vendredi 31 octobre 2014

Bastide de nuit


Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la bourgeoisie urbaine acquiert des terres où elle installe des villégiatures champêtres. Ces nouveaux domaines sont de véritables entreprises agricoles à l'activité bien définie : élevage, vigne, cultures maraîchères, etc. Ils comportent la maison du maître et la maison de l'intendant ou régisseur, ainsi que des dépendances considérables et des logements en grand nombre pour les ouvriers.

Lorsque la maison du maître est non pas sous le même toit que la maison du fermier ou du métayer mais nettement séparée de cette dernière, il s'agit d'une « bastide ». Nous sommes en Provence, et Dieu sait si Pagnol nous en parle, de ces bastides ! Ce type, répandu dans le pays d'Aix et la région de Rognes, se rencontre également à l'extérieur de cette zone, jusqu'à Pertuis, Jouques et le haut Var.

La bastide, où seul réside le maître, se présente comme un bâtiment isolé, généralement imposant sous une couverture à quatre eaux. Sa façade, à l'ordonnance symétrique, est traitée dans le goût noble de son époque.

Nous ne sommes plus en Provence, mais dans le Gers. Vous me direz : le Gers, c’est la Provence avant le tourisme, et l’envahissement d’aujourd’hui par les people. Nous sommes passés par là, avons goûté aux joies du « bonheur est dans le pré », et d’ailleurs, il nous suffit d’une heure de voiture pour nous y rendre, et admirer notre ancienne résidence, « la maison aux volets bleus », rachetée par un riche anglais qui voulait y prendre sa retraite. Il n’a rien changé tellement c’était bien fait !

C’est le cas hier soir. Nous avions rendez-vous dans une ferme fortifiée, à moins que ce soit un ancien couvent, ou même un monastère ? Remis à neuf il y a quinze ans. La nuit,  l’ambiance est plus impressionnante encore.

Quand l’autre jour j’entendais Bertrand Piccard évoquer le ciel dont il est un habitué, il racontait que la religion avait le tort de rabaisser Dieu au niveau de l’homme. Alors qu’il faudrait faire le contraire : hisser l’homme au niveau supérieur. La seule contrainte étant que l’on n’a aucune idée du niveau supérieur ! Il pense comme moi qu’il existe des forces inconnues. Des mondes parallèles. D’autres dimensions. Que tout n’est pas perceptible par nos simples sens humains.



Pour moi, il existe des contemporains qui ne vivent pas dans la même dimension que la nôtre : vu des Etats-Unis par exemple, la France, le Gers, paraissent comme des mondes merveilleux. Des élites américaines en perçoivent les richesses étonnantes : climat ; art de vivre ; art de manger. Art d’élever l’esprit en cultivant les arts ; la littérature ; et même les jardins. Il suffit de sauter dans un avion, d’atterrir à Blagnac, un taxi vous mène dans votre bastide. Vous êtes ailleurs … !

… dans votre bastide du XVIIIè siècle de forme carrée. La surface bâtie est géante : trente mètres sur trente, neuf cents mètres carrés de demeure quasi fortifiée. Il faut préciser qu’à l’intérieur, comme la cour d’une villa romaine, le jardin mesure 225 mètres carrés. Par soustraction, la surface habitable occupe 675 mètres carrés. Au centre, un jardin marqué par quatre oliviers. Au milieu, il y a forcément une fontaine. On a fait appel à un tailleur de pierres car on n’en trouvait pas ici, le tailleur est venu des Baux de Provence, la boucle était bouclée.


On peut y loger à l’aise une cour pour y passer l’été. C’est un peu plus difficile à chauffer l’hiver. Mais la vie s’y fait en autarcie : une gigantesque cuisine  abrite un vrai four à pain. On peut y cuisiner des pizza, si l’un des invités est pizzaiolo . Si un salon est plein on va dans le second. La salle à manger était celle que pendant un moment les moines se réservaient. Quant aux chambres, il y en a des tonnes. La décoration est telle que la rêvent les américains : meubles Renaissance. Lustres de fer forgé. Tableaux d'ancêtres aux murs...

Moment magique hier, nous étions rassemblés car parfois, un même lieu peut réunir des citoyens du monde : un Irlandais, habitant Londres, mais fréquentant le secteur à mi-temps. Avec easy-jet, il n’a aucun problème pour voyager ! Des amis du Jura, profitant de l’été indien, après tout, ils n’ont que huit cent Kilomètres à parcourir en voiture. Nous étions les plus proches.


Il y a longtemps que le destin ne nous avait pas réunis. Nous nous sommes retrouvés, en un lieu situé dans un monde parallèle. A dix-neuf heures trente toutefois, le Maître de maison Edward se lève : il est 14 heures dans son bureau (d’avocat américain). Il a des ordres à donner. En plus, il travaille à distance. Je parierais qu’il gagne de l’argent pendant le souper ! Quel que soit le décalage horaire. Nous sommes rentrés tard, de nuit, (en pensant à Saint-Exupéry) par les petites routes tortueuses, guidés par Paulette, la GPS, géolocalisés par quatre satellites.

Au matin, c'est comme si on avait rêvé !

Voici ce que l’on peut percevoir (des mondes parallèles)

en utilisant les données de l’Institut Géographique national.


C’est (un peu) magique !