Hier je m'interrogeais : le gouffre de la Saoule peut-il illustrer les Enfers ? Ma réponse est oui. Je vous propose une fiction (absolue) : je me mets dans la peau de Charles Baudelaire : nous sommes en 1857, la photo a été inventée, je tiens à ce détail. Je vous rappelle que Don Juan aux enfers est le quinzième poème de Spleen et
Idéal de Charles Baudelaire paru dans Les Fleurs du mal en 1857 justement.
Attendez où cela se corse dixit Wikipedia : -"Peignant en cinq quatrains tour à
tour Don Juan, Sganarelle, son valet, Don Luis, Elvire, son amante, et la
statue de pierre de la pièce de Molière, Baudelaire prolonge le mythe
littéraire de Don Juan en choisissant de raconter sa descente aux Enfers grecs".
Un détail sur lequel je vais revenir : -"L’atmosphère lugubre et fantastique qui s’en dégage a pu être inspirée
notamment par deux tableaux d’Eugène Delacroix, La Barque de Dante et Le
Naufrage de Don Juan".
Je vous ressors le premier quatrain cité hier :
Quand Don Juan descendit vers l'onde souterraine
Et lorsqu'il eut donné son obole à Charon,
Un sombre mendiant, l'oeil fier comme Antisthène,
D'un bras vengeur et fort saisit chaque aviron.
Vous imaginez (dans votre tête) le tableau en lisant ? Une onde souterraine. Charon doit être sur sa barque, ses avirons, maniés par un rameur. Un sombre mendiant, je serais peintre, je commencerais à imaginer une esquisse, avec un décor au fond.
Que va faire Delacroix ?
la barque de Dante ou Virgile aux enfers |
la barque de don Juan est plus appropriée au poème de Baudelaire, mais pas de personnages, de statue du Commandeur, on doit pouvoir faire mieux ! |
Tant qu'à faire, mais nous nous éloignons du sujet, la Lutte pour la vie qui est une autre forme du Radeau de la méduse me conviendrait mieux, une pléthore de femmes nues, jetées à l'eau par les mecs, mais pas de Don Juan !
Je vous ai habitué aux digressions, et vous vous demandez à quoi je veux en venir ? Surtout avec mon gouffre de la Saoule d'hier ?
Il existe un peintre que j'aime bien,
Jean-André Rixens,
la preuve : ce billet qui a sept ans !
https://babone5go2.blogspot.com/2013/07/rixens.html. Une fois encore, ses oeuvres sont exposées au musée des Pyrénées Centrales, il faut dire que c'est un enfant du pays puisque né à Saint-Gaudens, d'un père cordonnier (comme Augustus Saint-Gaudens d'ailleurs, bien qu'il n'y ait aucun rapport).
Comme nos amis vacanciers descendus au pays, il ne tarde pas à "monter à Paris" où il habite rue de Mogador, un appartement Haussmannien haut de plafond, pratique pour accrocher les toiles.
au salon des Beaux Arts, derrière, la Diane de Falguière |
la preuve que quand je visite l'exposition, je bosse :
et notre peintre peint, les sujets locaux, forcément le pont sur la Garonne à Saint-Béat
et tout ce qui l'entoure, sa famille, sa femme Eugénie, ses trois filles ; cet attelage, les paysages du coin
l'aveugle de Saint Aventin
les plafonds du Capitole de Toulouse
... et puis il y a Flumina (super)
Vous avez bien noté, comme moi, que Rixens habitait l'été l'ancien Palais épiscopal de Saint-Bertrand. Il parcourait les environs comme je le fais aujourd'hui, et connaissait ces histoires de gouffres évoquant l'enfer, comme celui de la Saoule.
A force de fouiller, je trouve ce document, présentant l'exposition de 2010 rue Sainte Anne à Paris :
https://sites.google.com/site/galeriehahnemeric/home |
voilà au détour des pages
André Rixens, comme Delacroix, et tant d'autres ...
... a donc illustré Don Juan aux Enfers !
... a donc illustré Don Juan aux Enfers !
Je cherche dans les archives de Philippe Rouillac la vente du 16 janvier 2005
erreur, le lot 150 a été présenté le lendemain lundi 17 janvier 2005 il n'y a pas de prix : a-t-il été vendu ? |
un beau format, 116 x 81 cm |
attendez ! J'entends Luchini me souffler à l'oreille : -"c'est é-nor-me ! ! "
je reconnais le décor du gouffre de la Saoule !
je trouve ce commentaire dans une autre note sur le peintre, le peintre de la mort de Cléopâtre exposé aux Augustins dans la ténébritude des hauts plafonds du célèbre Musée
il y a la première strophe :
Quand Don Juan descendit vers l'onde souterraine
Et lorsqu'il eut donné son obole à Charon,
Un sombre mendiant, l'oeil fier comme Antisthène,
D'un bras vengeur et fort saisit chaque aviron.
Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes,
Des femmes se tordaient sous le noir firmament,
Et, comme un grand troupeau de victimes offertes,
Derrière lui traînaient un long gémissement
Derrière lui traînaient un long gémissement
voici au centre le nu dont je vous montrais l'esquisse plus haut : finalement, Rixens lui a donné ses deux bras pour s'accrocher au plat bord de la barque |
Tandis que Don Luis avec un doigt tremblant
Montrait à tous les morts errant sur les rivages
Le fils audacieux qui railla son front blanc.
Frissonnant sous son deuil, la chaste et maigre Elvire,
Près de l'époux perfide et qui fut son amant,
Semblait lui réclamer un suprême sourire
Où brillât la douceur de son premier serment.
Tout droit dans son armure, un grand homme de pierre
Se tenait à la barre et coupait le flot noir,
Mais le calme héros, courbé sur sa rapière,
Regardait le sillage et ne daignait rien voir.
signé en bas à droite,
Rixens a quarante ans !
vous comprenez maintenant pourquoi il est toujours temps
de visiter l'exposition
du musée de Saint-Gaudens ?