaucoup !