jeudi 2 juin 2022

Descobrint Montferri, Jujol, architectura i passio (12)



Je vous ai déjà montré l’altra Sagrada Familia à Montferri, l’œuvre du disciple de Gaudi, Josep Jujol, on parle de « disciple » mais c’est un Maitre à lui tout seul ! Appelé par le prêtre jésuite né à Montferri en 1866 Daniel Maria Vives, soucieux d’économiser le transport à Montserrat des habitants du village en leur construisant un sanctuaire sur place, dédié à la vierge noire de Montserrat.

http://babone5go2.blogspot.com/2022/04/laltra-sagrada-familia-de-montferri.html

le titre sur place est : « al Santuari de la Mare de Deù de Montserrat »

toute la différence entre un reportage en distanciel, et la visite en présentiel est là :

aller sur le terrain change tout !









En effet, sorti de la côte tarragonaise avec la mer, le sable, la voie ferrée qui constitue un rempart, et les villes empilées les unes sur les autres, pour se retrouver dans la nature vierge de l’arrière-pays del alt Camp de Tarragona, change toute la perception et tout le paysage : on se retrouve de suite, dans les sommets, dans un maquis méditerranéen planté de pins, avec dessous des genêts jaunes en fleurs. Et plus bas en plaine, dans un terrain agricole de terre rouge, où vu le climat ne poussent qu’oliviers et vigne. Non, j’exagère, il y a les amandiers, des figuiers, des cyprès, tous ayant un caractère symbolique de renaissance annuelle et d’éternité. De temps en temps, la route longe un moulin à huile désaffecté avec ses énormes roues romaines de pierre. Quand on traverse Salomo (est-ce une allusion au Roi Salomon ?) on voit de suite les cuves de la cave coopérative : nous sommes sur la Ruta del Vi do Tarragona : une sorte de Silicon valley de la vigne, où l’on déguste sur place avant d’acheter. 



je me suis limité à l'adresse de Montferri chez Ambros

Avant de travailler la terre ici, les agriculteurs montaient des murs en pierre sèche, sans doute après avoir construit leur propre maison. Les chantiers immobiliers ne les troublaient pas, c’est ainsi que Josep  Jujol a fait mouler des briques aux habitants, et qu’ils les ont empilées sur des arcs en chainettes ou arcs caténaires, en charpentes de bois, comme je vous l’ai expliqué pour construire le sanctuaire. On enlève le bois comme les romains le faisaient sous les arcs des aqueducs et reste l’arc en briques auto-portantes, qu’il suffit ensuite de boucher avec d’autres briques en laissant le passage libre pour les coffrages des futures vitres de couleurs.

Comme nous sommes des plus sérieux, nous n’irons pas cette fois dans les Caves vives Ambros à Montferri, mais direct au sanctuaire, ce qui m’émeut, pile au milieu des vignes et de la nature, aucune habitation autour, rien que le vert de la vigne et le rouge du sol, collant dès qu’il pleut ! . Une dame nous attend, elle nous vendra le livre spécial édition catalane puisque je lui ai affirmé : « soy catalan », expression qui fait rire tout le monde alentour mais c’est le but cherché. In fine, il y a une traduction en Anglais. Inutile de dire qu’il n’existe pas de version française, que viendraient faire des Français dans un sanctuaire catholique, à la gloire d’une Vierge et son bébé noirs tous les deux, construit par un architecte « moderniste » inconnu, avec les paysans vignerons du village ?









Le Virolai de Montserrat est un chant de louange à la Vierge de Montserrat. Le texte a été composé par Jacint Verdaguer, la musique par Josep Rodoreda et l'œuvre a été publiée à l'occasion du millénaire du monastère, le 20 février 1880, à Barcelone.

Rosa d’abril, Morena de la serra,

de Montserrat estel,

il·lumineu la catalana terra,

guieu-nos cap al Cel.

Rose d’avril, brunette de la montagne

étoile de Montserrat,

illuminez la terre catalane

guidez-nous vers le ciel


astuce : la Moreneta est la "noiraude", la vierge noire de Montserrat !

https://www.youtube.com/watch?v=7-Fkh3mUqWY&ab_channel=EscolaniaMontserrat





Venir sur place permet de voir le paysage magnifique du balcon orienté pile en direction du vrai monastère de Montserrat, bien évidemment à l’Orient.  En vrai ce n'est pas tout à fait l'Est, un peu plus au Nord. De voir le bénitier qu’on croirait composé de tas de doigts joints, mais j’ignorais l’’inscription en lettres dorées, dont je vous ai cité les paroles plus haut (1). De voir aussi le «  fauteuil du Roi Salomon », mais comme il est interdit de s’asseoir, je ne m’assois pas malgré l’envie ! Par contre, la dame de l’accueil qui nous a trouvé sympas m’ouvre l’orgue superbe sous sa housse de velours rouge, et j’improvise un air, moi qui n’ai pas touché de touches de piano depuis au moins dix ans, je lève les pieds pour ne pas toucher les pédales dont je ne connais pas le maniement ! Plus tard, autre marque de sympathie, non seulement elle nous confiera la clé de la Cova (grâce au vin blanc, je sais que c’est la grotte (bleue, couleur favorite de Jujol, que je vous ai montrée à la Casa Bofarull, on parle aussi du bleu de Sitgès) où l’on brûle les bougies (bleues) et mieux encore, la clé des WC tout propres et bien précieux pour les dames n’osant pas risquer de rejoindre les rangées de vignes pourtant proches : tous les détails dans le billet demain !

Vous savez un autre détail qui fait penser à la Sagrada familia de Barcelone ? Jujol a entrepris les travaux en 1936, et a du les arrêter avec la guerre civile en 1936, avant de mourir en 1949. Le chantier est resté désert 48 ans, les herbes folles envahissant la nef, et les arcs caténaires à peine ébauchés commençant à s’abîmer. Il a fallu arriver en 1984, un an avant que nous devenions Corses, pour que les initiateurs du projet (autour de Josep M.Jané Coca) aillent voir le Père abbé de Poblet, et demandent son intercession pour relancer le chantier ! Etaient en jeu à la fois la Vierge patronne de la Catalogne, la Vierge de Montserrat, et la renommée de Jujol, père de l’architecture moderniste catalane avec Gaudi, du lourd ! Toute l’identité catalane ! Cela signifiait aussi retrouver des architectes qui, comme aujourd’hui à Barcelone, étaient capables de faire abstraction de leur propre gloire, pour s’inscrire dans les pensées de Jujol, retrouver ses plans, et réaliser ses projets !

Gloire ainsi à Joan Bassegoda i Nonell, et aux artisans maçons (deux compagnons à l’origine  seulement, originaires de Rodonya, les Genites) ; charpentiers ; ferronniers, (le forjador Ferran Aubia de Figuerola del Camps) ; verriers puisque chaque verre et il y en a 1560 de couleur et 232 translucides ont été fondus un par un à 1200°, inscrits dans un triangle de carré métallique formant coffrage, et ont une épaisseur de 1cm. Ils sont insérés dans des formes en ciment autour d’un centre en cœur, assemblée par six pour constituer un hexagone qui va ainsi se coller au voisin. Fouillant au pied du balcon au milieu des dernières pierres restantes, je trouve deux morceaux des briques, coulées par les habitants. Mais pas de verre ! J’en aimerais un comme souvenir, cela va m’occuper un max avant que je retrouve le verrier et lui en commande trois de chacune des couleurs primaires !





















ce n'est plus le balcon sur la mer, mais sur le paysage de vignes, plein Est








tout en haut dans sa chapelle, la mare de Deu de Montserrat ...

... écoute sans broncher !

Où aller déjeuner ? Toujours la dame nous envoie à Santa Creuces, où nous sommes déjà venus autrefois ! Sous une pluie battante, (ah oui toute cette journée à 17° est placée sous le signe d’une pluie battante), nous rentrons dans le sens interdit qui caractérise le monastère, pour dissuader les importuns de venir se garer, et trouvons une place proche du restaurant-bar Esport. Il est près de midi, une blonde magnifique habillée-serré de noir est non seulement d’accord pour nous faire manger, c’est sa mère aux fourneaux, mais nous conseille le menu. Nous sommes trois, il y a trois plats pour l’entrée, le plat principal et le dessert, nous partagerons tout en trois pour goûter de tout. A la fin, nous aurons bu trois Canas, nous paierons 31,5 Euros, non pas chacun mais au total ! !

l’hôtesse se nomme Martha, nous avons été reçus par Sainte Martha

cette journée placée sous le signe de la Mare de Deu

aura été comme un miracle

je me demande si Martha n’était pas plus belle encore que Marie-Madeleine ?

(mais ça, seul le Christ pourrait le dire 

et je n’ai pas le mode d’emploi pour le contacter !)








la feuille d'acanthe, modèle pour la croix du Christ du sanctuaire

désolé, il n'y a pas d'email !

il n'y a pas une suite...

... mais deux !

PS (1) : le texte du bénitier :


la scie en or des petits anges est sur le côté : les montagnes découpées de Montserrat = "mont scié" donnent l'impression d'avoir été sciées avec une scie ! 


l'emblême de Montserrat, la scie au-dessus des rochers stylisés