Les experts ont parlé
Ouf on peut, dans ce pays, faire
confiance aux experts ! S’agissant d’irrigation des terres agricoles, il y
a des décennies cependant que la messe est dite : le maïs consomme
beaucoup d’eau. L’eau est rare, si on la prélève dans les rivières, puisqu’on
portera atteinte aux autres usages de l’eau, notamment piscicole. Donc il faut
faire attention. Le maïs laisse les sols dénudés l’hiver, ce qui favorise l’érosion.
Pas très bon l’érosion, qui favorise le transport dans la rivière de matières
indésirables. La culture du maïs suppose des engrais. Pas très bon s’ils
fichent le camp dans la rivière, si celle-ci sert à la fourniture d’eau
potable. Pire, si des molécules phytosanitaires (nos bons vieux pesticides)
sont épandus en excès (or en mettre trop permet d’en mettre assez, pensaient
les anciens céréaliers), le risque étant de voir toujours la même chose :
les pesticides enrichir les eaux de surface.
Vous me direz : certes !
Les études sur le maïs génétiquement modifié avaient justement pour but de
trouver des maïs OGM résistant à la sécheresse ; à la pyrale ; tout cela
pour créer le maïs du futur moins
exigeant en eau et en pesticides ? Mais comme il est interdit d’y penser, (je crains que
José Bové ait manqué d’esprit de clairvoyance dans cette vieille affaire où
notre Pays brille par son Principe de précaution), on cultive le bon vieux
maïs, ce qui explique (sans le justifier) le projet de Sivens.
Sivens dans le Tarn, pas loin de
Gaillac, (son vin perlé) et du merveilleux Puycelsi. Sivens où un jeune vient de mourir pour défendre une alternative à un
projet tel qu’on le pratiquait dans les années 90. Pas dans les années 2015, 25
ans plus tard !
Voilà deux Conseils Généraux qui
se lancent dans l’agriculture traditionnelle, surestimant les besoins en eau,
et lançant un gros projet conçu selon des critères dépassés. Autrefois, on
faisait appel à l’ingénierie du Génie Rural, des Eaux et des Forêts. Je me
souviens très bien avoir stoppé ce genre de projets en Haute-Garonne dès les
années 1994, de même qu’on ne parle plus de remembrement agricole depuis des
lustres en France.
Alors arrivent mes collègues du
Conseil Général qui se nomme désormais, depuis la réforme, Conseil Général de l’Environnement
et du développement durable. Les auteurs portent le titre (superbe) d’Ingénieurs
Généraux des Ponts et des Eaux et Forêts. Ils sont Ingénieurs agronomes ou
Polytechniciens, ont fait les écoles des Ponts ou des Eaux et Forêts, leur
sigle est IPEF. J’en suis membre honoraire !
Au Conseil Général, ils
expertisent les projets d’aménagement partout dans le monde, et appuyés sur
leur charte de qualité et d’indépendance, peuvent se permettre de dire la
vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Comme c’est bon ce langage des
faits, et de lire leur rapport, publié par la Préfecture du Tarn permet de
connaitre la situation telle qu’elle est.
On y apprend que le barrage prévu
est surdimensionné ; donc les opposants ont tort quand ils sont excessifs,
et attaquent les forces de l’ordre pour contester un projet juridiquement
correct. Mais ils n’ont pas si tort que cela, en disant que le projet technique
est perfectible. Que l’issue finale consiste à revoir (à la modestie) le projet
initial.
J’ai trop connu de projets
surdimensionnés. Aboutissant à un prix de revient à l’hectare insupportable.
Conduisant les bénéficiaires satisfaits aujourd’hui d’avoir trop d’eau pour en
avoir assez. Rouspétant quand le cours du maïs trop bas nuisait à la
rentabilité de leur exploitation. Demandant aux mêmes Conseillers généraux de
financer, des années plus tard, les
annuités d’emprunt. Même si le maïs fait l’objet, au titre de la politique
agricole commune, d’aides à la surface…irriguée.
Le beurre et l’argent du beurre
il faut raison garder
si les experts pouvaient expertiser…