mardi 18 août 2015

Les premiers papillons

Les papillons dans la peinture (4)

Joris Hoefnagel

Nous sommes en 1597. Evidemment, l’appareil photo n’est pas inventé. La gloire des peintres est de représenter le plus précisément possible les merveilles de la Création, en en tirant la double constatation : le peintre habile est indispensable à la société pour montrer cette création. Création à la gloire du créateur de l’univers qui a inventé toutes ces jolies et multiples choses. On ne connait pas encore le mot : « biodiversité ».

Pour rester dans les écailles chinées, voici deux miniatures à l'aquarelle et la gouache sur vélin, formant une paire, de forme rectangulaire de 22 cm x 33 cm, inscrites au Musée Bruckensthal de Sibiu (en Roumanie) Ce sont :

Vase avec Ancolie et écaille chinée



Vous vous dites aussitôt : que signifie l’inscription en bas au centre de la première planche : "In utroque benignitatem Dei, qui in usum nostrum largitur haec omnia, nulla in re non admirabilis pariter et amabilis."

« Nous admirons la miséricorde de Dieu qui nous accorde tout cela pour notre usage, et se montre dans la moindre des choses aussi admirable qu’aimable ».

L'inscription trouve sa source dans les Colloques d'Érasme, le n° 16 intitulé Le Repas religieux (Convivium Religiosum) : "[16,67] (Eusebius) Non capiebat omnes herbarum species unus hortus. Praeterea bis delectamur, quum pictum florem cum uiuo decertantem uidemus; et in altero miramur artificium naturae, in altero pictoris ingenium: in utroque benignitatem Dei, qui in usum nostrum largitur haec omnia, nulla in re non mirabilis pariter et amabilis. Postremo non semper uiret hortus, non semper uiuunt flosculi. Hic hortus etiam media bruma uiret et adblanditur."

"[16,67] (Eusèbe) Un seul jardin ne pouvait pas contenir toutes les espèces de plantes. D'ailleurs, nous éprouvons un double plaisir en voyant une fleur peinte rivaliser avec une fleur naturelle: nous admirons dans l'une l'habileté de la nature, dans l'autre le talent du peintre, dans toutes deux la bonté de Dieu, qui nous accorde tout cela pour notre usage, et se montre dans les moindres choses aussi admirable qu'aimable. Enfin, les jardins ne sont pas toujours verts, les fleurs ne vivent pas toujours: ce jardin-là, même au coeur de l'hiver, est fleuri et riant. "





Joris Hoefnagel a déjà publié un inventaire de ce que nous appelons aujourd’hui « le vivant » : il mélange tout, petits mammifères, mollusques, batraciens, fleurs et insectes, papillons et carabes, sans oublier les orthoptères libellules mouches et autres bestioles. C’est ainsi que l’on trouve des plantes : des fleurs : Ancolie ; Rose ; Oeillet ; fleur de Pommier ; des fruits : Chataîgnes dans leur bogue ; Physalis alkekengi   (Amour-en-cage) ;  gousse de haricot ; Fèves  ; trochet de deux Noisettes  Corylus maxima ;  Marron ; Pomme ; Abricot.

Un mollusque est fixé en haut à gauche.  Six papillons et une chenille : on retrouve notre écaille chinée. Un demi-deuil.  Une belle dame, un vulcain, et un Machaon : astuce, sous forme de chenille, le second stade, avant la mue finale pour devenir adulte volant.



. Vase au Souci (ou Vase au Paon du jour et au Bombyx Zig-zag).


L’inscription met encore plus en avant que précédemment le talent du peintre :  Bis delectamur cum pictum florem cum vivo decertantem videmus, in altero miramur artificium naturae, in altero pictoris ingenium

 "Nous éprouvons un double plaisir en voyant une fleur peinte rivaliser avec une fleur naturelle: nous admirons dans l'une l'habileté de la nature, dans l'autre le talent du peintre,"

Le papillon central est donc un paon du jour,

le papillon de Io.


une représentation XIXè S
Van Aelst Willem
























une autre représentation de Hoefnagel

sphinx de l'euphorbe et demi-deuil



dans la même veine, d'autres peintres vont reproduire les merveilles de la Création


Pour retrouver Vanessa Io : http://mesamispapillons.blogspot.fr/2011/01/io.html

J'ai été aidé dans les traductions par Jean-Yves Cordier : je croyais avoir inventé la zoonymie des noms de papillons. Il a fait la même chose, mais avec une précision admirable, et lui, il cite ses références !
http://www.lavieb-aile.com/2015/02/deux-miniatures-de-joris-hoefnagel-au-musee-bruckenthal-de-sibiu-roumanie.html



Vous allez retrouver cette diversité chez les flamands


(à suivre)