dimanche 24 mai 2020

La machine de le Notre à Chantilly





Ca y est : l'Espagne s'ouvre au tourisme début juillet : tant pis pour les vacances de mai bientôt terminées, mais super pour celles de septembre à venir : nous pourrons valoriser les arrhes versés en janvier ! En attendant, il faut continuer de voyager sur le net, sauf à approfondir nos connaissances dans le rayon imposé des cent kilomètres ! Pas grave, après la Saint-Didier (le jour où l'on plante les haricots), le temps devient beau, facile de profiter de chez soi ... et de regarder RMC 24 !

Nous visitons donc virtuellement sur RMC le Château de Chantilly, oeuvre du Prince de Condé, le cousin du roi soleil. Un chantier considérable, que ce soit le château, plus encore les jardins, tout creusé et remblayé à main d'homme, pas de bulldozer à l'époque ! Une fois les immenses terrains aplanis à la pelle, l'immense canal de 2,5 Km de long creusé et rendu étanche, le Notre qui à l'époque dirige simultanément les chantiers de Versailles et Chantilly doit trouver la solution pour faire fonctionner les jets d'eau, le summum du luxe de l'époque, visant à démontrer la supériorité de l'architecte sur la nature. Il faut faire aussi bien que les Romains ! Il fait appel à un ingénieur, Jacques de Manse, qui invente en 1678 une machine en bois, un peu comme un moulin alimenté par une roue, qui actionne des pistons trempant dans des cylindres de bronze : des pompes. Tout avait été oublié, la machine détruite quand la seconde tranche de travaux a été lancée par le duc d'Aumale, jusqu'à ce qu'une association locale s'interroge en 1993 sur le rôle initial du bâtiment, et peu à peu reconstitue les machines, d'abord les premières de l'époque de Condé, ensuite celles plus modernes construites deux cents ans plus tard pour le duc d'Aumale 

Le Pavillon de Manse, aussi appelé Moulin des Princes, est un bâtiment classé Monument Historique tout comme les machines qu’il renferme. Propriété de l’Institut de France il est géré par une association.




Pour les grandes eaux de Versailles, le génial le Notre avait construit une machine élévatrice à Marly, mais on ne l’a pas retrouvée. Par contre, les jardins de Chantilly, conçus par le même le Notre, sont supérieurs à Versailles pour les fontaines : la pompe créée par de Manse actionnée par une roue de 7,8 m de diamètre élevait l'eau d'une source par 6 pompes en bronze à 25 m, alimentant un réservoir situé à 400m, qui donnait une autonomie de fonctionnement de deux jours aux jets d’eau ouverts, alors qu’il fallait feinter à Versailles et ouvrir puis fermer les robinets à Versailles devant le passage du Roi.

Le « moulin » a été retrouvé et restauré il n’y a pas si longtemps, une machinerie fascinante qui retrace 3 siècles d’évolution de techniques hydrauliques. Au XVIIème siècle, le moulin des Princes alimentait en eau les fontaines des Grandes Eaux du jardin du Château de Chantilly. Au XIXème siècle le bâtiment est agrandi son rôle, toujours autour de l’eau, évolue.

Les grandes Eaux de Chantilly n’auraient pas existé sans la machine élévatoire du Prince de Condé, cousin de Louis XIV. Fontaines et cascades étaient alimentées par le pompage des eaux et un système sophistiqué de canalisations.






pour tout comprendre, voici la maquette




















Avec la Révolution Industrielle, la machine en bois est remplacée par une machine moderne en fonte. De nouvelles machines permettent d’alimenter la ville et le Château de Chantilly en eau potable, ou même d’arroser l’hippodrome.





En 1885, le Duc d’Aumale, dernier résident du Château de Chantilly, décide de reconstruire le château rasé à la Révolution. Il fait aménager une blanchisserie mécanisée, la plus moderne de son temps. Mise en gérance à sa mort, elle fonctionnera au profit des habitants jusqu’aux années 1970.



Une  salle d’étendage permettait d’étendre le linge en cas de mauvais temps. On y trouve une calandreuse, machine qui servait à attendrir le linge. Des expositions ou conférences y sont régulièrement présentées.

Chacune des salles, chacune des machines a été restaurée par une équipe de bénévoles entre 1997 et 2007. Toutes les machines fonctionnent et offrent un vrai spectacle aux visiteurs !

Tant qu'à rester confiné, il faut lire :



















PS 1 : pour retrouver le vrai constructeur de la machine, qui n'est ni le Notre, ni de Manse, ni Riquet (qui apparait à la même époque comme constructeur du canal Riquet)...mais maitre Albert simple mais efficace charpentier, il faut lire la suite :

Vous devinez que tirant le fil d’Ariane, je m’intéresse à Jacques de Manse, né le 22 avril 1628 à Montpellier et mort le 30 décembre 1699 dans la même ville ! Presque un voisin ! Voilà un financier, homme d'affaires, et fermier éphémère des gabelles du Languedoc (1660-1661).

Il a un frère aîné né en 1625 appelé aussi Jacques de Manse, trésorier de France et intendant de la gabelle du Languedoc. Ce Jacques de Manse l’aîné a une vie bien réglée. Il est trésorier de France, intendant des gabelles.et agent voyer. En 1667, il transforme une bâtisse pour en faire une demeure digne de son rang, l'hôtel de Manse rue d'embouque d'or à Montpellier (1). 

De la vie de son cadet en Languedoc on sait très peu sauf qu'en janvier 1660 il acquiert la charge de fermier des gabelles du Langedoc grâce à l'appui de Nicolas Fouquet et qu'en septembre 1661, à la demande de l'assemblée des états du Languedoc présidée par le prince de Conti, frère du "Grand Condé" Il perd cette ferme des gabelles au profit de Pierre-Paul Riquet qui en tirera des bénéfices qui serviront en partie au financement du canal du midi. Nous y voilà, j’ignorais que Riquet arriverait à ce moment… ce n’est pas terminé !

La pompe du Pont Notre-Dame : en 1669, on le trouve à Paris où il s'implique immédiatement dans de nombreuses affaires. Ainsi, en 1670, Jacques de Manse propose — sous le prête-nom de Guillaume Fondrinier — au bureau de la ville de Paris de transformer le "Grand Moulin" meunier du Pont Notre-Dame en une machine élévatoire pour alimenter en eau de Seine les Fontaines de la rive droite. Il demande 40 000 livres tournois pour la réaliser et s'engage à fournir 1 000 m3 par jour. Après avoir pris connaissance du traité, Jacques de Manse oblige volontairement et solidairement Guillaume Fondrinier à se démettre, le 26 mars 1670. Le 2 mai 1670, Guillaume Fondrinier reconnaît devant notaire qu’il a prêté son nom et qu’il ne prétend rien des clauses mentionnées dans l’acte de cautionnement car il déclare que tout appartient à Jacques de Manse. Ce dernier comparaît le 9 avril 1671 au greffe de la ville de Paris afin d’accepter les conditions que lui impose la ville au sujet de la machine élévatoire. Il s’engage à ne rien ajouter aux machines et aux mouvements qui servent à élever de l’eau et il consent à présenter les pièces en détail lors des visites de Chignin, charpentier du roi.

Les travaux sont à la charge de Jacques de Manse mais la responsabilité du chantier revient à Chignin et toutes autres personnes compétentes qu’il s’agisse de différentes opérations (enlèvement, ajout, augmentation, réduction de pièces) sans qu’ils ne perturbent ou n’endommagent les pièces de la machine du moulin. Les pièces sont jugées par le charpentier du roi. L’arbre de la roue et les travaillants sont réalisés selon ses dessins. 

En 1672, les travaux semblent terminés. La machine entre en service avec un débit qui ne dépassera jamais la moitié du débit contractuel. En 1677, la débâcle des glaces endommage les pompes, emportent quelques pieux des moulins ainsi que la galerie menant du pont aux deux machines, ébranlant les bâtiments. En décembre 1678, la production des machines baisse. Pendant l’hiver, les gelées sont mises à profit pour réparer la machine. Pendant cette période, l’entretien de la machine, sous la responsabilité de Jacques de Manse est négligé. Il détourne une partie de l’eau montée pour l’utiliser dans des aménagements hydrauliques à son usage personnel. En 1680, la charge de la machine lui est retirée et confiée au menuisier Jean Albert.

En 1673, Jacques de Manse envoie une lettre à Colbert dans laquelle il présente un projet de pompe élévatoire destinée à compléter la fourniture en eau de Versailles aussi bien pour les réservoirs que pour les habitants. Il suggère son implantation à Bougival. Son projet simpliste ne sera pas retenu.

Le Canal de l'Ourcq : par ailleurs, en juillet 1676, Louis XIV accorde par lettres patentes à messieurs Riquet et de Manse l’autorisation du canal de l’Ourcq, le duc d’Orléans, pour cause de son duché du Valois, accordant la sienne le 20 mai 1677. Ces lettres donnaient donc la possibilité d’ouvrir ce canal de cinquante milles, allant de la rivière d'Ourcq à la Marne, et de dix milles au-delà de Meaux jusqu’à Paris ; les travaux devaient être financés par les droits de boucherie ainsi que par les cessions d’eau aux particuliers.

Riquet trop absorbé par le Canal du Midi confie la conduite du chantier à Jacques de Manse. Riquet tient à être informé par des hommes à lui de l'avancement des travaux.se méfiant de son associé qu'il trouvait négligent. Mais la mort de Riquet (1680), et surtout celle de Colbert (1683), puis les guerres en cours, incitent le Parlement de Paris à prononcer l'arrêt des travaux en 1684. Cependant, Jacques de Manse conserve soigneusement tous les plans, cartes niveaux, titres, mémoires. Sa veuve Catherine Talon en est dépositaire à la mort de Jacques, laquelle, sous la régence en 1717, présente un mémoire au duc d’Orléans pour continuer l’entreprise. En 1682, Colbert envoie Jacques de Manse dans le Languedoc avec pour mission de lui faire un rapport sur l'état du Canal du Midi.

Le Jardin des "Grandes Eaux" du Château de Chantilly : nous y voilà !

Jacques de Manse apparaît dans les correspondances du Château dès avril 1673, et dans les comptes dès avril - mai 1676. Le domaine de Chantilly, propriété du prince de Condé, cousin germain de louis XIV, est alors en plein travaux. Après avoir terminé le jardin des "petites eaux " autour du Château, le Prince toujours guidé par André Le Nôtre entreprend la construction du Jardin des "Grandes Eaux" qui nécessite la construction d'une machine pour remplir les réservoirs et de là, la distribuer par un vaste réseau de tuyaux vers les nombreux jeux d'eau. Sollicité par le prince, le rôle de Jacques de Manse, consiste à fournir les tuyaux et toutes les pièces en métal nécessaires à la construction de la machine élévatoire par le menuisier maître Albert. Mission dans laquelle Jacques de Manse s'empêtre compte tenu de la difficulté à obtenir des tuyaux surtout de tuyaux en fer. Peu à peu, Jacques de Manse s'éloigne du chantier. En 1684, il échange encore quelques lettres avec le Prince. À sa mort en 1686, Jacques de Manse est ailleurs. Une dernière lettre de lui en 1687 montre qu'il est encore à Paris.

Pour abriter la machine élévatoire, le prince fait construire un Pavillon élégant de manière à masquer sa fonction. Le pavillon dès le début des travaux est nommé Pavillon de Manse. Le pavillon de Manse à Chantilly est toujours debout. Il a été restauré en 2010 par son propriétaire, l'Institut de France. Un peu avant, en 2004, une association, l'Association Pavillon Jacques de Manse composée de bénévoles a reconstruit à l'identique la machine élévatoire telle qu'elle est décrite en 1784 dans un album conservé au Musée Condé, l'album du Comte du Nord

Pendant cette période, le prince Condé a quelques attentions pour Jacques de Manse. En avril 1677, Il est témoin de son mariage avec Catherine-Isabelle-Marie Talon, fille de Pierre Talon. À la cérémonie à l'église Saint André des arts sont présents outre monsieur le prince, Monsieur le duc et Madame la duchesse de Bourbon, le duc de Berwick, M. d’Usson de Bonrepos, le marquis de Castries et son frère et le comte de Clermont, les Ranchin de Paris. Cette alliance lui ouvre d'innombrables portes parisiennes, car les Talon ont au cours des années réalisé des alliances des plus remarquables. En effet, c’est toute la puissance du Parlement de Paris, mais aussi de la haute administration parisienne qui défile : la tribu des Talon, dont le puissant Omer.

Plus tard en octobre 1679, le Prince est parrain de son fils baptisé en l'église saint Roch. En 1680, il lui fait cadeau d'un diamant.

(1) à part le nom bizarre de la rue, voici ce que google map me laisse apercevoir de l'hôtel du frère ainé à Montpellier

PS 2 : moulins à vendre

Je ne suis pas le seul à être fasciné par les moulins : Pagnol aussi, et je vous ai raconté son histoire  sarthoise dans : https://babone5go2.blogspot.com/search?q=moulin+pagnol

Vous savez que Patrick Besse me signale périodiquement ses ventes les plus intéressantes : figurez-vous que le moulin est toujours à vendre, sauf que le prix a baissé,





650000€, deux cents mille de moins que la première fois :

amis parisiens soucieux de vous délocaliser : 

c'est l'occasion de vous déconfiner !