Dante Gabriel Rossetti
qu'elle soit Vénus ou Eve, elle aime les citrons !
Elle tient la pomme dans sa main pour toi,
Dans son cœur pourtant elle irait presque la reprendre,
Elle a un air songeur, ses yeux en quête
De ce qu’ils peuvent voir dans ton esprit.
Peut-être : « Regarde, il est en paix », dit-elle ;
« Hélas ! La pomme pour ses lèvres : le trait
Qui suit sa brève douceur en son cœur,
L’errance perpétuelle de ses pas ! »
Un instant son regard est suspendu et timide ;
Mais si elle donne le fruit qui contient son charme,
Ses yeux s’enflammeront comme pour son garçon phrygien.
Puis sa gorge d’oiseau tendue prédit le malheur,
Et ses mers lointaines gémissent comme un unique coquillage,
Et son bosquet luit des feux de Troie embrasée par l’amour. »
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She hath the apple in her hand for thee,
Yet almost in her heart would hold it back;
She muses, with her eyes upon the track
Of that which in thy spirit they can see.
Haply, 'Behold, he is at peace,' saith she;
'Alas! the apple for his lips, - the dart
That follows its brief sweetness to his heart,-
The wandering of his feet perpetually!'
A little space her glance is still and coy;
But if she give the fruit that works her spell,
Those eyes shall flame as for her Phrygian boy.
Then shall her bird's strained throat the woe foretell,
And her far seas moan as a single shell,
And through her dark grove strike the light of Troy. |
non seulement il peignait, mais Rossetti écrivait des poèmes |
On sait que Rossetti réalisa
quatre versions de ce portrait (huile, aquarelle…), dont cette huile est la
plus célèbre (1864-1868). Elle représente la déesse de l’Amour, Aphrodite chez
les Grecs, et Vénus chez les Romains. Le titre, Vénus Verticordia, est une des
nombreuses épiclèses de la déesse, connue sous les noms d’Anadyomène,
Amathusie, Cypris, Cythérée, Erycine, ou encore Acidale. L’adjectif latin
"verticordia" signifie « qui change les cœurs ».
"Cette toile est représentative du
syncrétisme exprimé par le peintre dans nombre de ses tableaux. Il associe
clairement la tradition païenne aux racines chrétiennes. Vénus (sous les traits
d’Alexa Wilding, un des modèles favoris du peintre) est en effet représentée
nue, en buste, portant une pomme dans la main gauche et une flèche dans la main
droite".
"Si le fruit évoque bien évidemment Eve et le péché originel, il évoque
aussi le jugement de Pâris. Invité par Aphrodite, Athéna et Héra à remettre «
la pomme de discorde » à la plus belle déesse de l’Olympe, le fils de Priam et
d’Hécube choisit Aphrodite, qui lui permit d’enlever Hélène, la femme de
Ménélas. On sait que cet amour fut à l’origine de la guerre de Troie. Par
ailleurs, la flèche est l’attribut de Cupidon, dieu de l’Amour, fils de Mars et
de Vénus, habile au maniement de l’arc dès son plus jeune âge. Les papillons
jaunes, (ce sont des citrons) disposés dans l’orbe de l’auréole, sur la flèche et la pomme,
symbolisent la métamorphose vers l’amour le plus pur mais, sans doute, aussi
l’inconstance de la femme". Je vous ai cité le texte de Sotheby.
Moi je vois que Vénus (enfin Eve) a une âme,
de la forme la plus rigoureuse qui soit...!
On raconte que la plupart des amis du peintre n’aimèrent pas
le tableau, trouvant pour certains que la chevelure ressemblait à une vilaine
perruque. Selon Waugh, le biographe de Rossetti, Valpy, un de ses principaux
acheteurs, refusa de l’acheter à cause de la nudité du personnage.
Le tableau séduit particulièrement par le travail sur les
roses et le chèvrefeuille, dans l’éclat rouge de leur floraison. Rossetti
aurait dépensé des fortunes pour se procurer les fleurs, exigeant à chaque fois
les plus épanouies.
Ruskin, quant à lui, fut choqué
par la sensualité de la toile mais sa pudibonderie l’empêcha de la dénoncer
précisément. Il préféra critiquer la vulgarité des fleurs. Mais, ainsi que le
dit alors Graham Robertson dans une lettre à un ami : « S’il fallait écouter
les ragots que l’on colporte sur les fleurs, le jardinage deviendrait tout
simplement impossible !
Toujours est-il que les nuances
de rouge et de rose de la bouche fermement ourlée, de l'aréole des seins et des
doigts, les dégradés d'orange et de jaune de la pomme, de l'auréole et des
papillons, l'éclatant blond vénitien de la chevelure, l'éclat laiteux de la
peau, confèrent à cette Vénus émergeant d'une conque de fleurs une aura
sensuelle, dont on ne s'étonnera pas qu'elle ait pu choquer les Anglais du
siècle victorien.
il faut faire attention aux reproductions : les couleurs sont plus vives sur celle-ci ! |
Elle vient de se vendre chez Sotheby.
deux millions huit cent mille...£ivres !
Il y en a qui aiment…
PS : pour voir les
papillons :