dimanche 5 septembre 2021

Maja surpasse César en Arles (1)

Je vais vous raconter les dernières histoires d'Arles en trois épisodes. Arles nous est chère, nous y avons habité et ... travaillé de 1976 à 1985, période pas si oubliée que cela, car nos enfants qui ont passé neuf ans aux Collège et Lycée viennent de retrouver leurs amis d'enfance, un dimanche d'août au Malarte, et nous donnent ainsi des nouvelles fraiches (1). La nouvelle, c'est la rénovation par Maja Hoffmann de la tour Luma, qui transcende notre souvenir des ateliers SNCF. Maja Hoffmann est la fille de Luc son père. Luc, dont je vous parlerai demain, je l'ai côtoyé (de loin) quand j'étais chef du service d'Arles de la DDAF des Bouches du Rhône à Marseille, un des rares services français à avoir une annexe délocalisée : forcément, Arles reste "la petite Rome des Gaules", la "ville double" tournée vers la mer par le Rhône et vers les étangs de Fos par les fosses mariennes : on disait du temps des Romains : "Arelate duplex". Et maintenant qu'elle possède un morceau d'architecture signé Frank Ghery, le phénomène opéré à Sidney et davantage encore à Bilbao, ville du musée Guggenheim réalisé par le même Ghery, recommence : l'architecture quand elle est grandiose donne une attraction planétaire à la ville concernée : Arles la plus grande ville urbaine de France (la plus grande ville rurale, c'est les Saintes-Maries de la Mer voisine) ; ville romaine ; ville de la photographie lancée par Lucien Clergue ; ville du buste de César retrouvé par Lucien Long exposé dans le musée de Jean-Maurice Rouquette, tous ces personnages prestigieux que j'ai côtoyés autrefois laissent la place à leurs successeurs... 

... et au succès, le succès du à l'Histoire ...et l'Art !

paradoxe d'Arles, historiquement ville communiste, (à cause des ateliers SNCF) ; ville de Jules César, devient la ville de Maja Hoffmann, Suisse et milliardaire

Aujourd'hui je vais vous parler des ateliers SNCF, les ateliers du PLM, Paris, Lyon Marseille, qui ont marqué la ville par leur importance spatiale énorme, et où était construite la 220 dite "coupe-vent", puisque quand le mistral soufflait fort, il freinait l'arrivée des trains rapides vers le Sud, à tel point que les ingénieurs avaient rajouté un carénage à l'avant des locomotives pour fluidifier leur pénétration dans l'air. Comme le modéliste que je suis devenu a été fou de trains, (TOC qui lui est passé), je puis vous dire que l'Europe des amateurs de trains-jouets dont ceux, pourtant Allemands, de la marque Märklin a tellement aimé cette locomotive que les exemplaires ayant survécu à la guerre valent des fortunes.




en langage ferroviaire on dit "220" : le nombre des roues

François Gondran est conseiller pour l’architecture et les espaces protégés, coordonnateur du pôle architecture à la DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, et voici ce qu'il écrit en 2015 :

"La géographie d’Arles, dernière colline de la vallée du Rhône avant la mer, donne à cette ville une géométrie singulière. Posée comme un caillou sur une plage, la ville est comme tangentée par des flux. Par le Rhône d’abord, qui va du nord au sud-ouest, mais aussi par ces fleuves modernes que sont l’autoroute au sud et la voie de chemin de fer à l’est. La construction de ces deux infrastructures a été facilitée par l’absence de relief des plaines de la Crau et de la Camargue. Ces voies ferrée et autoroutière sont comme aimantées par la présence de la ville historique. 

"La longue histoire de cette ville trouve elle-même son sens dans l’existence de ces flux. Depuis l’Antiquité, Arles est un port stratégique au débouché de la vallée du Rhône. L’autoroute, conçue durant les Trente Glorieuses, a repris pour son trafic Italie/Espagne le tracé de l’antique Via Aurelia. La voie de chemin de fer, quant à elle, a été décidée dès 1842, presque aux origines du développement du rail en France, pour relier Avignon à Marseille. Elle préfigurait l’emblématique ligne PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) et la ville a été choisie pour l’implantation d’un grand dépôt de machines et d’Ateliers généraux. 





la traversée de la friche industrielle par la voie ferrée

la voie ferrée a tranché sans complexe la colline qui supporte toujours la chapelle St Pierre de Moulèyres, au bout du cimetière des Alyscamps : voici la photo d'une coupe de la falaise, je vous assure que l'on voyait le crâne d'un squelette dégagé par la coupe de son sarcophage



le même endroit, avec à gauche le passage de l'aqueduc romain lui aussi coupé par la voie ferrée


"Alors que la nouvelle gare s’implantait juste au nord est de la ville, non loin de la dernière boucle du fleuve, les ateliers furent implantés à la sortie est de la ville, (vers Marseille et l’Italie), détruisant pour partie l’ancien cimetière des Alyscamps. Ces travaux sont venus trancher la colline du faubourg historique des Mouleyrès, dégageant ainsi de nombreux vestiges archéologiques qui constituent aujourd’hui une part importante de la collection du Musée de l’Arles antique (2). Ces ateliers ferroviaires d’Arles (machines, wagons, voitures), les dépôts des machines, les rotondes et l’atelier de chaudronnerie deviendront le premier employeur de la ville, comptant jusqu’à 1.800 ouvriers en 1920. Ces beaux bâtiments, couverts de vastes charpentes métalliques, ont été construits en deux campagnes, (1845-1865) et (1884-1899), puis l’activité est entrée en déclin à partir de 1960, jusqu’à la fermeture du site en 1984".

Combien de fois suis-je allé humer la mémoire de ces ateliers vides, après avoir médité aux Alyscamps, et pensé à Vincent Van Gogh passant quelques mois ici, et produisant des peintures pleines d'iris ; de sarcophages ; de cafés ; et de soleils !

que faire de ces ateliers devenus déserts ?


Je pratique un humour, que je reconnais douteux, quand je plaisante sur la théorie pourtant tout à fait réaliste de notre Président-ex-banquier, qui plaide pour le "ruissellement" : une "première de cordée" va investir, et comme Zeus le pratiquait avec sa pluie d'or sur la belle Danaé, voici que Maja reprend la légende à son compte : un journaliste pratiquant le même humour que moi plaisante, en disant qu'elle "voit tout en grand" :

article aussitôt suivi de ces lignes, qui traduisent le bon sens du Maire d'Arles, 

"tenant à sa mécène"



voilà donc la tour Luma

Martha a fait mieux que les Romains avant elle

elle a réveillé la petite Rome des Gaules !

veni, vidi, vici

Maja en Danaé, surpasse César en Arles

je vous l'avais bien dit !

demain : qui était Luc Hoffmann ? 

le papa des enfants... car il y en a d'autres !



PS (1) la rue Baudanoni, empruntée périodiquement par les Mercédès des Gipsy Kings...

https://babone5go2.blogspot.com/2018/09/vivre-en-arles-avec-egarcin.html

et puis quelques autres billets

https://babone5go2.blogspot.com/2020/06/le-gaulois-captif-darles.html

https://babone5go2.blogspot.com/2017/07/romains-de-luxe-en-arles.html

https://babone5go2.blogspot.com/2012/05/la-venus.html


PS (2) : la création de l'îlot rocheux de Moulèyres ("les moulins")




PS (3) : je crois (un peu) être la réincarnation de Quintus candidus benignus ! ! 

PS (4) : depuis juin 2020, tout a changé : le maire d'Arles est Patrick de Carolis, le célèbre ex-patron de France Télévision


c'est donc lui qui co-inaugure la fondation Luma le 4 juillet dernier

non, je n'ai pas acheté l'image à Alarmy, elle est donc surchargée !


ni celle-là