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| la tiare de la Nature est couronnée d'un oeuf de malachite symbole de jeunesse éternelle et de renaissance. Pour les Egyptiens, elle symbolise la vie après la mort |
Je vous montre de temps à autre des oeuvres de Mucha, le plus souvent des lithographies, rarement des sculptures. Pourtant...réputé pour ses talents de graphiste, Alfons Mucha (1860-1939) présente à l’Exposition universelle de Paris en 1900 un bronze doré aussi élégant qu’énigmatique. Il représente le buste d’une femme hiératique aux yeux clos, aux traits immobiles, et à l’expression impénétrable. Autour du visage et de la poitrine, d’une lisse perfection, se déploie et se ramifie une abondante chevelure de lianes ondulantes. Toute l’énergie de la créature semble s’être concentrée dans cet entrelacs décoratif, où Mucha laisse éclater son goût de l’ornement.
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| les boucles d'oreille, également en malachite |
J'adore les commentaires "officiels" des oeuvres, l'imagination les guide, où trouvent-ils tout cela ? En voici un exemple, je mets les guillemets :
"La Nature incarnée
"Quant à la signification de
l’œuvre, le titre nous met sur la voie : cette mystérieuse effigie incarne les
forces vitales. Pour l’artiste tchèque comme pour nombre de ses contemporains,
artistes ou non, la Nature est femme. Je retrouve la Gaia de nos origines. Fatale pour les symbolistes, elle devient
une enchanteresse échevelée pour les créateurs de l’Art nouveau. Son rôle
relevant à présent de l’allégorie, elle personnifie la Création ; la Vie ; le
Progrès ou la Vérité".
c'est moi qui ai rajouté la vie. Je ne suis pas du tout certain ni du Progrès, encore moins de la vérité, mais après tout, on peut tout imaginer quand on observe ce buste féminin, de belle taille avec ses 70cm.
Il se trouve que ce n'est pas la première fois que l'une des Natures de Mucha passe en vente. Il y a même eu chez Sotheby's ! L'avantage alors est de pouvoir accéder à une notice détaillée, sérieuse, et exhaustive, que ce soit pour une voiture d'exception, et pour une oeuvre d'art : j'apprends alors que Mucha a créé sept, (chiffre symbolique) exemplaires de la Nature, six étaient connus, et en 2019, est mis en vente le septième exemplaire ! le lot 150 ! Le prix de vente confirme l'intérêt porté par les enchérisseurs, pour un buste même de cette taille.
Edmond Rostand écrivait :
« Un je-ne-sais-quoi de secret
rend sa grâce unique est bien sienne
grâce de Sainte qui serait
en même temps magicienne. »
Et Sotheby's complète : "Jusqu’à ce jour, seules six versions de La Nature étaient
connues. Notre sculpture est une découverte puisqu’elle porte désormais à sept
le nombre d’exemplaires. Tous présentent de légères variantes, notamment dans
certains détails du diadème, et de la patine.
La Nature est exposée pour la première fois dans la section
autrichienne de l’Exposition Universelle de 1900 et illustrée sous le numéro
102 du catalogue officiel ainsi que dans la revue "Le mois littéraire et
pittoresque". Etrangement, elle ne paraît guère avoir suscité de commentaires.
Seule une brève description donnée par Anna Dvorak dans une publication de
l’exposition consacrée à l’Art des Petits Etats Européens en fait état : « un
buste en bronze de La Nature avec des boucles d’oreilles dorées, un ornement en
porphyre sur la tête (…) ».
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| j'ai bau écarquiller les yeux, impossible de la distinguer sur la cheminée, elle a du être enlevée ?? |
Au début des années 1960, seule une sculpture réalisée en
1901 pour le décor de la boutique du joailler Fouquet est connue. Je vous l'ai montrée il y a peu (1). La boutique,
démontée en 1920, sera acquise par le Musée des Arts Décoratifs. Cette
sculpture est aujourd’hui conservée au musée Carnavalet ; sa silhouette bien
que proche, diffère sensiblement du buste La Nature. A cette époque, les
sculptures de Mucha sont quasiment inconnues. La plupart sont perdues ou
non-localisées. Il faut attendre 1965 et l’article de Connaissance des Arts « La
vie des objets/ un second buste de Mucha est retrouvé » pour finalement
redécouvrir le fameux buste La Nature. Cet exemplaire appartient en 1965 à
Valentin Abdy qui le vendit à Robert Walker avant qu’il ne soit acquis par les
collectionneurs Sydney et Francis Lewis qui en firent don en 1985 au Virginia
Museum of Fine Arts où il se trouve encore aujourd’hui.
Le 3 novembre 1971, Sotheby’s Belgravia à Londres vend un
deuxième exemplaire de La Nature ayant un ornement et des boucles d’oreilles en
malachite. Il fait aujourd’hui partie de la collection Gillon Crowet et est
exposé au Musée Fin de Siècle à Bruxelles.
Vers 1972-1973, le collectionneur, et alors marchand,
Ferdinand Wolfgang Neess acquiert auprès du Dépôt 15 à Paris un troisième
exemplaire de La Nature qui se trouve aujourd’hui au Badisches Landes Museum de
Karlsruhe.
Ferdinand Wolfgang Neess avait également acquis auprès du
marchand Robert Walker au début des années 70 une autre version de La Nature.
Elle a également une patine bicolore et un ornement en lapis-lazuli sur la
tiare. Elle rejoindra la Collection Neess présentée au Musée de Wiesbaden dès
la fin du mois de juin 2019.
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| l'oeuf en lapis lazuli, et les boucles d'oreille créole |
Le 17 juin 1988, Sotheby’s Londres présente une autre version de La Nature à patine mate acquise par Victor Arwas qui semble l’avoir vendue à un collectionneur japonais. A notre connaissance cette version se trouve dans les collections du Gouvernement Sakai, Japon.
Le 6 décembre 2002, à New York, toujours chez Sotheby’s, une nouvelle œuvre de La Nature passe en vente et établit le record du monde pour un bronze de Mucha atteignant 807 000 $ : je vous l'ai montrée plus haut.
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| je repère les variantes à l'oeuf sur la tiare, ici il est en cristal de roche (?) |
Notre bronze, c'est la maison Sotheby's qui parle (ou plutôt qui écrit) redécouvert récemment, fut acquis à la fin des
années 1990 à Paris avant d’être vendu et conservé jusqu’à nos jours dans une
collection privée. Il s’agit du seul exemplaire, avec deux autres
connus, qui soit encore en mains privées.
Philippe Jullian, dans son ouvrage de 1969 Esthètes et
magiciens décrit ainsi cette « Belle dame sans merci », archétype de la femme
fin de siècle :
«Avec son expression énigmatique et ses yeux clos sur un
monde intérieur de rêverie, la femme symboliste évoque des images de chimères
hantées par la mort, la sorcellerie et le culte, alors très répandu, de
l’absorption de drogues hallucinogènes".
ça alors ! inattendu, non ?
La femme Art Nouveau, quant à elle, n’offrait finalement qu’un pâle reflet de cette thématique. C’en était fini de la femme fatale : elle avait cédé la place à une enchanteresse échevelée. Le nouveau rôle de la femme relevait de l’allégorie. Bien que toujours symboliste, elle personnifiait désormais des idéaux telles que la Justice, la Foi, la Vérité ou le Progrès ; on la vit d’ailleurs bientôt brandir une torche en incarnation du Progrès et se transformer en Fée Electricité ».
décidément les commentateurs d'art utilisent une langue pire que celle des énarques ! !
Il n’aurait pu mieux décrire ce buste emblématique. En
effet, hormis le modèle du Virginia Museum of Fine Arts, celui du Badisches
Landes Museum de Karlsruhe et celui vendu en 2002 à New York, les différents
exemplaires listés ci-dessus semblent tous avoir eu à l’origine à la place de
l’ornement en pierre dure de la tiare une ampoule. Notre exemplaire présente
encore une partie de la douille originale qui la recevait. Ceci explique aussi
le trou situé au dos du buste qui apparait sur les trois autres fontes vendues
par Sotheby’s et sur celui de la collection Neess.
Ainsi, cette œuvre majeure symbolisait en 1900 non seulement
« l’invention de la lampe à incandescence mais « par extension, le triomphe de
la science sur la mécanique et, de fait, du nouveau siècle sur l’ancien».
Artiste multiforme, Mucha a décliné ce même modèle dans ses affiches et publicités, contribuant à façonner un archétype féminin qui, lui-même, a circulé sur tous les supports imaginables, du papier au métal, de la céramique au marbre.
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| en effet, une douille remplace l'oeuf habituel, il suffirait de rajouter l'ampoule, et la Nature éclairerait le monde ! |
PS (1) : http://babone5go2.blogspot.com/2021/03/carnavalet-retrouve.html