Quelle belle femme, Bérénice, la princesse juive qui séduisit Titus !
si l'histoire de Bérénice vous parait longue, sautez jusqu'aux prochaines images
je comprendrai !
En pleine guerre de Judée, en 66 apr. J.-C., le futur
empereur s’éprend d’une princesse juive en exil, qu’il veut épouser. Mais leurs
amours contrariées seront sacrifiées à la raison d’État et inspireront des
générations de dramaturges.
Le titre officiel du tableau ci-dessus est "Juive de Tanger", de Charles Zacharie Landelle (après 1866), conservé aux Musées de Reims. Je vous montrerai d'autres toiles de Landelle ensuite. J'aime bien ses portraits dits "orientalistes", et ses "orientales" d'Alger ou proches, vous allez voir !
Rares sont les personnages de
l’Antiquité à avoir inspiré autant de peintres, de dramaturges, de romanciers
et de compositeurs d’opéra que Bérénice, une princesse juive du Ier siècle apr.
J.-C. Sa liaison malheureuse avec l’empereur Titus a été érigée en symbole du
conflit opposant la passion amoureuse à la raison d’État, sur l’arrière-plan
dramatique de la première guerre judéo-romaine. La figure de Bérénice a été
tellement idéalisée que l’on peine désormais à discerner le personnage
historique derrière sa légende.
Née en Judée vers 28 apr. J.-C.,
Bérénice était la fille d’Hérode Agrippa Ier, lui-même petit-fils d’Hérode le
Grand. Unie à l’âge de 13 ans à un riche Juif d’Alexandrie qui mourut avant
qu’ils n’aient pu consommer leur mariage, elle fut ensuite remariée à son oncle
Hérode de Chalcis, au Liban, avec lequel elle conçut deux enfants. Au décès de
ce dernier succéda une cohabitation avec son propre frère, le nouveau roi
Hérode Agrippa II, qui suscita des rumeurs d’inceste dont Bérénice ne parvint
jamais à se défaire, même en épousant un autre potentat local, Polémon de
Cilicie.
Proromaine comme son frère et son
beau-frère Tibère Alexandre, procurateur de Judée, Bérénice s’attira les
foudres de son propre peuple lorsque éclata, en 66, la première révolte des
Juifs contre la domination romaine. Elle chercha d’abord à jouer un rôle
d’intermédiaire entre les Juifs et les Romains, mais une foule déchaînée mit le
feu à son palais et à celui de son frère, les forçant à se réfugier dans le
camp monté par les Romains sous les murs de Jérusalem, avec tous leurs trésors
et leur garde personnelle.
C’est dans ce même camp
qu’arrivèrent en 67, pour mater la rébellion, le général Vespasien, gouverneur
de Syrie au nom de l’empereur Néron, et son fils Titus. Et c’est sous la tente
de Vespasien que se produisit la rencontre entre Bérénice et Titus.
En l’absence d’informations dans
les sources de l’époque sur le rapprochement des deux amants, les historiens
ont spéculé sur l’attirance qu’aurait pu exercer sur le jeune Titus, âgé de 27
ans, une femme comme Bérénice qui, à près de 40 ans, ne semblait pas avoir
perdu le moindre charme. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer la part de
calcul politique qui aurait pu pousser un homme aussi ambitieux que Titus à
s’allier avec une famille royale d’Orient.
Alors que l’armée romaine
s’efforçait d’étouffer la révolte, une guerre civile éclata en 69 au sein de
l’Empire romain. Les soulèvements dans les provinces et les conjurations dans
la capitale provoquèrent le suicide de Néron, auquel succéda Servius Sulpicius
Galba, jusque-là gouverneur d’Hispanie. En route vers Rome pour apporter son
soutien au nouvel empereur et pour s’assurer que son père conserverait la
direction des opérations de Judée, Titus apprit l’assassinat de Galba et sa
succession par Othon. Il décida alors de regagner la Judée, animé selon Tacite
par « un désir extrême de revoir Bérénice », car « son jeune cœur n’était pas
insensible aux attraits de cette reine ».
À Rome, la crise s’enlisait.
Othon se suicida après avoir été défait par l’armée de Vitellius, à son tour massacré
quelques mois plus tard par les partisans de Vespasien à Rome. Proclamé
empereur par les légions d’Égypte, de Syrie et de Judée, ce dernier leva une
armée en Orient et reçut aussi le soutien de Bérénice et d’Agrippa, qui
restèrent en Judée pour prêter main-forte à Titus dans l’écrasement de leur
propre peuple, applaudissant même à l’incendie du Temple de Jérusalem.
Titus et Bérénice, Salon de Vénus, Grands appartements du château de Versailles (René-Antoine Houasse, ca. 1678). |
Au terme de la révolte, Bérénice accompagna Titus à Rome, où ils partagèrent la résidence impériale dans l’apparente intention de se marier, bien que certains historiens modernes émettent des doutes sur cette première visite. Les Romains voyaient sûrement d’un mauvais œil qu’une reine étrangère épouse l’héritier présumé de l’empire, une union qui leur rappelait celle de Cléopâtre et de César.
Maîtresse de longue date de Vespasien, l’affranchie Antonia Caenis avait en outre perçu en Bérénice une rivale. Les Romains pouvaient admettre le concubinat d’un empereur déjà père d’héritiers mâles, mais pas celui d’un prince dans la fleur de l’âge et célibataire. La conjonction de ces facteurs précipita sans doute la rupture de Titus et de Bérénice, et le retour de celle-ci en Judée.
En 74 ou 75, la mort d’Antonia
Caenis laissa le champ libre à Bérénice pour revenir à Rome. Si la princesse
pensait que ses ambitions ne seraient plus contrariées, elle comprit rapidement
son erreur : les conseillers de Vespasien, Mucien, Eprius Marcellus et Alienus
Caecina, s’entendirent en effet pour contrecarrer le projet de mariage du futur
empereur avec une femme étrangère et trop âgée pour enfanter.
Suétone assure, dans sa Vie des
douze Césars, que Titus avait demandé Bérénice en mariage, tandis que Dion
Cassius avance un siècle et demi plus tard que c’était Bérénice qui nourrissait
l’espoir d’épouser Titus et qui avait cohabité avec lui au palais comme si elle
était déjà son épouse. On dispose aussi du témoignage de Quintilien, rhéteur et
avocat d’Hispanie résidant à Rome et qui aurait défendu Bérénice lors d’un
procès, mais on ignore s’il évoque la « reine » en référence à sa condition de
membre d’une famille royale d’Orient ou à celle de concubine de Titus.
En tout état de cause, Bérénice n’eut finalement d’autre choix que de regagner la Judée. Après la mort de Vespasien en 79 apr. J.-C., elle se rendit une troisième fois à Rome dans l’intention d’épouser Titus, désormais empereur. Mais les anciens conseillers de Vespasien y restaient opposés, et Titus renonça à son amour plutôt que de désavouer les trois hommes : « Il renvoya Bérénice de Rome, malgré lui, malgré elle », écrit Suétone.
l'Odalisque de Landelle |
L’histoire d’amour entre Titus et Bérénice est en réalité tissée d’incertitudes. Les informations dont on dispose proviennent en effet d’historiens ou d’écrivains de l’Antiquité dont l’intention était soit de condamner Titus pour d’hypothétiques désordres sexuels et des mœurs dissolues, soit de le défendre pour avoir renoncé à « l’amour de sa vie ».
L’aversion des Romains pour Bérénice était en revanche manifeste. Contemporain des amants, le poète Juvénal écrivit ainsi au sujet d’un diamant : « C’est celui dont jadis le roi juif Agrippa paya les faveurs incestueuses de sa sœur ». Il est significatif que Juvénal ne cite pas Bérénice pour critiquer sa liaison avec l’empereur, mais pour dénoncer un inceste présumé qu’il ne mentionne d’ailleurs qu’en passant.
Tacite se faisait quant à lui une plus haute opinion de Titus que de son frère Domitien, empereur despotique sous lequel il effectua presque toute sa brillante carrière politique. Il ne cite Bérénice que pour évoquer sa mauvaise influence possible sur Titus, qu’il encense pour l’avoir repoussée.
je ne suis pas certain que ce soit Bérénice, mais quelle allure ! |
Probablement conquis par les faveurs que lui accordèrent autant Titus que Vespasien, l’historien juif Flavius Josèphe fut le plus fervent défenseur de l’empereur. S’il dresse un portrait neutre de Bérénice, il cite toutefois les rumeurs d’inceste. Suétone véhicule au contraire une image négative de Titus, auquel il attribue des excès et à qui reproche de ne pas avoir tenu sa promesse d’épouser Bérénice.
Répudiée par Titus, celle qui se
rêva impératrice dut regagner sa Judée natale, où sa trace s’effaça si
complètement de l’histoire que l’on ignore jusqu’à la date et aux circonstances
de sa mort.
je vous ai glissé de ça, de là quelques portraits de Landel représentant des femmes à l'allure impériale !
Originaire de Laval, Landelle fut l’élève de Paul Delaroche aux Beaux-Arts entre 1837 et 1840 et exposa au Salon à partir de 1842, principalement des sujets religieux et historiques. En 1854, il remporte un immense succès avec Le Repos de la Vierge et reçoit peu à peu tous les honneurs dus aux peintres officiels de son temps. Cette reconnaissance le guide vers le Maroc, où il accompagne en 1866 le baron Aymé d’Aquin, ministre de Napoléon III, en mission diplomatique à Fez. Cette première rencontre avec le lointain provoque un profond changement dans l’œuvre du peintre qui dès lors, ne cessera plus de voyager à la découverte de l’Orient. Après le Maroc, il visite l’Algérie, puis enfin l’Égypte en 1875 : il devient "orientaliste" !
Juive de Tétouan |
le grand Sud Algérien (c'est une vraie photographie) attire Landel, les femmes Berbères joueront un rôle majeur dans son inspiration ! |
À la différence de nombre de peintres orientalistes de son
époque, Landelle refuse de choisir entre deux tendances fortement marquées au
sein de ce genre. Il s’adonne tout autant à la veine fantasmagorique, d’un
orient idéal et rêvé, qu’à celle presque scientifique des peintres voyageurs
fascinés par l’architecture et l’ethnographie. Le temple d’Horus à Edfou est
situé sur la rive gauche du Nil entre Louxor et Assouan. Construit sous la
dynastie des Ptolémée entre le troisième et le premier siècle avant notre ère,
il est découvert et dégagé du sable par l’archéologue Auguste Mariette à partir
de 1859. Lorsque Landelle arrive en Égypte en 1875, il se rend très
naturellement sur ce site où travaillent encore ses compatriotes. S’installant
devant le motif, il centre sa composition sur la porte du péristyle à
l’intérieur du sanctuaire nouvellement dégagé. Au premier plan, fumant une
cigarette sur un lit de repos, un homme à la barbe courte se fait servir le thé
par deux jeunes égyptiens. Un détail cependant permet de connaître si ce n’est
directement sa fonction tout au moins ses origines. Il s’agit d’un occidental comme
le montrent ses chaussures noires à talonnettes.
L’archéologue Auguste Mariette, toujours présent en Egypte en 1875, s’est fait représenter à plusieurs reprises en costume oriental. Son profil et sa barbe semblent en tous points comparables sur les photographies à ceux de cet homme assis. Plus qu’une simple vue d’un temple croisé durant son séjour, le peintre nous offre ici le souvenir d’une amitié, celle avec le célèbre archéologue, qui inspira les décors et costumes d’Aïda, l’opéra égyptien de Verdi pour sa première mise en scène en 1871.
cette demoiselle joue du Tar |
jeune femme aux oranges |
éternelle Rebecca au puits ? non ! c'est une femme Fellah |
il faut toujours se méfier des photos, les couleurs peuvent être altérées ! |
il suffit de se rendre à Laval pour admirer |
Landel meurt en 1908 au terme d’une carrière quelque peu
discrète par rapport à celles des autres orientalistes ou peintres officiels,
mais en ayant eu l’honneur et le privilège d’être membre éminent de La Société
des peintres Orientalistes français. Son coté "pompier", il l’assumera tout comme
Jean-Léon Gérôme, mais c’est là que son style se démarque, faire des portraits
un instant vivant…
Theolygrail |