invité du Crédit
Agricole d’Aquitaine le 10 mai 2016
Je ne regarde plus la
télé la nuit : je lis !
Vous connaissez Nicolas Bouzou :
je le suis de temps en temps sur C dans l’air, qui s’est délocalisé d’ailleurs
sur la 26, son émission étant reprise sur la 5 avec un autre nom, et d’autres
animateurs tentant d’imiter Calvi : les copies ne valent pas l’original !
Il m’est arrivé souvent d’apprendre
des choses révélatrices sur la vie grâce aux Assemblées Générales du Crédit
Agricole : cela continue avec l’AG organisée le 10 mai 2016 à Bordeaux :
à l’affiche Nicolas (non l’autre, Bouzou), et ses propos sur son dernier
bouquin : « l’Innovation sauvera le monde ».
Il ne faut pas du tout être mortifère, en prétendant que tout va mal :
"L'idée que c'était mieux avant est mortifère pour notre société. Ce n'est
pas vrai que c'était mieux avant. Les données existantes, qu'elles soient
économiques, sanitaires, environnementales, etc., le démontrent. Cette idée du
c'était mieux avant est d'autant plus mortifère que le monde que l'on doit
construire est entièrement nouveau dans les domaines de l'économie, de la santé,
de l'environnement...", a ainsi averti l'économiste.
Pour approfondir son propos et
lui donner une épaisseur quasi géologique, Nicolas Bouzou, s'est livré à
radiographier aux rayons X la vague numérique, qui est en train de déstructurer
le monde dans lequel nous vivons.
"Je n'aime pas le mot
révolution, qui implique une rotation à 360°, mais plutôt celui de mutation,
qui montre que l'on ne pourra pas faire machine arrière. Cette mutation sera la
cinquième vécue par le genre humain", annonce Nicolas Bouzou.
L'économiste identifie ainsi le
basculement de l'humanité dans l'ère néolithique, environ 10.000 ans avant
Jésus-Christ, avec l'apparition de l'agriculture et de la domestication des
animaux, comme la première de ces cinq mutations majeures.
"Cela va bien au-delà d'un
simple changement économique, car avec la sédentarisation vont se poser les
premières questions de propriété, de patrimoine, de logement", a observé
l'orateur. Après ce choc majeur entre nomades et premières populations sédentaires,
le conférencier a abordé la deuxième mutation. Il s'agit de la première
séquence de mondialisation.
"Elle a lieu pendant
l'Antiquité, en Grèce, pendant "Le Siècle de Périclès". Le port du
Pirée à Athènes, qui a près de 2.500 ans, en a été le témoin. Cette irruption
du grand commerce est aussi importante que le début de l'agriculture,
puisqu'elle permet d'exporter des vivres au-delà des mers, jusqu'à Jéricho, qui
est alors un ville-monde. Sur le plan social c'est énorme car on entre dans le
monde de l'argent, après celui du troc, avec le début de formes ancestrales de
la banque", focalise l'économiste.
La troisième mutation qu'il
pointe est celle de la Renaissance. Evoquant l'invention de l'imprimerie par
Gutenberg, Nicolas Bouzou n'hésite pas à évoquer "l'industrie
allemande". Il insiste surtout pour bien faire comprendre que la
Renaissance telle que nous la considérons aujourd'hui, comme une brillante
sortie du Moyen-âge, n'est pas considérée de la même manière "selon le
côté de la barrière où l'on se trouve alors" puisque tout un monde - comme
celui des copistes - s'effondrait.
"Quand vous êtes au début
d'une vague d'innovation, vous êtes angoissé. C'est normal et on le voit
aujourd'hui par exemple chez les chauffeurs de taxi face à Uber, et pas
seulement en France ! Freud, dans "Introduction à la psychanalyse",
parle des blessures narcissiques que provoque sur l'individu le rapide
changement du monde, qui dégrade la vision que l'Homme a de lui-même", estime Nicolas Bouzou, avant d'évoquer la déflagration psychologique et
culturelle provoquée par le passage d'une terre plate située au centre de
l'univers à une planète ronde en mouvement autour du soleil.
Une vague à quatre étages
"La quatrième mutation est
celle de la révolution industrielle, celle de la machine à vapeur, de
l'électricité, de la voiture... la Belle époque en somme, qui ne l'était pas
pour tous ceux qui la vivaient. Avec en plus, comme le souligne Freud, une
autre déflagration, celle de Darwin, où l'on voit qu'au lieu de descendre du
Ciel, l'Homme vient du singe !", insiste l'économiste.
Etait-ce si cool avant ? |
L'occasion pour Nicolas Bouzou de
revenir au présent et d'aborder la cinquième mutation que nous vivons,
"sans doute la plus importante de toutes" résumée par l'acronyme
N.B.I.C, soit N pour nanotechnologies, B pour Biotechnologies, I pour information
et C pour sciences cognitives, ou intelligence artificielle.
"Cette vague NBIC se compose
de quatre strates. La partie de la vague qui retombe aujourd'hui c'est la plus
vieille puisqu'il s'agit de la numérisation des contenus, qui date de la fin
des années 1990. Le sommet de la vague est occupé par l'Ubérisation, soit la
numérisation des accès aux services. Ce haut de la
vague vous pouvez le réguler, poursuit-il, mais pas le dissoudre. La partie de
la vague qui monte, la troisième strate, c'est l'Internet des objets. Cet
avatar de l'intelligence artificielle va connecter entre eux des milliards
d'objets. L'avantage c'est que, de façon apparente, cela va faire disparaître
la technologie de votre vie, car ce sont les objets qui vont prendre les
décisions. La partie de la vague qui n'a pas commencé à monter, la quatrième
strate, c'est celle du transhumanisme".
Platon contre la violence
Nicolas Bouzou explique que cette
quatrième strate, qui promet d'allonger considérablement la durée de la vie
grâce à la technologie, se développe au sein de la médecine, avec l'apparition
de nouvelles molécules capables de guérir d'un cancer de la peau ou des
poumons.
"Le transhumanisme fait peur
en France mais moi j'achète. J'achète parce que ce sera à vendre. Chacun vit sa
vie et même quand nous aurons résolu les questions de la maladie, de la
vieillesse, des accidents, vous pourrez toujours sauter par la fenêtre...",
s'amuse l'économiste, cédant peut-être à un petit excès d'optimisme.
Même s'il peut sembler
improbable, à cause de la dynamique complexité du vivant, que l'Homme en
finisse un jour avec les maladies somatiques, il fait peu de doute que de
nouveaux grands progrès seront faits dans ce domaine. Tous ces progrès, qui
remodèlent des pans entiers de la réalité, vont de pair avec des destructions
qui elles-mêmes génèrent des conflits, bénins selon l'économiste, comme celui
des taxis et des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), où violents, avec
l'éclosion de dictateurs sanguinaires.
Pour éviter ce type de conflit,
l'économiste conseille de se vouer à sa sphère intime, à ses enfants, sa
famille, pour voir à quoi va leur servir la révolution NBIC. L'économiste se
penche ensuite sur la pensée philosophique et en particulier celle de Platon et
de ses quatre vertus cardinales ("La République"), qui sont :
"courage, justice, tempérance, régulation".
Pour ne pas rester ballots dans
le « chaos du monde », il plaide pour une transversalité de la
pensée, qui mêle économie, histoire et philosophie.
Au-delà de l’innovation, l’amour, la vertu et l’art sauveront le monde !
J’aurais pu écrire cela !
Dans le Figaro magazine du 2
septembre, Marie-Laetitia Bonavita, dont j’écris avec gourmandise le délicieux nom
Corse, présente le bouquin de Nicolas (ne vous trompez pas de Nicolas), avec
une allusion au discours du pape François (ne vous trompez pas non plus de
François !) au Parlement de Strasbourg le 25 novembre 2014. Il fait
allusion (le pape) à l’Ecole d’Athènes, la fresque de Raphaël qui orne le
Vatican.
Celle-là, je l’ai vue
cette nuit en visitant (virtuellement) Rome une fois de plus.
Au cas où, vous, vous
dormiriez la nuit
Je vais être sympa,
et vous la montrer en détails :
Raphaël représente Platon, et
tous les penseurs de la Scuola di Atene : c’est prodigieux, l’Europe a
toujours à se construire autour de ses valeurs, ceux des 23 noms célèbres
et oubliés à la fois de cette Ecole grecque.
à suivre
Nous sommes loin d’être perdus
si nous décryptons le monde tel qu’il évolue !
les 23 noms : je détaille une prochaine fois ! |