mercredi 4 septembre 2019

Je me soigne (à) Latoue



Je m'essaie aux jeux de mots, pour trouver un titre accrocheur : vous avez compris que Latoue s'écrit avec un e et pas un x final.(1) Vous saviez que Latoue était une commune voisine célèbre par son château (et son propriétaire). Mais comme moi, vous ignoriez sans doute l'existence de son lavoir, construit sur une source guérisseuse ? Je le sais depuis ma lecture du bouquin de Philippe Andreoli, dont je vous ai parlé s'agissant de Valcabrère.(2)

celui-ci est le tome 2 (voir PS 1 le tome 1)
Alors la veille au soir je recharge toutes les batteries de mon drone, laissé de côté pendant la canicule, et pendant les orages, mais qui va me donner le troisième oeil, celui du ciel, qui m'est nécessaire pour comprendre le contexte : apparemment, tout le monde voit un bête lavoir abandonné par les lavandières, d'une part, et par le bétail d'autre part. Philippe Andreoli voit bien au-delà des apparences, et je cherche à le comprendre, ce qui n'est pas facile pour un béotien.

Je me rends donc sur place, par un matin ensoleillé de cette fin d'août. Comme le soleil se lève à l'Est, je prends pour une fois ma boussole Suisse oubliée depuis des décennies, car Andreoli m'apprend qu'il faut s'orienter avant toute chose : l'ombre va être au sud-ouest, détail d'importance.

l'abri préhistorique est au Nord, dans le bois, le lavoir est situé dans un bas-fond

les deux sources amont ont été captées, leur trop plein se rejetant dans le lavoir-abreuvoir
la source 1

la seconde source se dirige vers l'abreuvoir
D'abord le contexte : le lavoir se situe dans un espace boisé engazonné, et la mairie a fait le maximum pour en faire un lieu de méditation : une table permet de déjeuner. Un seau est là pour recueillir les papiers gras. La topographie ? Nous sommes en bas d'une déclivité, un pré est rendu humide par un ruisseau et fait pousser prêles, et eupatoires, où vivent des écailles chinées, mais j'observe un beau "Tabac d'Espagne". Au Nord, des bancs calcaires paraissent, et à quelques kilomètres de l'abri d'Aurignac, je repère les étonnants soubassements d'un abri latouécien ! La source plus bas servait à nos ancêtres à s'abreuver en eau, il suffirait comme dans les émissions de survie de la chaîne 24 RMC-découverte de poser quelques branches sur les pierres levées intactes pour reconstruire l'abri d'origine !



Alors ce fameux lavoir, protégé par une charpente octogonale. 360° divisés par 8 font 45°, là au moins vous êtes d'accord ?

En tournant autour, je découvre non pas une mais deux sources : la première alimente le lavoir circulaire central par une rigole, sur un mur à la cote de ceux du lavoir, qui empêche de faire le tour. La seconde alimente l'abreuvoir en partie concentrique (3/8) situé au Nord-ouest.




Comme j'ai pris la boussole, je confirme : un premier escalier de trois marches est bien implanté pile Sud-Nord. C'est l'escalier profane d'Andreoli. A sa gauche, un second escalier est décalé de 45°, la trame de la toiture. "Sa première marche est strictement orientée par les axes des quadrilatères solaire et lunaire présents à Latoue" (sic). Son centre est pile dans l'axe de E1 du schéma qui suit". L'eau a un caractère divin. Les latouéciens de l'Aurigacien s'en étaient aperçus : ils se soignaient déjà les rhumatismes ; et les mains, blessées lors de la confection de leurs armes soudées par du brai de bouleau, comme nous l'explique le Figaro, admiratif des prouesses de Néandertal.

l'escalier gauche, orienté de 45° à côté de l'escalier pile Sud à sa droite


comme nous sommes à l'envers au Nord, l'escalier Sud est à gauche, le décalage est bien de 45° avec le second

le Nord est en haut
pour comprendre les légendes il vous faut acheter le bouquin : LSE = axe soleil levant d'été... etc...


Voilà. Je vais vous avouer le plus drôle : préoccupé par le pilotage du drone et mes photos au sol, j'ai oublié un petit détail : 

je n'ai même pas mis les mains dans l'eau ! 






c'est un joli coin, très calme

encore habité par les papillons





PS (1) : paradoxe, Latoue vient de Latour, la tour ! la Revue du Comminges constitue une mine de renseignements, comme l'article "Latoue en Comminges, éléments de microtoponymie" du  tome 122 n°4 dernier trimestre 2006 page 515, signé... justement...Patrick de Latour !

PS (2) : pour voir le tome 1 de Ph Andreoli :


PS : (3)
ce site recense 173 lavoirs qui sont autant de sources :
https://www.lavoirs.org/departement.php?code=31
depuis la rédaction de ce billet, j'ai visité la source de Saint-Jean Baptiste, et enfin celle de bonus fons, sur laquelle a été basé l'histoire de l'abbaye de Bonnefont, mais ceci comme disait Kipling est une autre histoire...bientôt !