dimanche 6 septembre 2020

Les Goyesques d'Arles


L'oncle Ernest, qui avait épousé notre tante Augusta, (nom antique et prestigieux s'il en est) et résidait à 40350 Mimbaste, n'aurait pas supporté que le virus le prive des fêtes de Dax. Surtout de la corrida.  Homme paisible, il adorait les courses de taureaux, non pas comme un spectacle, mais comme une tragédie. Je ne suis pas allé à une corrida depuis des dizaines d'années, et n'y retournerai sans doute jamais, mais quitte à me faire haïr des foules, je comprends la corrida. Derrière le sang et les larmes, ainsi que le sacrifice rituel du taureau, je rattache la corrida à la tradition minoenne dont je vous ai déjà parlé, à cette légende de Thésée qui tue le Minotaure, le symbole du mal absolu, un monstre à qui l'on sacrifiait tous les ans des jeunes gens innocents, pratique qu'il fallait bien stopper. Après mes billets sur le labyrinthe (PS 1), voilà que National Géographic reprend un article d'Amaranta Sbardella sur ce sujet éternel.

George Frederic Watts représente en 1885 le Minotaure écrasant un oiseau chanteur « pour manifester ainsi la bestialité brutale de l'homme ». Tate Gallery, Londres - voir PS2

 un jeune parmi les 7 garçons et 7 filles d'Athènes promis à être dévorés par le monstre remercie Thésée de l'avoir sauvé

la fausse vache dont s'est servi Pasiphae pour séduire le taureau envoyé par Poséidon pour être sacrifié ...tu parles, il aura généré le monstre !  en bas à gauche (Pompéi)
Pompéi agrandi : Thésée a ramené le Minotaure mort (dans l'embrasure de la porte) ouf c'est fini !

tout aura commencé à cause d'Europe, ou plutôt de Zeus qui l'a séduite, pour lui donner leur fils Minos !

le beau rôle dans cette histoire appartient à Ariane, tombée raide-dingue de Thésée à qui elle donne une pelote de fil, une astuce de Dédale. L'homme même héros est imparfait : Thésée larguera Ariane, et sa propre soeur Egée qu'il devait épouser : faute de cette promesse, elle se jettera dans la mer du même nom. Pelagio Palagi. Galerie d'art moderne, Bologne

Le minotaure est cruel ; Thésée le héros n'est pas tendre en amour...La corrida est cruelle ... la vie est cruelle; la peine de mort abolie en droit, les faits divers abondent de victimes innocentes tuées par des brutes pratiquant pour leur propre compte la peine de mort ; ou des fanatiques ; de brutes cassant les voitures, pour j'imagine servir d'exutoire à leur haine, à l'exaltation de leur sauvagerie, qu'ils finissent par exercer contre l'autorité, les forces de l'ordre, commuées en victimes expiatoires ! Les Romains encourageaient ce genre de défoulements lors des jeux du cirque. Le combat de la vie et de la mort. J'imagine la corrida comme l'exutoire de la bataille ancestrale du bien contre le mal. Au musée d'Aléria, en Corse, Heracles lui aussi combat et vainc le taureau


La vie c'est le soleil du jour, contre les ténèbres de la nuit : sol i ombre. Le taureau noir est à sont corps défendant le symbole du mal. L'homme civilisé fait face à la bête, symbole de bêt...ise. Evidemment que le taureau est un bouc émissaire, et qu'il n'y est pour rien ! Evidemment je l'aime ce taureau vivant libre dans ses prés marécageux ! Mais il devient, le temps d'une tragédie grecque dans une arène devenue scène de théâtre, la représentation du mal. Du mal en nous ! Normal que le torero représente le bien, et finisse par vaincre ! Le torero c'est Thésée. La vertu en avant, c'est la maitrise de soi ? La force morale ?


Nous avons été Arlésiens, et Arles prépare les fêtes du riz, le riz culture emblématique en cette époque où nombreux font semblant de vouloir relocaliser sur notre sol les productions émigrées dans les pays à bas coût de main d'oeuvre : la Camargue reste depuis la seconde guerre notre source d'approvisionnement de riz, face à l'oncle Ben d'un côté, aux riz asiatiques de l'autre.






je préfère les arènes d'Arles pleines

à Eljem vide


Et dans ce pays de traditions, la corrida est un symbole millénaire : une célébration de la victoire du bien sur le mal. Dépassons donc le spectacle au premier degré !

Les Goyesques d'Arles, décorées par Lacroix

quel spectacle

c'est la tragédie de la vie sur terre

la bataille du bien contre le mal

... du moins si cela se passe bien...!




PS (1)

PS (2)
Watts, un peintre allégorique qui a utilisé l'art pour transmettre des messages moraux, utilise le caractère du Minotaure pour signifier la bestialité de l'homme et en particulier la luxure masculine. 

La création et la signification du Minotaure peuvent être attribuées aux croisades de pureté sociale contre la prostitution des enfants, qui ont conduit en 1885 à l'adoption de la loi d'amendement du droit pénal et à l'augmentation de l'âge du consentement de treize à seize ans. Au premier rang de ces croisades se trouvait la figure de WT Stead (1849-1912), dont la série d'articles sur le commerce londonien de la prostitution enfantine a été publiée dans la Pall Mall Gazetteen juillet 1885 sous le titre «The Maiden Tribute of Modern Babylon». Les références explicites de Stead au mythe grec du Minotaure tout au long de son exposé ont inspiré le sujet de la peinture de Watts: «L'appétit du minotaure de Londres est insatiable», écrit Stead ; `` Si les filles du peuple doivent être servies comme des morceaux délicats pour servir les passions des riches, qu'ils atteignent au moins un âge où elles peuvent comprendre la nature du sacrifice qu'on leur demande de faire '' (cité dans Mathews , p. 339). L'amie proche de Watt, Mme Russell Barrington, raconte comment Le Minotaure a été peint avec une rapidité inhabituelle tôt le matin en réponse à «un sujet douloureux» qui «avait rempli l'un des journaux du soir»;(Barrington, pages 38 à 9). Lors de la première exposition du Minotaure , lors de l'exposition d'automne de Liverpool en 1885, Watts expliqua que son but en peignant était de «résister à la détestation du bestial et du brutal» (cité dans Art Journal , 1885, p. 322). Le Minotaure faisait partie de ces œuvres que Watts a consacrées à la nation britannique en 1897 et qui sont maintenant conservées dans la collection Tate. Mammon (Tate N01630 ), une invective moralisatrice contre les maux de la cupidité matérielle, en est une autre. Rebecca Virag Mars 2001