vendredi 18 septembre 2020

Saoule, gouffre de l'Enfer ? (1)


Notre petit groupe constitué cet été vient de clore ses investigations sur la re-découverte qui nous tient à coeur : la desserte en eau de Lugdunum convenarum. les photos forment un petit tas sur l'aqueduc de Tibiran, je vais vous montrer plus bas les dernières en date. Les Parisiens-du-Comminges venus dans leur maison familiale repartent à Paris, mais les locaux restent, dont votre serviteur, ainsi que notre ami spéléologue, dont la présence est si précieuse pour les autres, car lui seul sait crapahuter sous la terre, et nous faire profiter de la particularité de nos ressources karstiques.(PS1)

Car la particularité de nos Pyrénées centrales, est que nous sommes dans un calcaire faillé, riche de grottes ayant abrité nos ancêtres, et riche d'une circulation d'eau qui n'est pas uniquement thermale. Allez savoir pourquoi, dans ces collines impénétrables aux photos aériennes de google-map, existent des rivières comme l'Ourse de Ferrère et même des fleuves puisque c'est le cas du riu Garona. L'eau de pluie s'infiltre, et ressort on ne sait pourquoi sous forme de cascades et torrents dans des résurgences comme le Poudac de Generest dont je vous ai parlé.(PS2)

Dans les environs de Lugdunum, ce n'est pas le seul gouffre, ce n'est pas la seule résurgence. Un peu plus au sud, une promenade connue des marcheurs est le Gouffre de la Saoule, dans lequel l'Ourse s'engage pour sortir en cascade, au travers d'une arche très photogénique. Nous sommes à Mauléon Barousse, Mau-léon nous rappelle notre guide l'Evêque Jean de Mauvais-lion, le constructeur des merveilleuses stalles de la Cathédrale de saint-Bertrand que nous visitons à la Saint-Jean d'hiver.





Il y a des arches. Il y a la rivière. Il y a un décor, décor qui n'attend que quelques allégories aux Dieux et fées antiques pour devenir une ode à la Création ...  et aux entrailles de la terre !





il y avait même la source du sang, qui véhiculait des oxydes de fer teintant l'eau en rouge


La tentation est grande quand on vient sur place, obligé de laisser la voiture un peu loin, puis de marcher à pied, et qu'on n'y connait pas grand chose en spéléologie, d'évoquer les ténèbres souterraines : d'où vient donc cette eau mystérieuse des profondeurs, où donc va-t-elle ? et d'appeler au secours la mémoire de Norbert Casteret pour qu'il jette devant nous des copeaux de bois ou des bidons de fluorescéine verte, afin de retrouver à l'aval la sciure ou la couleur verte qui vont confirmer d'où vient l'eau de surface.

Les férus de mythologie vont évidemment invoquer l'Enfer, avec le fleuve Styx, Charon sur sa barque, à qui il faut donner une pièce pour qu'il vous emmène là-bas, mais surtout qu'il vous ramène, car sortir des Enfers n'est pas donné à tout le monde ! (PS4)

Je vous avais promis nos nouvelles photos. Je n'en ai que deux

Nous sommes à Tibiran, au lavoir, situé au point bas de la résurgence actuelle qui est à droite. Au-dessus, très précisément la hauteur du remblai romain de 3,3 mètres, la "captation" artificielle a créé une dérivation enterrée constituée de 4 dalles de marbre de 3,1m de long débouchant dans la veine d'eau souterraine. Nous sommes bien d'accord : si cette veine d'eau se remplit depuis le poudac de Générest, elle va dériver sous la captation par le principe des vases communicants, et celle-ci va "dégueuler" au sens propre du terme, en cherchant à remplir le canal départ de l'aqueduc romain, et le remettre en eau. Or cette manoeuvre est impossible le canal étant rempli de 1,1m de terre ! Quand cela se passe en Provence, on cure le canal tout bêtement. Ici, cela est interdit, car ce curage devient une "prospection archéologique" et doit faire l'objet d'une demande (prévue) suivie d'une autorisation en retour, qui suppose que la demande soit faite, ce qui est imminent.

En l'absence de canal aval, la captation déborde où elle peut, voici depuis le bas deux images de ce débordement. 

la première impression (et la bonne) est que le débit est en effet impressionnant...

... pour un ouvrage de 2045 ans !

la cascade vient bien du haut du talus, même si on ne voit pas fonctionner la captation cachée
on se rapproche, tout en restant au niveau bas. La captation se situe entre les arbres, obstruée par les palettes.
la bonne palette est celle le plus à droite
Une prochaine fois, il est prévu qu'à la prochaine crue, je fasse voler le drone au-dessus de la résurgence


Vous êtes maintenant préparés à ce que

le gouffre de la Saoule, fasse penser à l'entrée des Enfers

Vous seriez poètes, cela ne vous causerait aucune difficulté

Il s'agirait de Baudelaire, encore plus facile !

                                                                              Don Juan aux enfers

                                                              Quand Don Juan descendit vers l'onde souterraine
                                                              Et lorsqu'il eut donné son obole à Charon,
                                                              Un sombre mendiant, l'oeil fier comme Antisthène,
                                                              D'un bras vengeur et fort saisit chaque aviron.

pour un peintre du niveau de Rixens, habitant Saint-Bertrand de Commminges

encore plus facile

je vous explique... demain !


PS (1) à la fin de l'épisode 9, j'ai indiqué les liens vers les 8 premiers billets

les premières photos couleur de l'intérieur de la captation

PS (2)
le poudac de Generest

PS (3) quelques clins d'oeil

PS (4) pour retrouver Persephone (avec son corset, ses ailes de morpho, et sa taille de guêpe) :
http://babone5go2.blogspot.com/2016/04/2-avril-2016.html
https://babone5go2.blogspot.com/2018/03/le-mythe-deleusis.html